REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2002, présentée pour M. Abel X, élisant domicile ..., par Me Chauvet, avocat au barreau de Paris ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0100245 du 16 avril 2002 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2000 du ministre de l'emploi et de la solidarité prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle de ses fonctions de praticien hospitalier ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner le ministre de l'emploi et de la solidarité à lui verser la somme de 2 286 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne s'appliquent pas aux avis de la commission statutaire nationale siégeant en commission d'insuffisance professionnelle eu égard aux pouvoirs de décision dont est investie cette instance ;
- la procédure est irrégulière dans la mesure où, d'une part, il n'a pu prendre connaissance du rapport le concernant que lors de la réunion de la commission nationale statutaire et où, d'autre part, l'avis rendu par ladite commission ne lui a été transmis que dans le cadre de la procédure contentieuse devant le tribunal administratif ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision du ministre était suffisamment motivée au sens des dispositions de l'article 71 du décret n° 84-131 du 24 février 1984 alors que le ministre n'a pas caractérisé l'insuffisance professionnelle retenue à son encontre ;
- la décision de licenciement méconnaît les dispositions de l'article 71 du décret n° 84-131 du 24 février 1984 modifié ;
- le tribunal administratif s'est livré à une appréciation erronée des éléments du dossier ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 octobre 2002, présentés par le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées ; le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers ;
Vu le décret n° 85-1296 du 4 décembre 1985 fixant la composition et les règles de fonctionnement de la commission statutaire nationale des praticiens hospitaliers régis par le décret n° 84-131 du 24 février 1984 siégeant en commission d'insuffisance professionnelle ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 décembre 2004 :
- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, premier conseiller,
- les observations de Me Wenger pour Me Alriq-Burgot, avocat de M. X,
- et les conclusions de M. Adrien, commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par arrêté en date du 22 novembre 2000, le ministre de l'emploi et de la solidarité a licencié M. X de ses fonctions de praticien hospitalier, médecin des hôpitaux (radiothérapie) aux hôpitaux civils de Colmar en raison de l'insuffisance professionnelle dont ce dernier faisait preuve dans l'exercice de ses fonctions ; que M. X demande à la Cour d'annuler le jugement par lequel le Tribunal administratif a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les moyens de légalité externe :
Considérant, en premier lieu, que les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas applicables aux avis de la commission statutaire nationale, qui revêt le caractère d'une commission administrative et ne peut être regardée comme un tribunal au sens de ces stipulations ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'avis de la commission statutaire nationale, appelée à se prononcer sur l'insuffisance professionnelle d'un praticien hospitalier méconnaîtrait ces stipulations est inopérant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 4 décembre 1985 : Lors de la séance, le rapporteur donne lecture de son rapport en présence du praticien intéressé... et qu'aux termes de 10 de ce même décret : L'avis motivé de la commission est transmis dans un délai de quinze jours au ministre de la santé pour décision. ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. X a assisté à la séance de la commission statutaire nationale au cours de laquelle le rapport le concernant a été lu ; qu'aucun texte ni aucun principe n'impose que ledit rapport lui soit communiqué préalablement à cette séance, ni que l'avis rendu par la commission lui soit transmis ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que la procédure diligentée à son encontre serait entachée d'irrégularités doit être écarté ;
Considérant, enfin, que la décision du ministre de l'emploi et de la solidarité prononçant le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. X fait apparaître les éléments de droit et de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée ; que, dans ces conditions et quels que soient les motifs retenus par l'administration, la décision litigieuse satisfait à l'obligation de motivation énoncée par les dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;
Sur les moyens de légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article 71 du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers : (...) L'insuffisance professionnelle consiste en une incapacité dûment constatée à accomplir les travaux ou à assumer les responsabilités relevant normalement des fonctions de praticien hospitalier. Elle résulte de l'inaptitude à l'exercice des fonctions du fait de l'état physique, psychique ou des capacités intellectuelles du praticien (...) ;
Considérant que si M. X soutient que la décision litigieuse méconnaît les dispositions susrappelées de l'article 71 du décret du 24 février 1984, faute pour le ministre d'avoir démontré que l'insuffisance professionnelle retenue pour justifier la mesure de licenciement prise à son encontre résulterait d'une inaptitude à l'exercice des fonctions imputable à son état physique, psychique ou à ses capacités intellectuelles, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'ensemble des avis, rapports et débats que le Dr X, globalement peu conscient de sa responsabilité personnelle, est incapable de remettre en question ses pratiques professionnelles erronées, de prendre conscience de la gravité de ses erreurs et d'assumer les responsabilités relevant normalement de l'exercice des fonctions de praticien hospitalier radiothérapeute ; qu'il n'a pas procédé à la mise à niveau de ses connaissances et a commis des erreurs de prescriptions ; que ces faits constituent une insuffisance professionnelle au sens du décret du 24 février 1984 portant statut des praticiens hospitaliers ; que l'insuffisance professionnelle constatée était de nature à justifier le licenciement de l'intéressé ; que, dès lors, le ministre de l'emploi et de la solidarité n'a entaché sa décision d'aucune erreur de fait ni de droit et n'a commis aucune erreur d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions relatives aux frais exposés par M. X à l'occasion du litige et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par ce dernier et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. Abel X est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abel X, au ministre des solidarités, de la santé et de la famille et aux hôpitaux civils de Colmar.