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Conseil d'Etat, 8 octobre 1990, Ville de Toulouse (Cumul d'activité - Activité déficitaire - Congé maladie)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire, le mémoire complémentaire et le recours aux fins de sursis à exécution enregistrés les 12 juin 1989 et 9 octobre 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la ville de Toulouse, représentée par son maire en exercice ; la ville de Toulouse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 28 février 1989 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, à la demande de M. X., annulé d'une part la décision du 7 avril 1987 par laquelle son maire a décidé que le traitement de M. X. ne lui serait plus versé à compter du 31 mars 1987, d'autre part l'arrêté du 26 juin 1987 de ce même maire infligeant à M. X. la sanction de la révocation à compter du 15 juillet 1987,
2°) de rejeter les demandes présentées par M. X. devant le tribunal administratif de Toulouse ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution de ce jugement ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987 ;
Vu le décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations de fonctions ;
Vu le décret n° 85-1141 du 23 octobre 1985 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu :
- le rapport de M. Goulard, Auditeur,
- les observations de Me Luc-Thaler, avocat de la ville de Toulouse,
- les conclusions de M. Pochard, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne la décision du maire de Toulouse en date du 7 avril 1987 suspendant le versement de son traitement à M. X. :

Considérant que M. X., ouvrier professionnel de 2ème catégorie à la ville de Toulouse a fait l'objet, le 7 avril 1987, d'une mesure de suspension de son traitement motivée par le fait "qu'il s'était livré à une activité lucrative au cours de son congé maladie" ; que cette mesure, qui était explicitement prévue par les dispositions de l'article L. 415-20 du code des communes, lesquelles ont été abrogées par l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984, ne constituait pas une simple mesure comptable et revêtait un caractère disciplinaire ; que, n'étant rangée par aucune disposition législative ou réglementaire parmi les sanctions disciplinaires dont les agents des communes peuvent être l'objet, le maire de Toulouse ne pouvait sans illégalité, l'édicter ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse en a prononcé l'annulation ;

En ce qui concerne l'arrêté du maire de Toulouse en date du 26 juin 1987 portant révocation de M. X. :

Considérant que si le maire de Toulouse a engagé la procédure disciplinaire à l'encontre de M. X. en n'indiquant au conseil de discipline qu'un grief motivant la convocation de l'intéressé devant ledit conseil, rien ne s'opposait à ce que ce dernier, prenant connaissance de l'ensemble du dossier de l'intéressé, tînt compte, dans son avis, d'éléments relatifs à la manière de servir de l'intéressé ressortant de ce dossier et sur lesquels M. X. a été à même de s'expliquer ; qu'en motivant l'arrêté de révocation de M. X. non seulement sur le grief ayant justifié la saisine du conseil de discipline, mais aussi sur les éléments relatifs à la manière de servir évoqués par ledit conseil, le maire de Toulouse n'a pas méconnu les dispositions de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 ; que c'est donc à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance de ces dispositions pour annuler la décision du maire de Toulouse de révoquer M. X. ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X. devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Considérant, d'une part, que si, en vertu de l'article 3 du décret loi du 29 octobre 1936, l'interdiction formulée à l'égard des fonctionnaires par le 1er alinéa de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983 d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit "ne s'applique pas à la production des oeuvres scientifiques, littéraires ou artistiques", il ne ressort pas des pièces du dossier que l'activité de photographe que M. X. reconnaît avoir exercé cumulativement avec son emploi, ait revêtu un caractère artistique ; que la circonstance que l'activité privée ainsi exercée par l'intéressé se serait révélée financièrement déficitaire n'est pas de nature à lui enlever le caractère lucratif ;

Considérant, d'autre part, que l'interdiction faite à un fonctionnaire d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative demeure applicable alors même que ledit fonctionnaire est placé en position de congé maladie ; que la circonstance que l'administration n'ait apporté la preuve que d'un cas d'infraction à l'interdiction ainsi posée, au cours de la période du congé maladie pendant laquelle la sanction a été prise, est sans incidence sur la réalité du manquement et sur son caractère fautif ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par la ville de Toulouse à la demande présentée par M. X. que la ville de Toulouse est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du maire de cette commune en date du 26 juin 1987 portant révocation de M. X. ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 1er du décret du 2 septembre 1988 et de condamner la ville de Toulouse à payer à M. X. la somme qu'il demande au titre de sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 28 février 1989 du tribunal administratif de Toulouse, en tant qu'il annule la décision du 26 juin 1987 du maire de Toulouse, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X. devant le tribunal administratif de Toulouse et tendant à l'annulation de la décision du 26 juin 1987 du maire de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la ville de Toulouse et les conclusions de M. X. devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ville de Toulouse, à M. X. et au ministre de l'intérieur.