Par une ordonnance du 5 octobre 2023, le juge des référés du Conseil d’Etat s’est prononcé sur la requête d’un professeur des universités et praticien hospitalier en chirurgie demandant la suspension de l’arrêté du 15 mars 2023 prononçant la suspension à titre conservatoire de ses fonctions universitaires et hospitalières, pris par le ministre chargé de la santé et la ministre chargée de la recherche.
Dans le cadre d’une procédure devant la juridiction disciplinaire dont le requérant faisait l’objet, les ministres précitées ont jugé utile de prononcer la suspension à titre conservatoire de l’agent jusqu’au terme de la procédure en considérant que l’intérêt du service l’exigeait. Il est reproché au praticien de causer des troubles dans le bon fonctionnement du service de chirurgie cardiaque au sein duquel il exerce, les ministres lui imputant la responsabilité d’un climat professionnel délétère dans ce service, susceptible de porter préjudice à la sécurité des soins.
En effet, diverses rapports internes et externes ont conclu à l’existence d’un grave conflit opposant le requérant et son supérieur hiérarchique. Il est précisé dans un des rapports que le requérant a une responsabilité particulière dans ce conflit et qu’« une part importante des praticiens dénonce le climat de suspicion permanente qu’il entretient à leur encontre ».
Le requérant, qui se prévaut de la qualité de lanceur d’alerte, a adressé de multiples courriers et courriels à la direction de l’hôpital et à l’agenre régionale de santé (ARS) reprochant à son supérieur hiérarchique « des lacunes managériales et des pratiques cliniques et chirurgicales non conformes mettant en péril la sécurité des patients ». De plus, il a réalisé, de sa propre initiative, une étude sur la mortalité au sein du service de chirurgie cardiaque et ne conteste pas avoir procédé à cet effet à la consultation du dossier médical de plusieurs centaines de patients qu’il n’avait pas reçus en consultation ni opérés.
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a considéré que « le moyen titré de ce que la suspension prononcée à titre conservatoire à son encontre ne serait pas motivée par l’intérêt du service invoqué par les ministres mais aurait été prise, en représailles, à la suite des signalements effectués par l’intéressé depuis 2019 […] n’apparaît pas, en l’état de l’instruction, propre à faire naître un doute sérieux sur sa légalité ». Il a ainsi prononcé le rejet de la requête.
En parallèle, le praticien a reçu la sanction du blâme par une décision du 6 septembre 2022 de la chambre disciplinaire de première instance d’Ile de France de l’ordre des médecins, qui a jugé que la diffusion massive au sein et à l’extérieur du centre hospitalier des résultats de l’étude menée sur la mortalité au sein de service, qui constituait une campagne de dénigrement de celui-ci, relève d’un manquement à l’obligation de prudence ainsi qu’au secret professionnel.