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Cour administrative d’appel de Bordeaux, 8 juillet 2008, n°07BX00222 (Centre hospitalier spécialisé – agression sexuelle – défaut d’organisation et de fonctionnement) 

En l’espèce, une patiente a été victime, lors de son hospitalisation dans un centre hospitalier spécialisé (CHS), d’une agression sexuelle commise par un autre patient occupant une chambre voisine. Par cet arrêt, la cour administrative d’appel de Bordeaux reconnaît la responsabilité du centre hospitalier spécialisé en considérant qu'eu égard à la nature de l'établissement en cause spécialisée dans l'accueil de personnes souffrant de troubles psychiatriques, la non séparation des hommes et des femmes dans les locaux d'hébergement et l'absence dans les chambres de tout dispositif d'appel du personnel chargé de la surveillance constituent un aménagement défectueux des locaux. Par suite, elle estime que l'agression de cette patiente est imputable à un défaut d'organisation et de surveillance de ce centre, quand bien même l'agresseur ne présentait aucune dangerosité du fait de troubles ou d'antécédents connus nécessitant une vigilance particulière du personnel du CHS.

Cour Administrative d'Appel de Bordeaux

N° 07BX00222
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre - formation à 3
M. LEDUCQ, président
M. Pierre LARROUMEC, rapporteur
Mme BALZAMO, commissaire du gouvernement
SCP J.-F. BOUTET, avocat

lecture du mardi 8 juillet 2008
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistré au greffe de la cour le 29 janvier 2007 sous le n° 07BX00222, l'arrêt en date du 24 janvier 2007 par lequel le Conseil d'Etat a cassé l'arrêt de la cour de céans du 8 juin 2004 rejetant la requête de Mme Marion X et lui a renvoyé le jugement de l'affaire ;

Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2000, présentée pour Mme Marion X, domiciliée (...), par Me Landete, avocat ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 mars 2000 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé (C.H.S.) Charles Perrens à lui verser une indemnité de 100.000 francs en réparation du préjudice subi du fait de l'agression dont elle a été victime dans cet établissement au cours de la nuit du 6 au 7 août 1997 ;

2°) de condamner le C.H.S. Charles Perrens à lui verser la somme de 100.000 francs au titre du préjudice physique et moral subi et la somme de 20.000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mai 2008,
- le rapport de M. Larroumec, président assesseur ;
- les observations de Me Chollon, avocat de Mme  X ;
- et les conclusions de Mme Balzamo, commissaire du gouvernement ;

Vu enregistré le 30 mai 2008, la note en délibéré présentée pour Mme X ;

Vu, enregistré le 2 juin 2006, le note en délibéré présenté pour le centre hospitalier spécialisée Charles Perrens ;

Considérant que Mme X, hospitalisée du 6 juillet au 13 août 1997 au centre hospitalier spécialisé (C.H.S.) Charles Perrens de Bordeaux pour y soigner une dépression, a été victime dans la nuit du 6 au 7 août 1997 d'une agression sexuelle commise par un autre patient occupant une chambre voisine ; qu'elle a demandé en mai 1998 au centre hospitalier, dont elle estime la responsabilité engagée, réparation du préjudice subi ; que par jugement en date du 2 mars 2000, le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'indemnisation ; que par arrêt en date du 24 janvier 2007, le Conseil d'Etat a cassé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Bordeaux du 8 juin 2004 rejetant la requête de Mme Marion X dirigée contre le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 2 mars 2000 ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ;

Considérant que la décision en date du 21 septembre 1998 par laquelle le directeur du C.H.S. Charles Perrens a rejeté la demande d'indemnisation présentée par Mme X pour avoir réparation du préjudice physique et moral subi du fait de son agression dans la nuit du 6 au 7 août 1998 a été notifiée à celle-ci le 22 septembre 1998 ; que, par suite, la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif, enregistrée le 20 novembre 1998 et non le 26 novembre 1998 comme le prétend à tort le C.H.S. Charles Perrens, n'est pas tardive ;

Sur la responsabilité :

Considérant que comme il a été précédemment dit, Mme X a été lors de son hospitalisation au centre hospitalier spécialisé (C.H.S.) Charles Perrens de Bordeaux victime dans la nuit du 6 au 7 août 1997 d'une agression sexuelle commise par un autre patient occupant une chambre voisine ; qu'eu égard à la nature de l'établissement en cause spécialisée dans l'accueil de personnes souffrant de troubles psychiatriques, la non séparation des hommes et des femmes dans les locaux d'hébergement et l'absence dans les chambres de tout dispositif d'appel du personnel chargé de la surveillance constituent un aménagement défectueux des locaux ; que par suite, l'agression de Mme X, dont l'existence est établie par l'instruction, est imputable à un défaut d'organisation et de surveillance du C.H.S. Charles Perrens, quand bien même l'agresseur ne présentait aucune dangerosité du fait de troubles ou d'antécédents connus nécessitant une vigilance particulière du personnel du C.H.S. ; que cette faute engage la responsabilité de l'établissement ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X a subi du fait de l'agression un préjudice moral ; que toutefois selon le rapport d'expertise psychiatrique ordonnée par le Tribunal de grande instance de Bordeaux, aucune séquelle psychologique n'a perduré ; que dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation du préjudice subi par Mme X en condamnant le C.H.S. Charles Perrens à lui verser la somme de 10.000 euros ; que le centre hospitalier a reçu au plus tard la réclamation préalable de Mme X le 21 septembre 1998, date du courrier rejetant cette demande ; que faute pour Mme X d'apporter la preuve de la réception de la demande à une date antérieure, la somme de 10.000 euros que le centre hospitalier est condamné à lui verser portera intérêt à compter du 21 septembre 1998 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande ;

Sur les frais exposés et non compris les dépens :

Considérant d'une part, que Mme X, pour le compte de qui les conclusions de la requête relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être réputées présentées, n'allègue pas avoir exposé des frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mme X n'a pas demandé la condamnation du C.H.S. Charles Perrens de lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamé de son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions les conclusions de la requête tendant à la condamnation du C.H.S Charles Perrens sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer au C.H.S. Charles Perrens, la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 2 mars 2000 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier Charles Perrens versera à Mme X une indemnité de 10.000 euros, ladite somme portant intérêt au taux légal à compter du 21 septembre 1998.

Article 3 : Les conclusions de Mme X et du centre hospitalier Charles Perrens tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.