Par décision du 19 octobre 2007, la communauté d'agglomération X. a résilié aux frais et risques de la société Y. le marché portant sur des travaux de réhabilitation et d'extension d'un immeuble conclu avec cette dernière le 7 novembre 2006. Après avoir contesté la mesure de résiliation et présenté un décompte au maître d'ouvrage, la société a saisi le tribunal administratif de Lyon. La cour administrative d'appel de Lyon a réformé le jugement et a condamné la communauté d'agglomération X. à verser à cette société la somme de 81 649,22 euros correspondant au règlement du marché résilié et à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la résiliation infondée de ce marché. C’est ainsi que la communauté d'agglomération X. s’est pourvue en cassation. Par cette décision, le Conseil d’Etat a complété sa jurisprudence « Société Axima Concept » du 15 novembre 2012 en précisant que même si le maître de l’ouvrage dresse le décompte général du marché résilié et le notifie à l’entreprise écartée, ce décompte ne pourra jamais devenir définitif tant que le juge n’aura pas statué sur la régularité de la résiliation. Par conséquent, il ne peut être opposé à l’entreprise le fait qu’elle n’a pas soumis au juge du contrat ses réclamations à l’encontre du décompte. |
Conseil d’Etat, 4 juillet 2014, req. n° 374032
Vu 1°, sous le n° 374032, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 décembre 2013 et 14 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la communauté d'agglomération X., dont le siège est … ; la communauté d'agglomération demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 12LY01393 du 17 octobre 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a, en premier lieu, annulé le jugement n° 0904664 du tribunal administratif de Lyon du 22 mars 2012 en tant qu'il avait rejeté les conclusions de la société Y. relatives au règlement du marché de travaux publics conclu avec la communauté d'agglomération le 7 novembre 2006, en deuxième lieu, qu'il l'a condamnée à verser à cette société la somme de 81 649,22 euros, avec intérêts à compter du 31 décembre 2007 et capitalisation au 21 juillet 2009 puis à chaque échéance annuelle et, enfin, qu'il a mis à sa charge les frais d'expertise ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la société Y. ;
3°) de mettre à la charge de la société Y. la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°, sous le n° 375461, la requête, enregistrée le 14 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la communauté d'agglomération X. ; la communauté d'agglomération demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à l'exécution du même arrêt, dans la mesure des conclusions de son pourvoi n° 374032 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Natacha Chicot, auditeur,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la communauté d'agglomération X., et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la SELARL Z. agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Y. ;
1. Considérant que le pourvoi de la communauté d'agglomération X. et sa requête à fin de sursis à exécution sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur le pourvoi :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par décision du 19 octobre 2007, la communauté d'agglomération X. a résilié aux frais et risques de l'entreprise Y. le marché portant sur des travaux de réhabilitation et d'extension d'un immeuble conclu avec cette dernière le 7 novembre 2006 ; qu'après avoir contesté la mesure de résiliation et présenté un décompte au maître d'ouvrage, l'entreprise a saisi le tribunal administratif de Lyon ; que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon, réformant le jugement rendu par celui-ci le 22 mars 2012, a condamné la communauté d'agglomération X. à verser à cette société la somme de 81 649,22 euros correspondant au règlement du marché résilié et à l'indemnisation du préjudice subi du fait de la résiliation infondée de ce marché ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 49 du cahier des clauses administratives générales, dans sa rédaction applicable au marché litigieux : " 49.1. A l'exception des cas prévus au 22 de l'article 15 et au 16 de l'article 46, lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit (...) / 49.2. Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée, ou la résiliation du marché peut être décidée (...) / 49.4. La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être, soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. / Dans les deux cas, les mesures prises en application du 3 de l'article 46 sont à sa charge. / En cas de résiliation aux frais et risques de l'entrepreneur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux. (...). Par exception aux dispositions du 42 de l'article 13, le décompte général du marché résilié ne sera notifié à l'entrepreneur qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux " ;
4. Considérant que ces dispositions, applicables lorsque le marché a été régulièrement résilié, ne font pas obstacle à ce que, sous réserve que le contentieux soit lié, le cocontractant dont le marché a été résilié à ses frais et risques saisisse le juge du contrat afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de cette résiliation et demander, de ce fait, le règlement des sommes qui lui sont dues, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché après, le cas échéant, que le juge du contrat a obtenu des parties les éléments permettant d'établir le décompte général du marché résilié ; que la circonstance qu'un décompte général tenant compte du règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux soit notifié par l'administration avant que le juge statue sur le litige qui lui a été soumis par l'entreprise dont le marché a été résilié ne prive pas ce litige de son objet ; que ce décompte général ne peut acquérir un caractère définitif et faire obstacle à ce qu'il soit statué sur les conclusions du cocontractant dont le marché a été résilié dès lors que le juge du contrat est précisément saisi d'une demande contestant la régularité ou le bien-fondé de la résiliation et tendant au règlement des sommes dues ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que, l'entreprise Y. ayant contesté la mesure de résiliation du marché et saisi le juge du contrat d'une demande tendant au règlement des sommes dues, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la communauté d'agglomération X. ne pouvait utilement se prévaloir de ce que le décompte général tenant compte du règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux, notifié ultérieurement à la société Y., serait devenu définitif, faute pour cette société d'avoir à nouveau porté ses réclamations devant le juge du contrat ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les malfaçons constatées pour l'encadrement des fenêtres étaient de nature essentiellement esthétique, la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée en jugeant que ces désordres ne pouvaient être regardés comme des manquements aux obligations contractuelles suffisamment graves pour justifier la résiliation aux torts du titulaire ;
7. Considérant, en dernier lieu, que la communauté d'agglomération X. n'est pas fondée à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte, pour établir le décompte général du marché résilié, des sommes qu'elle avait dépensées au titre des travaux supplémentaires, notamment du marché de substitution, dès lors que, la cour ayant constaté le caractère infondé de la résiliation du marché, ces sommes ne pouvaient être mises à la charge de la société Y. ; que, contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération, la cour n'a pas non plus commis d'erreur de droit en établissant le montant des sommes dues au vu des éléments contradictoirement débattus devant elle ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la communauté d'agglomération X. doit être rejeté ;
Sur la requête aux fins de sursis à exécution :
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant au sursis à exécution de l'arrêt attaqué sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SELARL Z. agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Y. qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération X. la somme de 6 000 euros à verser à la SELARL Z. en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la communauté d'agglomération X. est rejeté.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 375461.
Article 3 : La communauté d'agglomération X. versera à la SELARL Z. agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Y. la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la communauté d'agglomération X. et à la SELARL Z..