Par cet arrêt, la cour administrative d’appel de Marseille considère que si l’intoxication médicamenteuse d’une patiente a été correctement prise en charge au plan somatique, en revanche, la prise en charge psychiatrique, constituée d’un seul entretien avec une infirmière spécialisée, a été insuffisante au regard des graves perturbations psychologiques dont elle se trouvait atteinte et qui nécessitaient une prise en charge particulière. Ainsi, l’administration d’un traitement anxiolytique et sédatif aurait été justifiée et une hospitalisation en psychiatrie aurait été indiquée eu égard aux problèmes psychiques de l’intéressée qu’un examen psychiatrique bien conduit aurait permis de mettre en évidence. La cour estime ainsi que le centre hospitalier intercommunal devait être déclaré responsable des préjudices subis du fait d’une prise en charge insuffisante et inadaptée à l’état psychologique de la patiente lors de son admission dans cet établissement.
Cour Administrative d'Appel de Marseille
3ème chambre - formation à 3
N° 05MA02288
Inédit au recueil Lebon
M. DARRIEUTORT, président
Mme Sylvie BADER-KOZA, rapporteur
M. DUBOIS, commissaire du gouvernement
LE PRADO, avocat
Lecture du jeudi 29 mai 2008
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'arrêt n° 05MA02288 en date du 12 avril 2007 par lequel la Cour administrative d'appel de Marseille a, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mlle X, procédé à une nouvelle expertise médicale contradictoire, par un collège d'experts, spécialisés en psychiatrie et en toxicologie en vue notamment de dire si la prise en charge de Mlle X, motivée par une intoxication médicamenteuse, par le centre hospitalier de Frejus-Saint-Raphaël a été conforme aux règles de bonnes pratiques médicales et si l'état psychique de Mlle X au regard des faits relatés au dossier médical, nécessitait une prise en charge particulière et le cas échéant, si l'état somatique de cette dernière, permettait la mise en place d'un traitement anxiolytique et sédatif et une hospitalisation en secteur psychiatrique ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2008 :
- le rapport de Mme Massé-Degois, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant que par un jugement du 24 juin 2005 le Tribunal administratif de Nice a partiellement fait droit à la demande de Mme X tendant à la condamnation du centre hospitalier intercommunal de Fréjus - Saint-Raphaël à lui verser diverses sommes en réparation des graves lésions qu'elle a subies à la suite de sa défenestration volontaire le 19 octobre 1997 alors qu'elle était prise en charge par cet établissement pour troubles de conscience ; que Mme X relève appel de ce jugement en tant que le tribunal a refusé de faire droit à ses conclusions tendant à obtenir la somme de 147 916,30 F correspondant au montant de la réhabilitation complète des deux maxillaires avec prothèse fixe ; qu'en l'état de ses dernières écritures, elle sollicite pour son préjudice maxillo-dentaire la somme de 21 939, 65 euros (143 914,66 F) au titre des frais de prothèses dentaires, la somme de 129,90 euros au titre des frais de prothèses provisoires restés à sa charge, la somme de 5 000 euros au titre des souffrances résultant des soins dentaires à effectuer ainsi que la somme de 137,81 euros au titre de la perte de salaires du fait des soins dentaires à effectuer nécessitant un arrêt de travail d'une durée de deux semaines ; que, par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier intercommunal de Fréjus - Saint-Raphaël conteste le principe même de sa responsabilité ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée devant la Cour administrative d'appel de Marseille confiée à un expert psychiatre et à un spécialiste en biologie des addictions, dont les conclusions ne sont pas sérieusement remises en cause par le centre hospitalier, que si l'intoxication médicamenteuse de Mme X a été correctement prise en charge au plan somatique, en revanche, la prise en charge psychiatrique, constituée d'un seul entretien avec une infirmière spécialisée, a été insuffisante au regard des graves perturbations psychologiques dont elle se trouvait atteinte et qui nécessitaient une prise en charge particulière ; qu'ainsi, l'administration d'un traitement anxiolytique et sédatif aurait été justifiée et une hospitalisation en psychiatrie aurait été indiquée eu égard aux problèmes psychiques de l'intéressée qu'un examen psychiatrique bien conduit aurait permis de mettre en évidence ; que, par suite, le centre hospitalier intercommunal de Fréjus - Saint-Raphaël doit être déclaré responsable des préjudices subis du fait d'une prise en charge insuffisante et inadaptée à l'état psychologique de Mme X lors de son admission dans cet établissement le 19 octobre 1997 ;
