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Cour Administrative d'Appel de Marseille, 10 mars 2005, Jeanne X. / Assistance publique de Marseille (responsabilité médicale - complication imprévisible - conditions opératoires exceptionnellement difficiles - absence de faute)


REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu I°) la requête, enregistrée le 29 novembre 2001 sous le numéro 01MA02521, pour Mme Jeanne X, élisant domicile ..., par Me Delisle ; Mme X demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 9705747 en date du 25 septembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille n'a que partiellement fait droit à sa demande de condamnation de l'Assistance publique de Marseille à l'indemniser des préjudices résultant de l'intervention qu'elle a subie à l'hôpital de la Conception le 29 septembre 1994 ;
2°) de condamner l'Assistance publique de Marseille à lui verser la somme globale de 262.822,01 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) de condamner l'Assistance publique de Marseille à lui verser une somme de 1.524,49 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2005 :
- le rapport de Mme Bader-Koza, rapporteur ;
- les observations de Me Delisle, pour Mme X et les observations de Me Demailly, substituant Me Le Prado, pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE ;

- et les conclusions de M. Trottier, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 01MA02521 et n° 01MA02593, dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que Mme X a été admise le 29 septembre 1994 à l'hôpital de la Conception, établissement dépendant de l'administration de l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE, pour mettre au monde son troisième enfant ; qu'en raison de l'absence de progression du travail, et du ralentissement du rythme cardiaque foetal, une césarienne a été décidée ; que toutefois, lors de la révision utérine, le praticien a constaté l'existence d'un utérus atone ne se contractant pas et par conséquent, un début d'hémorragie ; que le massage utérin et l'administration de divers médicaments n'ayant pas permis de juguler cette hémorragie importante, le chirurgien a procédé à une ligature des hypogastriques ; qu'estimant que les lésions nerveuses périphériques dont elle demeure atteinte trouvaient leur origine dans cette intervention, Mme X a saisi le Tribunal administratif de Marseille qui, par le jugement attaqué, a partiellement fait droit à ses prétentions indemnitaires ; que tant Mme X que l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE relèvent appel de ce jugement ;

Sur la responsabilité de l'assistance publique de Marseille :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille, que l'intervention pratiquée et principalement la ligature des troncs hypogastriques, était justifiée par l'état de Mme X, victime d'une hémorragie gravissime mettant en jeu son pronostic vital ; que si en procédant à la ligature, le chirurgien a très certainement lésé une veine, aggravant le saignement, cette complication imprévisible due à des conditions opératoires exceptionnellement difficiles, ne saurait caractériser une faute dans la réalisation du geste médical ; qu'en outre, le tamponnement de Mickulicz effectué par le chirurgien, dont il n'est pas allégué qu'il n'aurait pas été réalisé selon les règles de l'art, était nécessaire eu égard à l'état de collapsus de la patiente ; qu'enfin, et contrairement aux allégations de Mme X et à ce qu'ont relevé les premiers juges, le chirurgien, assistant chef de clinique depuis deux ans, était suffisamment expérimenté pour mener seul ce type d'intervention ; que d'ailleurs, il n'est pas établi que le recours à un second chirurgien, à supposer même qu'il ait été possible, aurait permis d'éviter une partie des lésions dont est demeurée atteinte Mme X ; qu'ainsi, aucune faute médicale ni aucun défaut d'organisation ou de fonctionnement du service n'est imputable à l'établissement hospitalier ; que, dès lors, l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser d'une part, à Mme X, une somme de 570.000 F et, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône, une somme de 425.820 F ;

Sur les conclusions indemnitaires de Mme X et de la caisse primaire d'assurance maladie et sur les conclusions tendant à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée :

Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, les conclusions susmentionnées de Mme X d'une part, et de la caisse primaire d'assurance maladie d'autre part, ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE, les frais de l'expertise ordonnée en référé par le président du Tribunal administratif de Marseille et les frais de l'expertise ordonnée par les premiers juges, liquidés à la somme de 4.850 F ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme X et par la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône doivent dès lors être rejetées ;

DÉCIDE :
Article 1e : Le jugement n° 9705747 en date du 25 septembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSIELLE à verser, d'une part, une somme de 570.000 F à Mme X en réparation des préjudices résultant de l'intervention qu'elle a subie à l'hôpital de la Conception le 29 septembre 1994 et d'autre part, une somme de 425.820 F à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Marseille, ensemble les conclusions d'appel et les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône sont rejetées.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé par le président du Tribunal administratif de Marseille et les frais de l'expertise ordonnée par les premiers juges demeureront à la charge de l'Assistance publique de Marseille.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, à l'ASSISTANCE PUBLIQUE DE MARSEILLE et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône.