REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 juillet 1996 et 29 novembre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X., demeurant (...) ; M. X. demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 7 décembre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, avant de statuer sur sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional de Nice soit condamné à réparer les dommages ayant résulté pour lui des interventions qu'il y a subies les 7 et 10 mars 1986, a ordonné une expertise ;
2°) d'annuler l'arrêt du 21 février 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa demande et a mis à sa charge les frais d'expertise ;
3°) de condamner le centre hospitalier régional de Nice à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de M. X. et de Me Le Prado, avocat du centre hospitalier régional de Nice,
- les conclusions de M. Salat-Baroux, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt du 7 décembre 1993 :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêt du 7 décembre 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a écarté les conclusions de M. X. tendant à mettre en cause la responsabilité sans faute du centre hospitalier régional de Nice en raison des dommages ayant résulté pour lui des interventions qu'il y a subies les 7 et 10 mars 1986 lui a été notifié le 17 décembre 1993 ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prolonge le délai de recours en cassation contre une décision avant-dire droit jusqu'à l'expiration du délai de pourvoi contre l'arrêt définitif ; qu'il s'ensuit que les conclusions de M. X. dirigées contre l'arrêt du 7 décembre 1993 de la cour administrative d'appel de Lyon tendant à mettre en cause la responsabilité sans faute du centre hospitalier régional de Nice, enregistrées le 31 juillet 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, sont tardives et, dès lors, irrecevables ;
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêt du 21 février 1995 :
Sur la responsabilité sans faute du centre hospitalier régional de Nice :
Considérant que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'autorité de la chose jugée qui s'attache à son arrêt du 7 décembre 1993 par lequel elle a rejeté les conclusions de M. X. tendant à mettre en cause la responsabilité sans faute du centre hospitalier régional de Nice faisait obstacle à ce que ces conclusions fussent à nouveau examinées et en les écartant pour ce motif ;
Sur la faute du centre hospitalier :
Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une intervention chirurgicale destinée à traiter par arthrodèse vertébrale la lombalgie et la sciatalgie droite dont M. X était atteint, un hématome extradural s'est formé, provoquant chez l'intéressé des douleurs et des troubles fonctionnels importants ainsi qu'une invalidité évaluée à 55 % ; qu'en se fondant sur le caractère exceptionnel d'un tel accident pour juger qu'il n'y avait pas lieu d'informer le patient des risques de l'opération, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; qu'il y a lieu de l'annuler sur ce point et, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer le jugement des conclusions de M. X. dirigées contre le jugement du 30 juin 1992 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il se prononce sur la responsabilité pour faute du centre hospitalier régional de Nice devant la cour administrative d'appel de Marseille ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés" ; que l'article 43 de la même loi autorise le bénéficaire de l'aide juridictionnelle à demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75 précité, la partie perdante "au paiement d'une somme au titre des frais qu'il a exposés" ; que l'article 37 dispose que "l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner, dans les conditions prévues à l'article 75, la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à une somme au titre des frais que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Il peut, en cas de condamnation, renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et poursuivre le recouvrement à son profit de la somme allouée par le juge" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle ne peut demander au juge de condamner à son profit la partie perdante qu'au paiement des seuls frais qu'il a personnellement exposés, à l'exclusion de la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle confiée à son avocat, mais que l'avocat de ce bénéficiaire peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement à son profit de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
Considérant, d'une part, que M. X., pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. X. n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies ;
DECIDE :
Article 1er : L'arrêt du 21 février 1995 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. X.I tendant à mettre en cause la responsabilité pour faute du centre hospitalier régional de Nice.
Article 2 : Le jugement des conclusions de M. X. dirigées contre le jugement du 30 juin 1992 du tribunal administratif de Nice et tendant à mettre en cause la responsabilité pour faute du centre hospitalier régional de Nice est renvoyé devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X. est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X., au centre hospitalier régional de Nice, au président de la cour administrative d'appel de Marseille et au secrétaire d'Etat à la santé.