Ce litige oppose un centre hospitalier à un syndicat. Par deux notes de service, le directeur du centre hospitalier a modifié l'organisation et l'aménagement du travail de personnels, prévoyant la suppression d'un jour de repos par mois en contrepartie d'une diminution de l'amplitude horaire de travail journalier de vingt minutes. Le syndicat a saisi le tribunal administratif de Pau d'un recours en annulation dirigé contre ces deux notes. Celles-ci ont été annulées par le tribunal. La Cour estime que ces notes de service portent atteinte aux dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et doivent être annulées. Considérant ces notes comme des actes administratifs susceptibles de recours, la Cour confirme la solution rendue en première instance. |
Cour administrative d'appel de Bordeaux
N° 12BX02111
2ème chambre (formation à 3)
lecture du mardi 19 novembre 2013
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée le 8 août 2012, présentée par Me A...pour les Hôpitaux de X... ;
Les Hôpitaux de X... demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1100115 du 29 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé ses notes de services des 26 juillet et 24 décembre 2010 modifiant les amplitudes de temps de travail des personnels en repos variable, en tant que la première a prélevé un forfait de jours de repos pour l'année 2010 et en tant que la seconde a prélevé un jour de repos compensateur pour le mois de janvier 2011;
2°) de rejeter la requête du syndicat Y...des Hôpitaux de X... ;
3°) de mettre à la charge du syndicat Y...des Hôpitaux de X... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2013 :
- le rapport de Mme Déborah De Paz, premier conseiller ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- les observations de Me Attal-Galy, avocat du syndicat Y...des hôpitaux de X... ;
1. Considérant que par une note de service n° 37 du 26 juillet 2010, le directeur du centre hospitalier de X... a modifié l'organisation et l'aménagement du temps de travail des agents en repos variable en ramenant les amplitudes journalières de travail de huit heures vingt minutes à huit heures à compter du 1er août 2010 ; qu'en contrepartie, cette note prévoit pour les personnels en repos variable des services de psychiatrie adulte, Pavillon des adolescents, la reprise en jours travaillés dans le roulement du cycle de travail d'un jour par mois et par agent du 1er août au 31 décembre 2010, soit un forfait de cinq jours de repos compensateurs à déduire pour cette période ; que cette note de service a été prorogée jusqu'au 31 janvier 2011 par une autre note de service datée du 24 décembre 2010 qui prévoit un prélèvement forfaitaire d'un jour de repos compensateur par agent repris en jour travaillé dans le cycle de travail pour le mois de janvier 2011 ; qu'à la suite de la décision implicite des Hôpitaux de X... rejetant la demande qu'il avait présentée le 20 septembre 2010 tendant à l'ouverture d'un dialogue social sur ce point, le syndicat Y...des Hôpitaux de X... a saisi le tribunal administratif de Pau d'un recours en annulation dirigé contre ces deux notes de service des 26 juillet et 24 décembre 2010 ; que par un jugement du 29 mai 2012, le tribunal administratif de Pau a annulé ces deux notes en tant que la première avait prélevé illégalement un forfait de jours de repos supérieur à 3,2 jours pour l'année 2010 et en tant que la seconde avait prélevé illégalement un jour de repos compensateur pour le mois de janvier 2011 ; que les Hôpitaux de X... relèvent appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les Hôpitaux de X..., la minute du jugement attaqué comporte les signatures requises par les articles R. 741-7 et R. 741-8 du code de justice administrative ; que le moyen tiré de la méconnaissance de ces articles manque donc en fait ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Considérant qu'en l'absence, dans les statuts d'une association ou d'un syndicat, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de représenter en justice cette association ou ce syndicat ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que l'article 18 des statuts du syndicat Y...donne au secrétaire général du bureau le pouvoir de représenter le syndicat en justice ; qu'aucune autre stipulation ne réserve à un autre organe le pouvoir de décider d'engager une action en justice au nom du syndicat ; qu'ainsi, le secrétaire général avait qualité pour former, au nom de cette personne morale, un recours dirigé contre les notes de service des 26 juillet et 24 décembre 2010 ; que, dans ces conditions, la circonstance que l'assemblée générale, qui n'avait pas le pouvoir d'ester en justice ait, postérieurement, seulement décidé d'engager une action en justice contre la note de service du 26 juillet 2010 est en conséquence sans influence sur la recevabilité de la demande de première instance du syndicat Y...;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les notes de service contestées en date des 26 juillet et 24 décembre 2010 modifient l'organisation et l'aménagement du travail des personnels en repos variable des services de psychiatrie adulte, Pavillon des adolescents et prévoient forfaitairement la suppression d'un jour de repos compensateur par mois en contrepartie d'une diminution de l'amplitude horaire de travail journalier de vingt minutes ; que ces deux notes de service contiennent des dispositions qui portent atteinte aux droits et prérogatives des agents hospitaliers en repos variable ; que par suite, le syndicat Y...des Hôpitaux de X... justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour déférer ces actes, susceptibles de recours, au juge de l'excès de pouvoir ;
