M.X a été admis le 26 juin 2001 à l'hôpital X dépendant du centre hospitalier universitaire (CHU) à la suite d'un diagnostic de tumeur au niveau colorectal. Il est décédé le 22 juillet 2001, après avoir subi trois interventions chirurgicales les 28 juin, 10 et 18 juillet 2001. L'épouse et les deux enfants de M.X ayant sollicité l'ouverture d'une information judiciaire en vue de rechercher les causes de son décès, le juge d'instruction du TGI de Bordeaux, après avoir ordonné cinq expertises médicales successives, a prononcé le 20 octobre 2010 une ordonnance de non-lieu du chef d'accusation d'homicide involontaire.
Le tribunal administratif de Bordeaux, par un jugement rendu le 25 février 2014, a condamné le CHU à verser à Mme X la somme de 9 800 euros, à M. Y la somme de 3 500 euros et à Mlle Z la somme de 8 500 euros en réparation de leurs préjudices à raison d'une faute dans l'organisation du service hospitalier. Le CHU a été par ailleurs condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lot-et-Garonne une somme de 4 360,03 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2012 en remboursement de ses débours ainsi qu'une somme de 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le surplus des conclusions des demandeurs et de celles de la caisse primaire d'assurance maladie de Lot-et-Garonne a été rejeté. Par les deux requêtes , Mme X. et Mlle Z. demandent la réformation de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leurs conclusions. La caisse primaire d'assurance maladie de Lot-et-Garonne demande le remboursement de ses débours.
Sur la faute du CHU : Une défaillance dans la surveillance de M. X après la troisième intervention a été relevée par les experts désignés le 15 février 2002 ainsi que dans le rapport remis le 29 janvier 2007 par le dernier expert, lequel a relevé en outre l'absence de prélèvements bactériologiques au niveau des écoulements purulents jusqu'à la troisième intervention. Les experts ont encore relevé une absence de prise en compte de l'occlusion intestinale, pourtant apparente sur des clichés du 20 juillet 2001 et un défaut de mise en place d'une sonde gastrique susceptible d'éviter les régurgitations de liquide gastrique dans les bronches, lesquelles ont entrainé une broncho-pneumopathie. Selon les experts, une décision de transfert dans un service de réanimation chirurgicale aurait dû être prise après la troisième intervention. Ces différents manquements sont constitutifs de fautes médicales et de fautes dans l'organisation du service hospitalier de nature à engager la responsabilité du CHU.
Sur le préjudice : Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. En considérant le bon état général de M.X lors de son hospitalisation, à la gravité et à l'accumulation de négligences dans sa prise en charge et à la faible proportion de décès liés à ce type de complications, il a lieu d'estimer que le risque de décès de M. X s’il avait été pris en charge selon les règles de l'art et dans le cadre d'un fonctionnement normal du service hospitalier aurait été négligeable. Par suite, les fautes du centre hospitalier doivent être regardées comme étant à l'origine directe du décès du patient et pas seulement d'une perte d'une chance d'éviter ce décès. Dès lors, les requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal, par le jugement attaqué, a estimé que les fautes du centre hospitalier n'étaient à l'origine que d'une perte de chance de 70 % d'éviter le décès.
La Cour précise que « Le droit à la réparation d'un dommage, quelle que soit sa nature, s'ouvre à la date à laquelle se produit le fait qui en est directement la cause. Si la victime du dommage décède avant d'avoir elle-même introduit une action en réparation, son droit, entré dans son patrimoine avant son décès, est transmis à ses héritiers. Le droit à réparation du préjudice résultant pour elle de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en œuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers. Il n'en va, en revanche, pas de même du préjudice résultant de la perte de chance de survivre dès lors que cette perte n'apparaît qu'au jour du décès de la victime et n'a pu donner naissance à aucun droit entré dans son patrimoine avant ce jour. » Ainsi, la perte de chance de survie, qui s'est constitué au décès du patient, n'a pu créer aucun droit à réparation susceptible d'avoir été transmis à ses ayant-droits. Les requérantes ne sont dès lors pas fondées à en demander réparation.