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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 22 janvier 2009, n°08BX00194 (Faute – défaut d’information – perte de chance)

En l'espèce un patient a été hospitalisé dans un CHU afin de soigner des crises d’épilepsie ; le traitement médicamenteux qui lui a été prescrit et administré a entraîné l’apparition d’un syndrome de Lyell. Il saisit alors le tribunal administratif de Toulouse qui rejette sa demande tendant à la condamnation du CHU à l’indemniser des préjudices qu’il a subis. La cour administrative d’appel de Bordeaux rejette sa demande en considérant que même si le défaut d’information a constitué une faute susceptible d’engager la responsabilité du centre hospitalier, il résulte toutefois de l’instruction que l’état de ce patient nécessitait impérativement un tel traitement, qu’il n’est pas établi qu’il existait une alternative thérapeutique moins risquée et que le faute commise par le centre hospitalier n’a pas entraîné, dans le circonstances de l’espèce, de perte de chance pour le patient de se soustraire au risque qui s’est réalisé.

Cour Administrative d'Appel de Bordeaux

N° 08BX00194
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre - formation à 3
M. LEDUCQ, président
Mme Evelyne BALZAMO, rapporteur
M. ZUPAN, commissaire du gouvernement
CABINET DESPRES & NAKACHE, avocat

lecture du jeudi 22 janvier 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 janvier 2008 sous le n° 08BX00194, présentée pour M. Jérémy X, demeurant ..., par la Selarl d'avocats Després et Nakache ;

M. X demande à la cour :

- d'annuler le jugement en date du 10 novembre 2007 en tant que le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Toulouse à l'indemniser des préjudices subis à la suite de la prescription d'un traitement contre l'épilepsie ;

- de déclarer le centre hospitalier universitaire de Toulouse responsable des préjudices subis et d'ordonner une expertise afin d'en fixer le montant ;

- de condamner le centre hospitalier universitaire de Toulouse à lui verser une provision de 100.000 euros et une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2008,
- le rapport de Mme Balzamo, premier conseiller ;
- les observations de Me Malaussanne de la Selarl Montazeau-Cara, avocat du centre hospitalier universitaire de Toulouse ;
- et les conclusions de M. Zupan, commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier universitaire de Toulouse :

Considérant que M. X fait appel du jugement en date du 10 avril 2007 en tant que le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Toulouse à l'indemniser des préjudices subis à la suite de la prescription d'un traitement contre l'épilepsie ;

Sur la responsabilité pour faute :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en 1997, M. Jérémy X alors âgé de neuf ans a été hospitalisé au centre hospitalier universitaire de Toulouse afin de soigner des crises d'épilepsie et qu'un traitement par Tegretol lui a été prescrit ; que l'administration de ce traitement médicamenteux a entrainé l'apparition d'un syndrome de Lyell ;

Considérant en premier lieu, que si M. X soutient que le centre hospitalier a commis une faute en ne prescrivant pas une surveillance particulière lors du traitement par Tegretol, il résulte du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Toulouse, qu'une telle surveillance sanguine et hépatique ne permet pas la prévention du syndrome dont il a été atteint ; que dès lors, c'est à juste titre que le tribunal administratif a considéré qu'il n'existait pas de lien de causalité entre l'absence de prescription d'une telle surveillance et le préjudice subi par le requérant ;

Considérant en second lieu, que lorsqu'un acte médical, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation d'information ;

Considérant que les époux X n'ont pas été informés des risques du syndrome de Lyell en cas d'administration de Tegretol ; que ce défaut d'information a constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'état de Jérémy X nécessitait impérativement un tel traitement ; qu'il n'est pas établi qu'il existait une alternative thérapeutique moins risquée ; que, par suite, la faute commise par le centre hospitalier n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour le jeune Jérémy X de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue, mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient, comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que si l'expert a estimé que l'état du requérant n'était pas consolidé, il a considéré que le taux d'incapacité permanente partielle ne saurait être inférieur à 20 %, les souffrances endurées à 4 sur une échelle de 1 à 7 et le préjudice esthétique à 3 sur une échelle de 1 à 7 et qu'il existe un préjudice moral ; que l'expert a précisé également que les séquelles dont M. Jérémy X reste atteint sont constituées de troubles ophtalmologiques et de manifestations psychiatriques réactionnelles susceptibles d'évoluer favorablement ; que dans ces conditions, les dommages subis par le requérant ne peuvent être regardés comme présentant un caractère d'extrême gravité ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les conditions de la responsabilité sans faute n'étaient pas réunies en l'espèce ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Toulouse à les indemniser ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier universitaire de Toulouse qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le centre hospitalier universitaire de Toulouse ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne sont rejetés.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Toulouse présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.