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Cour Administrative d'Appel de Bordeaux, 28 juin 2007, n° 06BX00229 (Infirmiers - actes professionnels - sanction disciplinaire)

En l’espèce, une infirmière exerçant dans un CHU, où elle faisait partie de l’équipe soignante de nuit, a été sanctionnée d’un blâme pour avoir refusé d’accomplir plusieurs tâches habituellement confiées à cette équipe en prévision du travail de l’équipe du matin tels que la préparation des plaquettes de médicaments ou des injections devant être administrés aux malades. La CAA de Bordeaux précise que ces tâches figurent effectivement au nombre de celles pouvant légalement être confiées aux infirmiers en vertu des dispositions réglementaires en vigueur à l’époque des faits. Leur accomplissement par les infirmières de nuit constituait une pratique admise par l’ensemble du personnel compte tenu de la charge de travail des équipes de jour. La CAA de Bordeaux a, cependant, condamné le CHU en considérant que le directeur de cet établissement avait fait une appréciation manifestement disproportionnée de la gravité de la faute commise en infligeant à cette infirmière un blâme dans la mesure où le refus de cet agent d’accomplir ces tâches s’inscrivait dans un contexte de mouvement social particulier, qu’aucune répercussion n’avait retenti sur la sécurité des patients et la qualité des soins et que cela n’avait entraîné aucune réelle perturbation dans l’organisation du service.

Cour Administrative d'Appel de Bordeaux

N° 06BX00229   


Inédit au recueil Lebon


2ème chambre (formation à 3)


M. LEPLAT, président
M. David ZUPAN, rapporteur
M. PEANO, commissaire du gouvernement
DOUCELIN, avocat


Lecture du jeudi 28 juin 2007

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 février 2006, présentée par le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES, dont le siège est sis 2 rue Martin Luther King, à Limoges (87042 cedex), représenté par son directeur général en exercice ;

Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0401302, en date du 8 décembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du directeur général de cet établissement public de santé du 1er juillet 2004 infligeant un blâme à Mme Véronique X, ensemble la décision portant rejet du recours gracieux de l'intéressée ;

2° de rejeter la demande présentée par Mme X au Tribunal administratif de Limoges ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2007,

le rapport de M. Zupan, premier conseiller ;

les observations de M. Maradene-Constant directeur adjoint pour le centre hospitalier universitaire de Limoges et de Me Gagnère substituant Me Pherivong pour Mme X ;

et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES relève appel du jugement, en date du 8 décembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du directeur général de cet établissement public de santé du 1er juillet 2004 infligeant un blâme à Mme Véronique X, ensemble la décision portant rejet du recours gracieux de l'intéressée ; que cette dernière demande quant à elle à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler ledit jugement en tant, d'une part, qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision contenue dans le courrier du directeur du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES du 5 juillet 2004 annonçant la diminution de trois points de sa note chiffrée au titre de l'année 2004, et en tant, d'autre part, qu'il a condamné cet établissement à lui verser la somme de 200 euros, qu'elle estime insuffisante, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur l'appel principal du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES :

Considérant qu'il a été reproché à Mme X, infirmière titulaire du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES, affectée au service d'hématologie clinique et de thérapie cellulaire, où elle faisait partie de l'équipe soignante de nuit, d'avoir négligé, durant la nuit du 25 au 26 mai 2004, d'accomplir plusieurs des tâches habituellement confiées à cette équipe en prévision du travail de l'équipe du matin, en l'occurrence la préparation des plaquettes de médicaments devant être administrés aux malades, la préparation des injections, perfusions, et bains de bouche, celle des bilans biologiques, ainsi que l'approvisionnement en matériel de la salle de soins et la mise en ordre des documents nécessaires à la traçabilité des indicateurs de surveillance ;
qu'il ne peut être sérieusement contesté, d'une part, que ces tâches figurent au nombre de celles pouvant légalement être confiées aux infirmiers en vertu des dispositions réglementaires alors en vigueur, issues notamment du décret n° 93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières, et du décret n° 2002-194 du 11 février 2002 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier, d'autre part, que leur accomplissement par les infirmières de nuit constituait, en l'absence même de toute instruction écrite les leur attribuant expressément, une pratique admise par l'ensemble du personnel, compte tenu de la charge de travail des équipes de jour ;
que, toutefois, le refus de Mme X de s'y conformer, intervenu dans le contexte particulier d'un mouvement social, n'a eu finalement, ainsi qu'il en a été attesté par le chef du service, aucune répercussion sur la sécurité des patients et la qualité des soins, et n'a pas même occasionné de réelle perturbation dans l'organisation du service ; qu'il est en outre demeuré ponctuel, Mme X ayant, dès le lendemain, mis fin à ce mouvement d'humeur ; que, dans ces circonstances, et eu égard à la manière de servir de l'intéressée, qui avait jusqu'alors constamment suscité l'éloge de ses supérieurs, le directeur du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES, en lui infligeant un blâme alors qu'il n'était d'ailleurs pas tenu de prononcer contre elle une sanction disciplinaire, a fait une appréciation manifestement disproportionnée de la gravité de la faute commise ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision contestée du 1er juillet 2004 infligeant un blâme à Mme X, ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux ;

Sur l'appel incident de Mme X, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'en mentionnant, dans sa lettre du 5 juillet 2004 accompagnant la notification du blâme infligé à Mme X, que cette sanction s'accompagnerait en outre d'une baisse de trois points de sa note au titre de l'année en cours, le directeur des ressources humaines du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES a fait une simple déclaration d'intention, qui, par elle-même, la procédure de notation annuelle n'étant pas même alors engagée, ne saurait constituer une décision susceptible d'être déférée à la censure du juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Limoges a rejeté, comme irrecevable, la demande de Mme X tendant à l'annulation de la décision prétendument contenue dans ce courrier ;

Considérant, en second lieu, que Mme X n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la somme que le Tribunal administratif de Limoges lui a allouée, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, serait insuffisante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appel incident de Mme X doit, en tout état de cause, être rejeté ;

Sur les conclusions en injonction présentées par Mme X :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette l'appel incident de Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution, au sens de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, concernant sa notation au titre de l'année 2004 ; que les conclusions présentées à ce titre ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES à payer à Mme X une somme de 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : la requête du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES et l'appel incident de Mme X sont rejetés.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LIMOGES versera à Mme X une somme de 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.