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Conseil d'Etat, 30 décembre 2014, n° 372528 (Etablissement public de santé – Hospitalisation – Indemnisation – Préjudice – Intérêt – Taux légal)

M. X demande au Conseil d’Etat l’annulation d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy en date du 1er août 2013 en ce qu’il a omis de statuer sur ses conclusions tendant au versement des intérêts au taux légal sur la somme à laquelle le centre hospitalier Y a été condamné à lui verser. Le Conseil d’Etat donne droit à sa demande en considérant que les mémoires en défense de M. X, enregistrés dans l’instance d’appel, comportaient des conclusions d’appel incident « tendant à la majoration du montant de l'indemnité qui lui avait été accordée au principal " et ce avec intérêts au taux légal à dater du jugement déféré " ; que, par suite, en analysant ces conclusions dans les visas de son arrêt comme tendant à la condamnation du centre hospitalier Y à lui verser une indemnité " majorée des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt " la cour administrative d'appel de Nancy s'est méprise sur la portée des écritures de M.X ; qu'elle a en outre entaché son arrêt d'une omission à statuer sur les conclusions dont celui-ci l'avait saisie et tendant au versement des intérêts au taux légal, à compter de la date du jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 juin 2008, sur la somme de 71 845,75 euros, alors qu'elle a réformé ce même jugement en réduisant le montant de l'indemnité allouée à M.X ».

 

Conseil d'État

N° 372528   

5ème sous-section jugeant seule

Mme Dominique Chelle , rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE ; LE PRADO, avocats

lecture du mardi 30 décembre 2014

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. X. a demandé au tribunal administratif de Besançon la réparation des préjudices subis lors de son hospitalisation au sein du centre hospitalier Y.

Par un jugement n° 0600481-0800543 du 26 juin 2008, le tribunal a condamné le centre hospitalier Y.  à verser une indemnité de 286 538 euros à M. X. et la somme de 102 187,92 euros à la caisse primaire d'assurance maladie Z..

Par un arrêt n° 08NC01316 du 24 septembre 2009, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé ce jugement et rejeté la demande de M. X. tendant à la condamnation du centre hospitalier Y.

Par une décision n° 333543 du 17 octobre 2011, le Conseil d'Etat, après avoir annulé l'arrêt du 24 septembre 2009 de la cour administrative d'appel de Nancy, a renvoyé à cette dernière le jugement de l'affaire.

Par un second arrêt n° 11NC01696 du 1er août 2013, la cour administrative d'appel de Nancy a condamné le centre hospitalier Y.  à verser à M.X. la somme de 71 845,75 euros.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er octobre et 31 décembre 2013 et le 16 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. X. demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il n'a pas assorti des intérêts au taux légal la somme de 71 845,75 qu'il a condamné le centre hospitalier Y.  à lui verser en réparation des fautes commises dans sa prise en charge médicale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner le centre hospitalier Y.  à lui verser les intérêts au taux légal sur la somme de 71 845,75 euros à compter de la date du 6 décembre 2007, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier Y.  la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens.

Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Chelle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. X. et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier Y.  ;

1. Considérant que les mémoires en défense, produits devant la cour par M. X. dans l'instance d'appel engagée par le centre hospitalier Y.  et enregistrés les 10 octobre 2008, 6 janvier et 3 août 2009 ainsi que le 17 février 2012, comportaient des conclusions d'appel incident tendant à la majoration du montant de l'indemnité qui lui avait été accordée au principal " et ce avec intérêts au taux légal à dater du jugement déféré " ; que, par suite, en analysant ces conclusions dans les visas de son arrêt comme tendant à la condamnation du centre hospitalier Y.  à lui verser une indemnité " majorée des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt ", la cour administrative d'appel de Nancy s'est méprise sur la portée des écritures de M.X. ; qu'elle a en outre entaché son arrêt d'une omission à statuer sur les conclusions dont celui-ci l'avait saisie et tendant au versement des intérêts au taux légal, à compter de la date du jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 juin 2008, sur la somme de 71 845,75 euros, alors qu'elle a réformé ce même jugement en réduisant le montant de l'indemnité allouée à M.X. ;

2. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X. est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur ses conclusions tendant au versement des intérêts au taux légal sur la somme de 71 845,75 euros à compter de la date du jugement du tribunal administratif de Besançon lu le 26 juin 2008 ;

3. Considérant qu'il y a lieu, en application du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond dans la limite de la cassation prononcée ;

4. Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient en défense le centre hospitalier Y. , M. X. est recevable à demander pour la première fois en appel les intérêts à compter du jour où sa demande de paiement du principal est parvenue au centre hospitalier ;

5. Considérant, d'autre part, que M. X. a droit, ainsi qu'il le demande, aux intérêts au taux légal sur la somme de 71 845,75 euros à compter 6 décembre 2007, date non contestée de réception de sa demande préalable ; qu'il a aussi demandé la capitalisation des intérêts à la date du 31 décembre 2013 ; qu'il y a lieu d'ordonner cette capitalisation à cette date, à laquelle était due au moins une année d'intérêts, puis à chaque échéance annuelle ultérieure ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Y.  la somme de 3 000 euros à verser à M. X. au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 1er août 2013 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de M. X. tendant à ce que l'indemnité de 71 845,75 euros mise à la charge du centre hospitalier Y.  soit assortie des intérêts au taux légal.

Article 2 : Le centre hospitalier Y.  versera à M. X. les intérêts au taux légal sur la somme de 71 845,75 euros calculés à compter du 6 décembre 2007. Les intérêts échus à la date du 31 décembre 2013, puis à chaque échéance annuelle ultérieure à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 26 juin 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le centre hospitalier Y.  versera à M. X. la somme la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X. et au centre hospitalier Y.