Sur le bien-fondé du jugement :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 4 janvier 2002 susvisé : " Sont soumis à des sujétions spécifiques : 1° Les agents en repos variable (...). Sont des agents en repos variable les agents qui travaillent au moins 10 dimanches ou jours fériés pendant l'année civile " ; qu'aux termes de l'article 9 du même décret : " Le travail est organisé selon des périodes de référence dénommées cycles de travail définis par service ou par fonctions et arrêtés par le chef d'établissement après avis du comité technique d'établissement ou du comité technique (...) Les heures supplémentaires et repos compensateurs sont décomptés sur la durée totale du cycle. Les repos compensateurs doivent être pris dans le cadre du cycle de travail " ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des explications chiffrées présentées par les parties, que la diminution de vingt minutes de la durée journalière de travail du personnel hospitalier des services de psychiatrie adulte, Pavillon des adolescents en repos variable, instituée par les notes de service contestées, fait perdre aux agents à temps plein concernés 7,7 jours de repos compensateurs sur une année civile ; qu'ainsi, la réduction à effectuer sur la période de cinq mois allant du 1er août au 31 décembre 2010 ne pouvait s'élever, après un calcul au prorata temporis du travail effectif restant à accomplir du 1er août 2010 jusqu'à la fin de l'année civile, qu'à 3,2 jours et, pour le mois de janvier 2011, qu'à 0,64 jours ; qu'en conséquence, en prévoyant une réduction forfaitaire pour tous les agents à repos variable de 5 jours de congés par agent, au titre de la période du 1er août au 31 décembre 2010, et d'un jour pour le mois de janvier 2011, l'administration, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 9 du décret du 4 janvier 2002, a supprimé illégalement des jours de repos compensateurs antérieurement acquis en 2010 ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 11 du décret du 4 janvier 2002 susvisé : " Le nombre de jours supplémentaires de repos prévus au titre de la réduction du temps de travail est calculé en proportion du travail effectif accompli dans le cycle de travail et avant prise en compte de ces jours. Il est, notamment, de : 18 jours ouvrés par an pour 38 heures hebdomadaires ; Pour un travail effectif compris entre 38 h 20 et 39 heures, le nombre de jours supplémentaires de repos est limité à 20 jours ouvrés par an (...) " ; que les Hôpitaux de X... soutiennent que le prélèvement forfaitaire de cinq jours décidé par note du 26 juillet 2010 au titre de la réduction de la durée journalière du travail pour la période du 1er août au 31 décembre 2010 et la réduction d'un jour effectuée par note de service du 24 décembre 2010 pour le mois de janvier 2011 sont justifiés, dès lors que les agents en repos variable ont indûment bénéficié de repos compensateurs au titre de la rubrique " heures supplémentaires " ; qu'ils soutiennent qu'entre 38 heures 20 de travail et la 39ème heure de travail effectuée au cours d'un même cycle de travail, ces agents ne pouvaient bénéficier de repos compensateurs en plus des 20 jours de repos forfaitairement fixés par l'article 11 du décret du 4 janvier 2002 ;
9. Considérant qu'en application des dispositions des articles 9 et 11 du décret du 4 janvier 2002 citées aux points 6. et 8., les agents, qui effectuent au cours d'un cycle de travail un travail compris entre 38 heures 20 et 39 heures, bénéficient d'un forfait de vingt jours de congés supplémentaires de repos au titre de la réduction du temps de travail et ne peuvent de ce fait bénéficier de repos compensateurs au titre des heures supplémentaires effectuées qu'au-delà de la 39ème heure ; que toutefois, les Hôpitaux de X... n'établissent pas que 3,6 jours de repos compensateur par agent, calculés à tort sur les quarante minutes de travail effectuées entre 38 heures 20 et 39 heures, auraient été indûment accordés à chacun des agents hospitaliers en repos variable des services de psychiatrie adulte, Pavillon des adolescents, sur la période du 1er août au 31 décembre 2010 et pour le mois de janvier 2011 ; qu'ils ne sont dès lors pas fondés à soutenir que les réductions forfaitaires appliquées aux agents en repos variable, au titre de la réduction de la durée journalière de travail pour la période allant du 1er août au 31 décembre 2010 et pour le mois de janvier 2011, étaient légalement justifiées ;
