Un agent hospitalier a saisi le Conseil d’Etat d’une demande en annulation d’une décision implicite du directeur de l’hôpital rejetant sa demande de nouvelle bonification indiciaire (NBI). Ce moniteur d’atelier dans une clinique sollicitait le bénéfice de la NBI sur le fondement du décret du 31 janvier 1996 concernant les agents exerçant leurs fonctions auprès de malades dans le secteur sanitaire des services ou des établissements accueillant des personnes polyhandicapées. Par cet arrêt, le Conseil d’Etat considère que les termes de travail auprès des malades doivent s'entendre, compte tenu de la nature des troubles dont sont atteintes les personnes physiquement et mentalement déficientes accueillies dans les établissements qu'elles visent, de toute tâche accomplie par le personnel hospitalier auprès de ces patients, quelle que soit le finalité de ces tâches (thérapeutiques, éducatives, d'hygiène ou d'assistance aux actes de leur vie courante). La Haute juridiction administrative estime ainsi que le requérant est fondé à solliciter le bénéfice de la NBI et indique que celle-ci ne doit pas être réservée qu’aux seuls agents assurant ou participant aux soins des patients polyhandicapés tels que les infirmiers et les aides-soignants.
N° 305863
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Martin, président
M. Olivier Rousselle, rapporteur
M. Thiellay Jean-Philippe, commissaire du gouvernement
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, avocats
lecture du mercredi 9 décembre 2009
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai 2007 et 22 août 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Christophe A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 7 mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur du centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir a rejeté sa demande de nouvelle bonification indiciaire (NBI) ;
2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision attaquée et de condamner le centre hospitalier à lui verser le rappel des traitements correspondants ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier de lui accorder la NBI pour toute la durée de ses fonctions sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le décret n° 93-658 du 26 mars 1993 ;
Vu le décret n° 96-92 du 31 janvier 1996 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Rousselle, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, rapporteur public,
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 31 janvier 1996 portant modification de certaines dispositions relatives à la nouvelle bonification indiciaire et portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique hospitalière : Une nouvelle bonification indiciaire (...) est attribuée mensuellement, à raison de leurs fonctions aux fonctionnaires hospitaliers ci-dessous énumérés (...) : / 10°) Agents exerçant en secteur sanitaire un travail auprès des malades des services ou des établissements accueillant des personnes polyhandicapées (...) ; que les termes de travail auprès des malades au sens de ces dispositions doivent s'entendre, compte tenu de la nature des troubles dont sont atteintes les personnes physiquement et mentalement déficientes accueillies dans les établissements qu'elles visent, de toute tâche accomplie par le personnel hospitalier auprès de ces patients, que ces tâches aient des finalités thérapeutiques, éducatives, d'hygiène ou d'assistance aux actes de leur vie courante ; que, par suite, en jugeant que le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire doit être réservé aux agents assurant ou participant aux soins des patients polyhandicapés et que cette bonification ne peut être accordée qu'aux infirmiers et aides-soignants exerçant dans un établissement ayant cette vocation, le tribunal administratif de Montpellier a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu par suite d'annuler son jugement ;
Considérant qu'il y a lieu, en vertu de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mmes B, C, D et M. A, membres de l'équipe éducative de la clinique des Campilles dépendant du centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir ont saisi le directeur de cet établissement, par courrier collectif daté du 2 décembre 2002, d'une demande d'octroi de la nouvelle bonification indiciaire ; que la circonstance que ce courrier ait été posté sous le timbre du syndicat CGT du centre hospitalier ne faisait pas obstacle à sa transmission à l'administration qui en a accusé réception le 29 janvier 2003 ; que le silence gardé sur cette demande pendant plus de deux mois a fait naître une décision implicite de rejet que M. A était recevable à contester devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Au fond :
Considérant que M. A exerce la fonction de moniteur d'atelier ; que les membres de ce corps mettent en oeuvre, en application de l'article 2 du décret du 26 mars 1993 régissant leur statut, dans l'établissement où ils sont affectés, le projet éducatif élaboré (...) pour les adultes handicapés ; que M. A exerçant ainsi un travail auprès des personnes polyhandicapées accueillies à la clinique des Campilles, au sens de l'article 2 du décret du 31 janvier 1996, a droit à la nouvelle bonification indiciaire ; que la décision rejetant sa demande tendant à son octroi doit être annulée et le centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir condamné à lui verser les rappels de traitement correspondants ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision cette mesure, assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution ; qu'eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci implique nécessairement que le centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir verse à M. A les rappels de traitement correspondant à la nouvelle bonification indiciaire à laquelle il a droit ; qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'enjoindre au centre hospitalier de procéder à ce règlement dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A devant le tribunal administratif de Montpellier et devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 7 mars 2007 et la décision du rejet opposée par le centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir à la demande de M. A sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir de verser à M. A, dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision, les rappels de traitement correspondant à la nouvelle bonification indiciaire à laquelle il a droit.
Article 3 : Le centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir versera une somme de 2 000 euros à M. A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 5 : La présente décision est notifiée à M. Christophe A et au centre hospitalier Léon-Jean Grégory de Thuir.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de la santé et des sports.