Revenir aux résultats de recherche

Conseil d'Etat, 30 décembre 1998, M. et Mme X. (point de départ de la prescription quadriennale - connaissance par la victime de sa créance indemnitaire)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 juillet 1997 et 20 novembre 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme X., demeurant (...) ; M. et Mme X. demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 juin 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur recours tendant à l'annulation du jugement du 9 décembre 1994 du tribunal administratif de Marseille ayant rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'assistance publique de Marseille à leur verser une somme de 10 000 000 F en réparation du préjudice ayant résulté pour eux de l'absence d'injection de gamma globuline anti D lors de la première grossesse de Mme X. ;
2°) statuant au fond, de condamner l'assistance publique de Marseille à leur verser la somme susmentionnée avec les intérêts et les intérêts des intérêts, ainsi qu'une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ghestin, avocat des époux X et de Me Le Prado, avocat de l'Assistance publique de Marseille,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : "Sont prescrites au profit de l'Etat, des départements et des communes ... sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public" ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : "La prescription est interrompue par : toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ... ; tout recours formé devant la juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ..., toute communication écrite d'une administration intéressée ... dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; toute émission de moyen de règlement ..." ; qu'aux termes de l'article 3 : "La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement" ;

Considérant que, pour estimer fondée l'exception de prescription quadriennale opposée à la créance dont se prévalent les requérants à raison de l'absence d'injection de gamma globuline anti D lors de l'hospitalisation en 1976, à l'hôpital de la Conception de Marseille, de Mme X. pour sa première grossesse, absence d'injection qui a provoqué, chez cette dernière, un état d'iso-immunité, la cour a déclaré que les époux X. ont été "pleinement informés au plus tard en 1981 tant de l'état d'iso-immunité de Mme X. que des conséquences de cet état en cas de futures grossesses, et, ainsi, de l'existence à l'encontre de l'assistance publique de Marseille, d'une créance qui serait née de la faute commise en 1976" ;

Considérant que, si la décision attaquée mentionne les éléments de fait conduisant à regarder les époux X. comme ayant eu connaissance, au plus tard en 1981, de l'état d'iso-immunité de Mme X., ladite décision s'est abstenue d'indiquer si, à la même date, les époux X. avaient connaissance d'un lien de causalité entre l'état d'iso-immunité et l'absence d'injection, en 1976, de gamma globuline anti D et pouvaient ainsi être légitimement regardés comme n'ignorant pas l'existence de leur créance ; que, faute d'une telle indication, la cour, en estimant que les époux X. avaient été informés, au plus tard en 1981, de l'existence d'une créance contre l'assistance publique de Marseille, et, en fixant en conséquence au 1er janvier 1982 le point de départ de la prescription quadriennale, n'a pas légalement motivé sa décision ; que les requérants sont par suite fondés à en demander, pour ce motif, l'annulation ; qu'il y a lieu, dans les circonstance de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon ;

Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susmentionnée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Assistance publique de Marseille à verser aux époux X. la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'arrêt en date du 19 juin 1997 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Lyon.
Article 3 : L'Assistance publique versera une somme de 10 000 F à M. et Mme Z. en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Z., à l'assistance publique de Marseille, au président de la cour administrative d'appel de Lyon et au ministre de l'emploi et de la solidarité.