REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance en date du 4 mars 2004, enregistrée le 8 mars 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée à ce tribunal par Mlle X ;
Vu la demande, enregistrée le 4 décembre 2003 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par Mlle X et tendant à l'annulation de la décision du 17 juin 2003 par laquelle la commission d'assimilation des diplômes européens pour l'accès à la fonction publique hospitalière a estimé que le diplôme belge d'éducateur spécialisé ne pouvait être assimilé au diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé français ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu le traité sur l'Union européenne ;
Vu les directives n° 89/48/CEE du 21 décembre 1988 et n° 92/51/CEE du 18 juin 1992 ;
Vu la modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le décret n° 94-616 du 21 juillet 1994 modifié, relatif à l'assimilation, pour l'accès aux concours ou examens de la fonction publique hospitalière, de titres ou diplômes délivrés dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;
Vu le décret n° 93-652 du 26 mars 1993 modifié, portant statut particulier des assistants socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Michel Delpech, chargé des fonctions de Maître des Requêtes, rapporteur,
- les conclusions de M. Christophe Devys, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du décret du 26 mars 1993, le corps des assistants socio-éducatifs est un corps de la fonction publique hospitalière à statut particulier, dont le recrutement par concours sur titre est ouvert, pour l'emploi d'éducateur spécialisé, aux seuls titulaires du diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé ; que l'article 1er du décret du 21 juillet 1994 fixe les conditions dans lesquelles lorsque le recrutement par voie de concours ou d'examen dans un corps de la fonction publique hospitalière est subordonné (...) à la possession de certains titres ou diplômes nationaux, les titres ou diplômes au moins équivalents délivrés dans un autre Etat membre de la Communauté européenne (...) sont assimilés aux titres ou diplômes nationaux (...) ; qu'il institue à cet effet une commission placée auprès du ministre chargé de la santé, qui, en vertu de l'article 5 dudit décret, apprécie le degré des connaissances et des qualifications que le titre ou le diplôme présenté permet de présumer chez son titulaire en fonction de la nature et de la durée des études nécessaires, ainsi que, le cas échéant, des formations pratiques dont l'accomplissement était exigé pour l'obtenir et se prononce sur l'assimilation du titre ou du diplôme présenté par une décision motivée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la directive n° 92/51 du Conseil du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles et dont le délai de transposition expirait le 18 juin 1994 : Lorsque, dans l'Etat membre d'accueil, l'accès à une profession réglementée ou son exercice est subordonné à la possession d'un certificat, l'autorité compétente ne peut refuser à un ressortissant d'un Etat membre, pour défaut de qualification, d'accéder à cette profession ou de l'exercer dans les mêmes conditions que les nationaux : (...) b) si le demandeur a exercé à temps plein cette profession pendant deux ans ou pendant une période équivalente à temps partiel, au cours des dix années précédentes dans un autre Etat membre qui ne réglemente pas cette profession en ayant un ou plusieurs titres de formation (...) c) si le demandeur qui n'a ni diplôme, ni titre de formation (...) a exercé cette profession dans un autre Etat membre qui ne réglemente pas cette profession (...) pendant trois ans consécutivement ou pendant une période équivalente à temps partiel, au cours des dix années précédentes ;
Considérant, qu'il résulte de cette directive, telle qu'elle a été interprétée par l'arrêt rendu le 9 septembre 2003 par la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire C-285-01, que constitue une profession réglementée au sens de la directive du 18 juin 1992, toute activité professionnelle qui, quant à ses conditions d'accès ou d'exercice, est directement ou indirectement régie par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives imposant la possession d'un diplôme ; que le décret du 26 mars 1993 subordonne l'accès à l'emploi d'éducateur spécialisé au sein du corps des assistants sociaux-éducatifs de la fonction publique hospitalière, à la détention du diplôme d'Etat d'éducateur spécialisé ; que l'activité professionnelle d'éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière doit donc être regardée comme une profession réglementée au sens de la directive mentionnée ci-dessus ; qu'au surplus, dans un arrêt du 7 octobre 2004, rendu dans l'affaire C-402, la Cour de justice des Communautés européennes a considéré que la profession d'éducateur spécialisé dans les fonctions publiques hospitalières et territoriales constitue une profession réglementée au sens des directives nos 89/48 et 92/51 ;
Considérant, qu'il résulte des dispositions précitées de la directive du 18 juin 1992, telles qu'interprétées par la Cour de justice des communautés européennes, que les Etats membres devaient adopter avant le 18 juin 1994 les mesures nécessaires pour qu'un ressortissant d'un autre Etat membre qui veut exercer, à titre indépendant ou salarié, une profession réglementée dont l'accès est subordonné, dans l'Etat d'accueil, à la possession d'un diplôme, ne se voie pas opposer, lorsque la correspondance entre les diplômes délivrés par l'Etat d'accueil et par l'Etat d'origine n'est que partielle, un refus d'apprécier si les capacités acquises par l'intéressé, après l'obtention du diplôme, dans le cadre d'une expérience pratique, complètent suffisamment celles qu'atteste son diplôme étranger ;
