Par cet avis, le Conseil d’Etat considère que l’identification du médecin qui rend l’avis médical dans le cadre d’une demande de séjour temporaire pour raison médicale est une formalité substantielle dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure. Une Cour administrative d’appel a posé au Conseil d’Etat une question relative à l’application des règles de déontologie médicale relatives à l’établissement des documents tels qu’un certificat, une ordonnance, une attestation, délivrés par un médecin, à l’avis médical transmis au préfet et non au patient par le médecin inspecteur de santé publique (MISP) dans le cadre de l’examen d’une demande de titre de séjour temporaire « vie privée et familiale ». Ces règles disposent que tout document délivré au patient doit permettre l’identification du praticien dont il émane et être signé par lui. En l’espèce, le requérant a contesté la procédure d’examen de sa demande de séjour et en particulier le fait que l’avis du médecin de l’administration transmis au préfet, ne comportait qu’une signature illisible ne permettant pas d’identifier son auteur. Le Conseil d’Etat considère que les MISP doivent respecter ces règles mais que celles-ci ne régissent toutefois pas la procédure administrative au terme de laquelle le préfet prend sa décision. La régularité de cette procédure implique seulement, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du médecin inspecteur de la santé publique et, à Paris, du médecin chef de la préfecture de police et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par le médecin inspecteur de la santé publique compétent. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification du médecin inspecteur dont il émane et être signé par lui.
Conseil d'Etat
LE CONSEIL D'ETAT. SECTION DU CONTENTIEUX.
2ème et 7ème sous-sections réunies, Sur le rapport de la 2ème sous-section
M. X
N° 325913
19 juin 2009
Cette décision sera publiée au Recueil LEBON
Vu, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 mars 2009, l'arrêt en date du 19 février 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, avant de statuer sur la requête de M. X tendant à l'annulation du jugement du 17 janvier 2007 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 26 juin 2003 du préfet de police rejetant sa demande de renouvellement du titre de séjour dont il bénéficiait en tant qu'étranger malade et, d'autre part, à ce qu'il lui soit enjoint de lui délivrer une carte de séjour, sous astreinte de 100 € par jour de retard dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) la réglementation applicable aux ressortissants étrangers doit-elle être regardée comme entièrement déterminée par les dispositions de l'article 12 bis de l'ordonnance modifiée du 2 novembre 1945 et les textes pris pour son application, en sorte que les exigences formelles du 2ème alinéa de l'article 76 du code de déontologie médicale précité ne s'appliqueraient pas à l'avis requis par l'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 lequel, n'étant pas délivré au patient après son examen médical, constituerait un document interne à l'administration, directement adressé au préfet, aux fins d'assurer le strict respect du secret médical ? ;
2°) si au contraire les prescriptions précitées du code de déontologie s'appliquent à l'avis susmentionné, le manquement aux règles déontologiques qu'impliquerait leur méconnaissance a-t-il pour effet de vicier la procédure d'examen de la demande du titre de séjour et par suite d'entraîner l'annulation du refus opposé par l'autorité préfectorale ? Dans l'affirmative, ce vice a-t-il un caractère substantiel ou le préfet peut-il le réparer en apportant devant le juge la preuve que l'avis a été effectivement rendu par le médecin compétent ? ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1976 ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 ;
Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades prévus à l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
REND L'AVIS SUIVANT :
En vertu du 11ème alinéa de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, applicable à la date du refus contesté devant la cour administrative d'appel de Paris et désormais codifié à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de délivrer à un étranger malade résidant habituellement en France une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de la santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. L'article 7-5 du décret du 30 juin 1946 réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, alors applicable et aujourd'hui codifié à l'article R. 313-22 du même code, prévoit que cet avis est émis « dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé ». L'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades, pris pour l'application de ces dispositions, prévoit notamment que le rapport médical du médecin agréé ou du praticien hospitalier est adressé sous pli confidentiel au médecin inspecteur de la santé publique ou au médecin chef de la préfecture de police, qui conserve ce rapport et transmet son avis à l'autorité préfectorale.
L'article 76 du décret du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale, applicable à la date du refus contesté et désormais codifié à l'article R. 4127-76 du code de la santé publique, prévoit que : « L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. / Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l'identification du praticien dont il émane et être signé par lui. Le médecin peut en remettre une traduction au patient dans la langue de celui-ci ».
Les exigences prévues par cet article sont au nombre des règles professionnelles que les médecins inspecteurs de santé publique doivent respecter en vertu des dispositions de l'article R. 1421-14 du même code. Aussi incombe-t-il à ces médecins inspecteurs de s'y conformer lorsqu'ils rédigent, à l'intention du préfet, l'avis prévu par l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Les prescriptions de l'article R. 4127-76 du code de la santé publique ne régissent toutefois pas la procédure administrative au terme de laquelle le préfet prend sa décision. La régularité de cette procédure implique seulement, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du médecin inspecteur de la santé publique et, à Paris, du médecin chef de la préfecture de police et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par le médecin inspecteur de la santé publique compétent. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification du médecin inspecteur dont il émane et être signé par lui. L'identification de l'auteur de cet avis prévu à l'article L. 313-11 de ce code constitue ainsi une formalité substantielle dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure.
Le présent avis sera notifié au président de la cour administrative d'appel de Paris, à M. X, au ministre de la santé et des sports et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de Mlle Constance Rivière, Auditeur, - les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;
Le Président : M. Bernard Stirn.