REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête présentée par le sieur X, chef de bureau à la Préfecture d'Indre-et-Loire, ladite requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 mars 1949, et tendant à ce qu'il plaise au Conseil annuler
1° un arrêté du préfet d'Indre-et-Loire en date du 13 juillet 1948 le suspendant de ses fonctions ;
2° un arrêté du préfet d'Indre-et-Loire en date du 30 juillet 1948 lui infligeant un blâme ;
Vu la Constitution de la République française ;
Vu les lois du 19 octobre 1946, du 27 décembre 1947 et du 28 septembre 1948 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 ;
En ce qui concerne la mesure de suspension : Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure de suspension dont le sieur X a été frappé le 13 juillet 1948 a été rapportée le 20 juillet 1948, antérieurement à l'introduction du pourvoi ; qu'ainsi la requête est, sur ce point, sans objet ;
En ce qui concerne le blâme : Considérant que le sieur X soutient que cette sanction a été prise en méconnaissance du droit de grève reconnu par la Constitution ;
Considérant qu'en indiquant, dans le préambule de la Constitution, que "le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent", l'assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève constitue l'une des modalités, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte ;
Considérant que les lois des 27 décembre 1947 et 28 septembre 1948, qui se sont bornées à soumettre les personnels des compagnies républicaines de sécurité et de la police à un statut spécial et à les priver, en cas de cessation concertée du service, des garanties disciplinaires, ne sauraient être regardées, à elles seules, comme constituant, en ce qui concerne les services publics, la réglementation du droit de grève annoncée par la Constitution ;
Considérant qu'en l'absence de cette réglementation, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d'exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ; qu'en l'état actuel de la législation il appartient au gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics, de fixer lui-même, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne ces services, la nature et l'étendue desdites limitations ;
Considérant qu'une grève qui, quel qu'en soit le motif, aurait pour effet de compromettre dans ses attributions essentielles l'exercice de la fonction préfectorale porterait une atteinte grave à l'ordre public ; que dès lors le gouvernement a pu légalement faire interdire et réprimer la participation des chefs de bureau de préfecture à la grève de juillet 1948 ;
Considérant qu'il est constant que le sieur X, chef de bureau à la préfecture d'Indre-et-Loire, a, nonobstant cette interdiction, fait grève du 13 au 20 juillet 1948 ; qu'il résulte de ce qui précède que cette attitude, si elle a été inspirée par un souci de solidarité, n'en a pas moins constitué une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en lui infligeant un blâme le préfet d'Indre-et-Loire a excédé ses pouvoirs ;
Décide :
DECIDE : Article 1er - La requête susvisée du sieur X est rejetée. Article 2 - Expédition de la présente décision sera transmise au ministre de l'Intérieur.