En l'espèce, Mme B âgée de 33 ans a été hospitalisée à terme le 19 août 2005 à l'hôpital Y pour l'accouchement de son troisième enfant. Le lendemain, deux substances (un gel de Prostine et du Syntocinon) lui sont administrées afin de déclencher et favoriser le travail obstétrical. La survenance de complications a justifié l'extraction instrumentale, par les voies naturelles, de l'enfant. Mme B., victime d'une embolie amniotique massive est décédée le même jour. Son mari et ses parents ont saisi la CRCI (commission régionale deconciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales) d'une demande d'indemnisation. Par un avis du 11 juillet 2007, celle-ci a estimé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'hôpital Y et qu'aucune indemnisation ne pouvait être accordée au titre de la solidarité nationale. La mère de Mme B saisit alors le Tribunal administratif de Lyon, estimant que sa fille avait été victime d'un surdosage médicamenteux ayant favorisé la survenance de l'embolie amniotique et qu'elle n'avait pas été informée sur lessubstances administrées. Le Tribunal rejette sa demande par un jugement en date du 8 février 2011. La cour administrative d'appel de Lyon relève que, selon les experts, "l'embolie amniotique est une pathologie imprévisible et très rare, dont les causes exactes et les conditions de survenance sont, en l'état des connaissances médicales, indéterminées". La mère de Mme B. n'est donc pas fondée à soutenir que "l'établissement hospitalier aurait commis une faute en utilisant de manière combinée le gel de Prostine et le Syntocinon ni, en toute hypothèse, que l'administration de ces substances serait directement en lien avec la survenance de l'embolie amniotique dont a été victime Mme B". S'agissant du défaut d'information, la Cour considère que "la prise en charge d'une patiente dans un établissement public de santé en vue d'un accouchement non pathologique par les voies naturelles n'est pas, en tant que telle, au nombre des investigations, traitements ou actions de prévention pour lesquels les praticiens de ces établissements sont soumis à une obligation d'information, en vertu des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique". Elle ajoute qu'il n'y a aucun lien de causalité avéré entre l'embolie amniotique et l'utilisation combinée des deux substances et donc qu'il n'y a pas de lien de causalité entre un éventuel défaut d'information et le préjudice subi. La demande de la requérante est rejetée. |
COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON
N° 11LY00850
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre - formation à 3
M. CLOT, président
M. Vincent-Marie PICARD, rapporteur
M. POURNY, rapporteur public
SELARL SIMMLER STEDRY, avocat
lecture du jeudi 19 avril 2012
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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Texte intégral
Vu la requête, enregistrée le 31 mars 2011, présentée pour Mme Christiane A, élisant domicile chez ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0805364 du 8 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du décès de sa fille ;
2°) de prononcer la condamnation demandée ;
3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'hôpital a fait perdre une chance d'éviter le dommage en favorisant, par surdosage, le risque d'embolie amniotique lorsqu'il a associé le Syntocinon à la Prostine ;
- sa fille n'a pas été informée des risques de décès consécutifs à une embolie amniotique ;
- elle a souffert d'un important préjudice moral ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 février 2012, présenté pour les Hospices civils de Lyon qui concluent au rejet de la requête ;
Ils soutiennent que :
- l'argumentation de la requérante ne comporte aucune critique utile du jugement attaqué ;
- il n'y a pas de lien entre le travail prolongé, l'utilisation du Syntocinon et la survenue d'une embolie amniotique ;
- le recours à la Prostine et au Syntocinon ne déroge pas aux pratiques adoptées ;
- l'embolie pouvait se produire en l'absence de tout déclenchement du travail et seulement en raison d'une disposition pathologique de la patiente ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2012 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
- et les observations de Me Simmler, avocat de Mme A et de Me Demailly, avocat des Hospices civils de Lyon ;
Considérant que Mme Claire B, alors âgée de 33 ans a été hospitalisée à terme le 19 août 2005 à l'hôpital de la Croix Rousse, qui relève des Hospices civils de Lyon, pour l'accouchement de son troisième enfant ; que le lendemain, un gel de Prostine et du Syntocinon lui ont été administrés afin de déclencher et favoriser le travail obstétrical ; que la survenance d'épisodes de dyspnée et de bradycardie foetale ont justifié vers 14 heures 30 l'extraction instrumentale, par les voies naturelles, de l'enfant ; que Mme B, victime d'une embolie amniotique massive avec coagulation intra vasculaire disséminée, est décédée dans la soirée ; que son mari et ses parents ont saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Rhône-Alpes d'une demande d'indemnisation ; que la commission a ordonné successivement deux expertises, par le docteur Tourame et le professeur Milliez, dont les