10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du décret du 4 janvier 2002 susvisé : " La durée du travail effectif s'entend comme le temps pendant lequel les agents sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Lorsque l'agent a l'obligation d'être joint à tout moment, par tout moyen approprié, pendant le temps de restauration et le temps de pause, afin d'intervenir immédiatement pour assurer son service, les critères de définition du temps de travail effectif sont réunis (...) " ; que les Hôpitaux de X... soutiennent, sur ce point, que le prélèvement forfaitaire de cinq jours de repos compensateurs décidé par la note de service du 26 juillet 2010 au titre de la période du 1er août au 31 décembre 2010 et celui d'1 jour prévu par la note de service du 24 décembre 2010 pour le mois de janvier 2011 sont justifiés dès lors que le temps de repas des agents en repos variable aurait dû leur ouvrir droit à seulement 4,7 jours de repos compensateurs au lieu des 5,5 jours de repos compensateurs dont ils ont bénéficié ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le temps de repas des agents à repos variable est fixé forfaitairement à 30 minutes ; qu'il n'est pas établi que ces agents pourraient, pendant la totalité de leur temps de repas, vaquer librement à leur occupations personnelles sans être à la disposition de leur employeur ; que par suite, en application de l'article 5 précité du décret du 4 janvier 2002, ces agents hospitaliers ont droit à la prise en compte de la totalité de cette durée de 30 minutes dans le calcul de leurs jours de repos compensateurs ; qu'ainsi, et alors même que l'article 11 de l'accord local RTT du 15 février 2002 avait fixé le temps de repas pris hors temps de travail des agents à repos variable à onze minutes, les Hôpitaux de X... ne sont pas fondés à soutenir que ces agents bénéficieraient indûment de 0,8 jours de repos compensateurs, calculés sur la base de ces onze minutes pour la période allant la période du 1er août au 31 décembre 2010 et au titre du mois de janvier 2011, et que, dès lors, le nombre de jours compensateurs déduits forfaitairement au titre de la réduction de la durée journalière du travail était justifié en droit ;
12. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 3 du décret du 4 janvier 2002 susvisé : " La durée annuelle de travail effectif mentionnée au deuxième alinéa de l'article 1er du présent décret est réduite pour les agents soumis aux sujétions spécifiques dans les conditions ci-après : 1° Pour les agents en repos variable, la durée annuelle de travail effectif est réduite à 1 582 heures, hors jours de congés supplémentaires tels que définis à l'article 1er, cinquième et sixième alinéa, du décret du 4 janvier 2002 susvisé. En outre, les agents en repos variable qui effectuent au moins 20 dimanches ou jours fériés dans l'année civile bénéficient de deux jours de repos compensateurs supplémentaires. 2° Pour les agents travaillant exclusivement de nuit (....). A compter du 1er janvier 2004, la durée annuelle de travail effectif est réduite à 1 476 heures, hors jours de congés supplémentaires tels que définis à l'article 1er, cinquième et sixième alinéa, du décret du 4 janvier 2002 susvisé " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce décret : " Les agents travaillant exclusivement de nuit ne peuvent prétendre aux réductions de la durée annuelle de travail effectif prévues pour les deux autres sujétions. Pour les agents qui alternent des horaires de jour et des horaires de nuit, la durée annuelle de travail effectif est réduite au prorata des périodes de travail de nuit effectuées " ; que les Hôpitaux de X... soutiennent que les retenues forfaitaires de jours de repos compensateurs décidées par les notes de services litigieuses étaient justifiées dès lors que 1,6 jours de repos compensateurs par an a été attribué indûment aux agents en roulement alternant des périodes de jour et des périodes de nuit et que quarante neuf infirmiers sur trois cents infirmiers en repos variable affectés dans les services de psychiatrie adulte, Pavillon des adolescents ont travaillé moins de vingt dimanches par an et qu'ils ont bénéficié indûment, de ce fait, de deux jours de repos compensateurs ;
13. Considérant qu'à la date des notes de service en litige, les hôpitaux de X... accordaient indifféremment à tous les agents en repos variable 4 jours de repos compensateurs au titre des dimanches et jours fériés, sans tenir compte du fait que certains agents travaillaient moins de vingt dimanches et jours fériés par an et n'avaient dès lors droit qu'à deux jours de repos compensateur à ce titre ; que les hôpitaux de X... n'ont pas tenu compte non plus des repos compensateurs réduits auxquels avaient droit les agents effectuant en alternance des horaires de jour et des horaires de nuit, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du décret du 4 janvier 2002 ; que toutefois ces circonstances ne permettaient pas aux Hôpitaux de X... de retirer forfaitairement à tous les agents des services concernés, en contrepartie d'une diminution de vingt minutes de leur amplitude horaire journalière, cinq jours de repos compensateurs pour la période du 1er août au 31 août 2010, par note de service du 26 juillet 2010, et un jour de repos compensateur, par note de service du 24 décembre 2010, sans tenir compte de l'organisation individuelle du travail de chacun des agents ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir soulevée en défense, que les Hôpitaux de X... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a annulé partiellement les deux notes de service des 26 juillet et 24 décembre 2010 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat Y...des Hôpitaux de X..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que demandent les Hôpitaux de X... au titre des frais qu'ils ont exposés, non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge des Hôpitaux de X... la somme de 1 500 euros au profit du syndicat Y...sur le même fondement ;
DECIDE
Article 1er : La requête des Hôpitaux de X... est rejetée.
Article 2 : Les Hôpitaux de X... verseront au syndicat Y...des Hôpitaux de X... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.