En l'espèce, M. X a subi une intervention chirurgicale en urgence le 31 mai 1992 à la suite d'une mauvaise chute alors qu'il était âgé de cinq ans. La responsabilité du CH concerné pour faute a été reconnu par un jugement du Tribunal administratif d'Orléans, le 28 juin 2007. En raison de l'aggravation de son état, M. X a demandé à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée, ce qui lui a été refusé par la Cour administrative d'appel de Nantes le 13 novembre 2008. M. X se pourvoit alors en cassation. Le Conseil d'Etat fait droit à la demande de M. X et considère que "pour rejeter la demande d'expertise dont elle était saisie, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir constaté que l'état de M. X s'était aggravé, lui a opposé la circonstance qu'il avait refusé la nouvelle intervention proposée par son chirurgien pour éviter une évolution défavorable de la déformation de son coude et que de ce fait, l'aggravation de son handicap lui était imputable ; qu'en imputant ainsi exclusivement l'aggravation de l'état de l'intéressé à son refus d'une intervention réparatrice, alors que celle-ci n'aurait pas été rendue nécessaire si une faute n'avait pas été commise par le centre hospitalier lors de l'intervention chirurgicale de mai 1992 et en en déduisant que l'expertise était inutile faute de droit à réparation de M. X au titre de l'aggravation constatée de son état, la cour a commis une erreur de droit". Le Conseil d'Etat conclut ainsi qu'un patient victime d'une erreur médicale et qui refuse une chirurgie réparatrice peut toutefois rechercher la responsabilité du centre hospitalier pour l'aggravation de son handicap.
Conseil d'État
5ème et 4ème sous-sections réunies
N° 334622
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
M. Vigouroux, président
M. Philippe Ranquet, rapporteur
LE PRADO ; SPINOSI, avocat
Lecture du vendredi 3 décembre 2010
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 14 décembre 2009 et 15 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Manoël A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07NT01862-07NT02226 du 13 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, à titre principal, à ce que soit désigné un collège d'experts afin qu'il soit procédé à un nouvel examen de son état et des causes de celui-ci et, à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement n° 0500873-0602021 du 28 juin 2007 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a limité à 59 307,45 euros la somme qu'il a condamné le centre hospitalier de Blois à lui verser en réparation des préjudices qu'il a subis à la suite d'une intervention chirurgicale réalisée le 31 mai 1992 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Blois le versement à Me Spinosi de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Ranquet, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Spinosi, avocat de M. A et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Blois,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. A et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Blois ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 31 mai 1992, M. A, alors âgé de 5 ans et demi, a, à la suite d'une chute, présenté une fracture du coude droit dont il a été opéré en urgence au centre hospitalier de Blois ; qu'il a gardé une ankylose complète du coude demeuré en position d'extension et de pronation ; qu'à la suite d'une expertise réalisée en mai 2005, le tribunal administratif d'Orléans a, par jugement du 28 juin 2007, jugé que le centre hospitalier de Blois avait commis une faute en procédant à une réduction imparfaite de la fracture lors de l'opération de mai 1992 et l'a condamné à verser la somme de 59 307,45 euros à M. A en réparation de ses préjudices ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 novembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant, à titre principal, à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée en raison de l'aggravation de son état liée à l'apparition d'une déformation évolutive de la main, et, à titre subsidiaire, au relèvement des indemnités qui lui avaient été allouées ;
Considérant que pour rejeter la demande d'expertise dont elle était saisie, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir constaté que l'état de M. A s'était aggravé, lui a opposé la circonstance qu'il avait refusé la nouvelle intervention proposée par son chirurgien pour éviter une évolution défavorable de la déformation de son coude et que de ce fait, l'aggravation de son handicap lui était imputable ; qu'en imputant ainsi exclusivement l'aggravation de l'état de l'intéressé à son refus d'une intervention réparatrice, alors que celle-ci n'aurait pas été rendue nécessaire si une faute n'avait pas été commise par le centre hospitalier lors de l'intervention chirurgicale de mai 1992 et en en déduisant que l'expertise était inutile faute de droit à réparation de M. A au titre de l'aggravation constatée de son état, la cour a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 13 novembre 2008 ;
Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Spinosi, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à ce titre à la charge du centre hospitalier de Blois le versement de la somme de 3 000 euros au profit de cet avocat ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 07NT01862-07NT02226 de la cour administrative d'appel de Nantes du 13 novembre 2008 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Le centre hospitalier de Blois versera à Me Spinosi, avocat de M. A, la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Manoël A, au centre hospitalier de Blois et à la caisse primaire d'assurance maladie du Loir-et-Cher.