Considérant qu'à la date à laquelle a été opposé à Mlle X, de nationalité belge, un refus de concourir pour l'accès à un emploi d'éducateur spécialisé dans la fonction publique hospitalière par l'effet d'une décision en date du 17 juin 2003 de la commission d'homologation pour la fonction publique hospitalière, aucune mesure visant à atteindre l'objectif rappelé ci-dessus de la directive précitée n'avait été prise par la France ; que, par suite, faute de prévoir un régime permettant, pour se présenter aux concours et examens de la fonction publique hospitalière de tenir compte des acquis de l'expérience, les dispositions de l'article 5 du décret du 21 juillet 1994 n'étaient pas compatibles avec les objectifs de la directive n° 92/51 du Conseil du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles ; que, dès lors, le refus opposé à la requérante le 17 juin 2003 par la commission d'assimilation des titres de la fonction publique hospitalière et la décision confirmative du 3 octobre 2003 doivent, en raison de cette illégalité, être annulées ;
DECIDE :
Article 1er : La décision opposée à Mlle X le 17 juin 2003 par la commission d'assimilation des titres de la fonction publique hospitalière, et la décision confirmative de la précédente en date du 3 octobre 2003 sont annulées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle X et au ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
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Titrage : 15-03-03-01 COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES - APPLICATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - PRISE EN COMPTE DES DÉCISIONS DE LA COUR DE JUSTICE - INTERPRÉTATION DU DROIT COMMUNAUTAIRE - DIRECTIVE DU 18 JUIN 1992 RELATIVE À UN DEUXIÈME SYSTÈME GÉNÉRAL DE RECONNAISSANCE DES FORMATIONS PROFESSIONNELLES - OBLIGATION POUR LES ETATS MEMBRES D'ADOPTER AVANT L'EXPIRATION DU DÉLAI DE TRANSPOSITION DES MESURES PERMETTANT LA PRISE EN COMPTE DE L'EXPÉRIENCE PROFESSIONNELLE POUR L'ACCÈS AUX PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES EN CAS DE CORRESPONDANCE PARTIELLE ENTRE DIPLÔMES [RJ1] - CONSÉQUENCE - ILLÉGALITÉ DU SYSTÈME D'ÉQUIVALENCE DE DIPLÔMES POUR L'ACCÈS À LA FONCTION PUBLIQUE HOSPITALIÈRE (ART. 5 DU DÉCRET DU 21 JUILLET 1994).
36-03-02-01 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - ENTRÉE EN SERVICE - CONCOURS ET EXAMENS PROFESSIONNELS - ADMISSION À CONCOURIR - Fonction publique hospitalière - Système d'équivalence des diplômes requis pour concourir (art. 5 du décret du 21 juillet 1994) - Incompatibilité avec la directive du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles [RJ1].
Résumé : Il résulte des dispositions de l'article 6 de la directive n° 92/51/CEE du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, telles qu'interprétées par l'arrêt rendu le 9 septembre 2003 par la Cour de justice des communautés européennes, que les Etats membres devaient adopter avant le 18 juin 1994 les mesures nécessaires pour qu'un ressortissant d'un autre Etat membre qui veut exercer, à titre indépendant ou salarié, une profession réglementée dont l'accès est subordonné, dans l'Etat d'accueil, à la possession d'un diplôme, ne se voit pas opposer, lorsque la correspondance entre les diplômes délivrés par l'Etat d'accueil et par l'Etat d'origine n'est que partielle, un refus d'apprécier si les connaissances acquises par l'intéressé, après l'obtention du diplôme, dans le cadre d'une expérience pratique complètent suffisamment celles qu'atteste son diplôme étranger. Par suite, faute de prévoir un régime permettant, pour se présenter aux concours de la
fonction publique hospitalière, de tenir compte des acquis de l'expérience, les dispositions de l'article 5 du décret du 21 juillet 1994 relatif à l'assimilation, pour l'accès aux concours ou examens de la fonction publique hospitalière, de titres ou diplômes délivrés dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ne sont pas compatibles avec les objectifs de la directive du 18 juin 1992.
Il résulte des dispositions de l'article 6 de la directive n° 92/51/CEE du 18 juin 1992 relative à un deuxième système général de reconnaissance des formations professionnelles, telles qu'interprétées par l'arrêt rendu le 9 septembre 2003 par la Cour de justice des communautés européennes, que les Etats membres devaient adopter avant le 18 juin 1994 les mesures nécessaires pour qu'un ressortissant d'un autre Etat membre qui veut exercer, à titre indépendant ou salarié, une profession réglementée dont l'accès est subordonné, dans l'Etat d'accueil, à la possession d'un diplôme, ne se voit pas opposer, lorsque la correspondance entre les diplômes délivrés par l'Etat d'accueil et par l'Etat d'origine n'est que partielle, un refus d'apprécier si les connaissances acquises par l'intéressé, après l'obtention du diplôme, dans le cadre d'une expérience pratique complètent suffisamment celles qu'atteste son diplôme étranger. Par suite, faute de prévoir un régime permettant, pour se présenter aux concours de la fonction
publique hospitalière, de tenir compte des acquis de l'expérience, les dispositions de l'article 5 du décret du 21 juillet 1994 relatif à l'assimilation, pour l'accès aux concours ou examens de la fonction publique hospitalière, de titres ou diplômes délivrés dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ne sont pas compatibles avec les objectifs de la directive du 18 juin 1992.
Précédents jurisprudentiels : [RJ1] Rappr. CJCE, 9 septembre 2003, aff. C-285/01, Burbaud ; Cf. 4 février 2004, Leseine et Mme Warnimont, n° 225310, à publier, feuilles roses p. 23.
Excès de pouvoir