rapports ont été déposés en décembre 2006 et mai 2007 ; que, par un avis émis le 11 juillet 2007, la commission a estimé qu'aucune faute ne pouvait être reprochée aux Hospices civils de Lyon et qu'aucune indemnisation ne pouvait être accordée au titre de la solidarité nationale ; que Mme A, mère de Mme B, a demandé au Tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon à réparer le préjudice moral résultant pour elle du décès de sa fille ; que, par un jugement en date du 8 février 2011, le Tribunal a rejeté sa demande ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère (...) " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'embolie amniotique, caractérisée par le passage, au travers d'une brèche veineuse de débris amniotiques dans la circulation maternelle, est une pathologie imprévisible et très rare, dont les causes exactes et les conditions de survenance sont, en l'état des connaissances médicales, indéterminées et qui constitue la troisième cause de mortalité maternelle ; que cependant, si Mme A reconnaît la conformité aux bonnes pratiques de l'indication du déclenchement de l'accouchement ainsi que des soins de prise en charge de l'embolie et de la délivrance de l'enfant, elle soutient que sa fille aurait été victime d'un surdosage de Syntocinon qui, associé au gel de Prostine, aurait favorisé la survenue de l'embolie ; qu'elle se fonde pour l'essentiel sur les indications du dictionnaire Vidal 2005 qui précise que les prostaglandines (gel de Prostine) potentialisent les effets de l'ocytocine (Syntocinon), appelant à la prudence en cas d'utilisation simultanée ou séquentielle de ces produits, et ajoute qu'en cas de surdosage de Syntocinon, la possibilité existe d'hypertonie utérine sous forme de risque de contracture, de rupture utérine et, exceptionnellement, de rupture placentaire ainsi que d'embolie amniotique ; que d'après les pièces du dossier, le gel de Prostine a été déposé vers 7 heures 15, la perfusion de Syntocinon ayant été mise en place à 9 heures pour un débit de 2,5 ml/heure, ce produit étant par la suite administré à des doses d'intensité croissante pour atteindre 7,5 ml/heure vers 12 heures 30, avant d'être diminuées à partir de 13 heures 35 ; que selon le professeur Milliez, expert, les doses de Syntocinon reçues par Mme B n'ont pas, par elles-mêmes, caractérisé un surdosage, restant dans les limites des posologies couramment administrées dans les établissements de santé ; que s'il est vrai que la perfusion de Syntocinon a été mise en place alors que Mme B était déjà sous l'effet d'un gel de Prostine appliqué deux heures plus tôt, il ne résulte pas de l'instruction que les services hospitaliers auraient fait une utilisation imprudente de ces substances ; que le professeur Milliez exclut que, sous l'effet du Syntocinon, l'intensité des contractions aurait été telle qu'elle aurait révélé une hypertonie susceptible de causer une embolie amniotique ; qu'ainsi, selon cet expert, aucune altération durable du rythme cardiaque de l'enfant (bradycardie foetale) pendant le travail n'est avérée, qui aurait pu témoigner d'une hypertonie utérine, la décélération du coeur de l'enfant s'expliquant vraisemblablement par un rythme élevé de contractions utérines (hypercinésie), aggravé par une latérocidence du cordon ombilical ; que l'expert impute la bradycardie foetale, qui a finalement nécessité l'extraction d'urgence de l'enfant, au seul choc créé par l'embolie amniotique ; que l'analyse à laquelle s'est livré l'expert n'est pas sérieusement mise en cause par la requérante ; que, dès lors, Mme A n'est pas fondée à soutenir que l'établissement hospitalier aurait commis une faute en utilisant de manière combinée le gel de Prostine et le Syntocinon ni, en toute hypothèse, que l'administration de ces substances serait directement en lien avec la survenance de l'embolie amniotique dont a été victime Mme B ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen " ;
Considérant que la prise en charge d'une patiente dans un établissement public de santé en vue d'un accouchement non pathologique par les voies naturelles n'est pas, en tant que telle, au nombre des investigations, traitements ou actions de prévention pour lesquels les praticiens de ces établissements sont soumis à une obligation d'information, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;
Considérant qu'il n'existe en l'espèce aucun lien avéré entre l'embolie amniotique dont a été victime Mme B et l'utilisation combinée de gel de Prostine et de Syntocinon ; que, par suite, et en admettant même que les Hospices civils de Lyon auraient commis une faute en n'informant pas l'intéressée des risques de décès par embolie amniotique en cas de surdosage du Syntocinon, une telle circonstance n'a pu entraîner une perte de chance pour elle de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;
Considérant, dès lors, que la requérante n'a droit à aucune indemnisation au titre de l'obligation d'information incombant au praticien hospitalier ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête par les Hospices civils de Lyon, Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Christiane A et aux Hospices civils de Lyon.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 avril 2012.