Sur le préjudice maxillo-dentaire de Mme X :
Considérant que, pour solliciter la somme de 21 939, 65 euros (143 914,66 F) au titre des frais de prothèses dentaires, Mme X se fonde sur une estimation faite par un expert en 1999 dans le cadre d'une expertise diligentée devant le Tribunal administratif de Nice ; que l'intéressée a retranché du montant total ainsi évalué la somme de 610 euros correspondant à la prise en charge de son assureur mutualiste en cas de réalisation desdits travaux de prothèse ; qu'il est constant que Mme X, d'une part, n'a pas fait réaliser les travaux dentaires tels que ceux décrits et évalués dans le rapport de 1999 et, d'autre part, n'a pas satisfait au supplément d'instruction qui lui a été notifié le 6 février 2008 lui demandant de procéder au chiffrage des soins dentaires restant à effectuer restant à sa charge par la production de factures ou de devis précisant la nature des prestations ; qu'ainsi, elle ne peut prétendre à obtenir la somme demandée de 21 939, 65 euros ; que toutefois,
Mme X justifie d'un ajout de dents pour un montant de 160 euros dont la somme de 129,90 euros est restée à sa charge au vu d'une note d'honoraires établie le 31 mai 2006 par son chirurgien-dentiste et doit être regardée, dans les circonstances de l'espèce au vu des rapports des expertises révélant l'existence de lésions dentaires multiples nécessitant un traitement parodontal et une réalisation prothésique du fait de la perte de treize dents, comme justifiant du montant de 1 628,90 euros restant à sa charge correspondant à la pose de deux prothèses dentaires en produisant un devis de son chirurgien-dentiste daté du 30 janvier 2006 ; qu'enfin, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il résulte de l'instruction et notamment des différentes expertises diligentées devant le Tribunal administratif de Nice que les souffrances endurées fixées à 5 sur une échelle de 1 à 7 indemnisées par le jugement entrepris comprennent les souffrances traumato-articulaires et maxillo-dentaires ; que, par suite, Mme X ne saurait prétendre à obtenir, à ce titre, la somme de 5 000 euros demandée ; qu'elle n'est pas plus fondée à demander la somme de 137,81 euros au titre de la perte de revenus alléguée dès lors qu'elle n'établit pas, par les seules pièces produites, que la pose des deux prothèses dentaires envisagée par le devis du 30 janvier 2006 est susceptible d'entraîner un arrêt de travail de deux semaines ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté le principe de sa demande relative aux frais de prothèses dentaires ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge définitive du centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël les frais de l'expertise diligentée devant la Cour administrative d'appel de Marseille taxés et liquidés à la somme de 2 055,60 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël le versement à Mme X de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël versera à Mme X la somme de 1 758,80 euros.
Article 2 : Le centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël versera à Mme X la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme X est rejeté.
Article 4 : Les conclusions incidentes du centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël sont rejetées.
Article 5 : Le jugement n° 9804620 du Tribunal administratif de Nice en date du 24 juin 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 6 : Les frais d'expertise diligentée devant la Cour administrative d'appel de Marseille taxés et liquidés à la somme de 2 055,60 euros sont mis à la charge du centre hospitalier intercommunal de Fréjus - Saint-Raphaël.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Véronique X, au centre hospitalier intercommunal de Fréjus-Saint-Raphaël, à la caisse primaire d'assurance maladie du Var et au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Copie en sera adressée à la SELARL Massabiau, à Me Le Prado et au préfet du Var.