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Conseil d’Etat, première et quatrième chambres réunies, 24 juillet 2024, n° 489976

La loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a réformé les conditions d’accès au troisième cycle des études de médecine. Depuis lors, l’article L. 632-2 du Code de l’éducation dissocie les conditions d’accès au troisième cycle des études de médecine des modalités d’affectation dans une spécialité et un lieu d’internat. Tandis que l’accès au troisième cycle des études de médecine et subordonné à l’obtention d’une note minimale à un examen national d’évaluation des connaissances et des compétences, l’affectation dans une spécialité et un lieu d’internat est effectuée après une procédure nationale d’appariement tenant non seulement compte des notes obtenues à l’examen national et des vœux des étudiants, mais également des points de valorisation du parcours de formation et du projet professionnel des étudiants en médecine.

L’arrêté du 21 décembre 2021 relatif à l’organisation des épreuves nationales donnant accès au troisième cycle des études de médecine a fixé les conditions d’attribution des points destinés à valoriser le parcours de formation et le projet professionnel des étudiants en médecine. L’article 21 de cet arrêté prévoyait que le parcours de formation des étudiants soit examiné par l’université au vu d’un dossier, constitué par les étudiants, « sur la base d’une grille nationale de valorisation du parcours de formation, qui est commune à tous les dossiers examinés [et] comprend une pluralité de critères non-discriminatoires ». Cette grille, annexée à l’arrêté, comportait plusieurs rubriques, chacune étant assortie d’un barème de points, respectivement intitulées « cursus médecine », « cursus hors médecine », « engagement étudiant », « mobilité », « compétences linguistiques » et « expérience professionnelle ». S’agissant de cette dernière rubrique, alors que l’arrêté du 21 décembre 2021 avait précisé qu’il pouvait s’agir d’une expérience professionnelle « réalisée dans tout domaine », un arrêté du 28 septembre 2023 a restreint le champ des activités professionnelles susceptibles d’êtres valorisées en ajoutant les mots suivants « hors champ de la formation en santé ».

C’est précisément au sujet de cette restriction que se sont prononcées les première et quatrième chambres réunies du Conseil d’Etat dans leur décision du 24 juillet 2024. En l’espèce, trois sociétés privées de préparation aux épreuves d’admission en deuxième année d’études de médecine ont demandé l’annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté du 28 septembre 2023 en tant qu’il a ajouté les mots « hors champ de la formation en santé » à la rubrique « expérience professionnelle ».

Ces trois sociétés ont tout d’abord fait valoir que les dispositions de l’arrêté du 28 septembre 2023 avaient été édictées en méconnaissance du principe d’égalité, d’une part, entre les étudiants selon qu’ils accomplissent des activités de tutorat ou qu’ils dispensent des formations dans les établissements privés préparant à l’admission en deuxième année d’études de médecine, d’autre part, entre les étudiants selon que, concomitamment à leurs études de santé, ils exercent une activité professionnelle dans un domaine hors du champ de la formation en santé ou, à l’inverse, dans ce champ. Ces trois sociétés ont également fait valoir que l’arrêté du 28 septembre 2023 n’avait été signé que par la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministre de la santé et de la prévention, alors qu’il aurait aussi dû être signé par le ministre de la défense.

Les première et quatrième chambres réunies du Conseil d’Etat ont jugé que les différences de traitement entre étudiants résultant des dispositions attaquées étaient en rapport direct avec l’objectif de la réglementation relative à la valorisation du parcours de formation et du projet professionnel des étudiants en médecine, et n’étaient pas manifestement disproportionnées. Par conséquent, les trois sociétés n’étaient pas fondées à soutenir que ces dispositions méconnaissaient le principe d’égalité. Les première et quatrième chambres réunies du Conseil d’Etat ont en revanche jugé que les trois sociétés étaient fondées à soutenir que, le ministre de la défense n’ayant pas signé l’arrêté, les dispositions attaquées étaient entachées d’incompétence. L’arrêté du 28 septembre 2023 a donc été annulé en tant qu’il ajoutait au tableau annexé à l’arrêté du 21 décembre 2021 les mots « hors le champ de la formation en santé » après les mots « expérience professionnelle réalisée dans tout domaine ». Cette annulation a pris effet le 1er novembre dernier.