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Conseil d’Etat, 6 mai 2009, n° 304977 (Infirmière – Changement d’affectation – Mesure d’ordre intérieur)

Une infirmière coordonatrice du service des soins infirmiers à domicile d’un établissement public de santé a été affectée, par décision du directeur au service « maison de retraite » de cet hôpital. Saisi par cet agent hospitalier, le tribunal administratif a considéré que cette décision avait amoindri ses responsabilités, tout en relevant qu'elle n'avait eu d'incidence ni sur sa situation pécuniaire, ni sur ses perspectives de carrière. Le Conseil d’Etat estime, pour sa part, qu’en retenant ainsi, pour qualifier la décision en litige, une diminution des attributions de cette infirmière dont il résultait des termes mêmes de son jugement qu'elle n'était pas de nature à porter atteinte à des garanties statutaires ou de carrière, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Il relève que cette décision, qui lui permettait de bénéficier des mêmes avantages pécuniaires et lui confiait la responsabilité des soins infirmiers d'un service de 90 lits, n'a porté atteinte ni à ses garanties statutaires ni à ses perspectives de carrière et constituait une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge. La Haute juridiction administrative considère par conséquent que les demandes de la requérante tendant à son annulation et l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur de l'hôpital a refusé de rapporter cette mesure et de la réintégrer dans son poste précédent sont irrecevables et doivent être rejetées.

Conseil d'État
1ère et 6ème sous-sections réunies

N° 304977

Inédit au recueil Lebon

M. Vigouroux, président
Mme Christine Grenier, rapporteur
M. Derepas Luc, commissaire du gouvernement
SCP LAUGIER, CASTON ; SCP BARADUC, DUHAMEL, avocats

Lecture du mercredi 6 mai 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu l'ordonnance du 19 avril 2007, enregistrée le 23 avril 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai transmet au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par l'HOPITAL SAINT-JACQUES ;

Vu le pourvoi, enregistré le 10 avril 2007 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, et le mémoire complémentaire, enregistré le 21 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'HOPITAL SAINT-JACQUES, dont le siège est B.P. 508 aux Andelys Cedex (27705), représenté par son président en exercice ; l'hôpital requérant demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du 8 février 2007 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a, à la demande de Mme Nicole A, annulé la décision du 18 novembre 2002 du directeur de l'HOPITAL SAINT-JACQUES l'affectant au service maison de retraite de cet hôpital à compter du 1er janvier 2003, et la décision implicite par laquelle le directeur de l'hôpital a rejeté sa demande de réaffectation dans le poste d'infirmière coordinatrice au sein du service de soins infirmiers à domicile de ce même établissement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande présentée par Mme A en première instance ;

3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Christine Grenier, chargée des fonctions de Maître des requêtes,

- les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de l'HOPITAL SAINT-JACQUES et de la SCP Laugier, Caston, avocat de Mme A,

- les conclusions de M. Luc Derepas, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de l'HOPITAL SAINT-JACQUES et à la SCP Laugier, Caston, avocat de Mme A ;

Sur les conclusions présentées par Mme A :

Considérant que les conclusions, enregistrées après l'expiration du délai de recours en cassation, par lesquelles Mme A demande l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'HOPITAL SAINT-JACQUES à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de son changement d'affectation revêtent le caractère d'un pourvoi incident dirigé contre ce jugement ; qu'elles soulèvent un litige distinct de celui qui a fait l'objet du pourvoi de l'HOPITAL SAINT-JACQUES, tendant à l'annulation de la décision de changement d'affectation ; qu'elles ne sont, par suite, pas recevables ;

Sur le pourvoi de l'HOPITAL SAINT-JACQUES :

Considérant que, pour juger que la décision du 18 novembre 2002 par laquelle le directeur de l'HOPITAL SAINT-JACQUES a affecté Mme A au service maison de retraite de cet hôpital faisait grief à cette dernière, le tribunal administratif de Rouen a estimé que cette décision avait amoindri ses responsabilités, tout en relevant qu'elle n'avait eu d'incidence ni sur sa situation pécuniaire, ni sur ses perspectives de carrière ; qu'en retenant ainsi, pour qualifier la décision en litige, une diminution des attributions de Mme A dont il résultait des termes mêmes de son jugement qu'elle n'était pas de nature à porter atteinte à des garanties statutaires ou de carrière, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que son jugement doit, dès lors, être annulé en tant qu'il a annulé, d'une part, la décision du 18 novembre 2002 du directeur de l'HOPITAL SAINT-JACQUES affectant Mme A au service maison de retraite et, d'autre part, la décision implicite par laquelle il a refusé d'abroger cette décision et de réintégrer Mme A dans le poste qu'elle occupait précédemment ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler, dans cette mesure, l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que Mme A, qui était précédemment chargée des fonctions d'infirmière coordinatrice du service de soins infirmiers à domicile de l'HOPITAL SAINT-JACQUES, a vu ses tâches modifiées par la décision, ci-dessus analysée, du 18 novembre 2002 ; que celle-ci, qui lui permettait de bénéficier des mêmes avantages pécuniaires et lui confiait la responsabilité des soins infirmiers d'un service de 90 lits, n'a porté atteinte ni à ses garanties statutaires ni à ses perspectives de carrière ; qu'elle constituait ainsi une mesure d'ordre intérieur, insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que les demandes de Mme A tendant à son annulation et, par voie de conséquence, à l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur de l'hôpital a refusé de rapporter cette mesure et de la réintégrer dans son poste précédent sont, par suite, irrecevables et doivent être rejetées ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'HOPITAL SAINT-JACQUES, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A demande sur ce fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par l'HOPITAL SAINT-JACQUES ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 8 février 2007 est annulé en tant qu'il annule la décision du directeur de l'HOPITAL SAINT-JACQUES du 18 novembre 2002 et la décision implicite par laquelle ce dernier a refusé de réintégrer Mme A dans le poste d'infirmière coordinatrice au sein du service de soins infirmiers à domicile.

Article 2 : Les conclusions du pourvoi incident présenté par Mme A devant le Conseil d'Etat et les conclusions de sa demande de première instance tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'HOPITAL SAINT-JACQUES du 18 novembre 2002 et de la décision implicite par laquelle ce dernier a refusé de la réintégrer dans le poste d'infirmière coordinatrice au sein du service de soins infirmiers à domicile sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l'HOPITAL SAINT-JACQUES est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l' HOPITAL SAINT-JACQUES et à Mme Nicole A.