REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 3 février 1999, présentée pour Mme Christiane X élisant domicile ..., M. Stéphane élisant domicile ..., M. Emmanuel élisant domicile ..., par la SCP Ribéreau-Gayon et Scherer, avocats ; Mme X et MM. demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 98173 en date du 17 novembre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Nancy à leur verser respectivement les sommes de 250 000 F, 75 000 F et 75 000 F de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi à raison du décès de leur fils et frère survenu le 26 octobre 1996 ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à leur verser lesdites sommes au titre de l'indemnisation dudit préjudice moral ;
3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à leur verser chacun une somme de 4 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Ils soutiennent que :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation en jugeant que le centre hospitalier n'avait commis aucune faute de surveillance ;
- le tribunal n'a pas pris en compte que le jeune homme était dépressif, quasiment aveugle depuis sa tentative de suicide et particulièrement instable consommant de fortes quantités d'alcool ;
- la situation de l'établissement à proximité de l'autoroute aurait dû conduire l'établissement à une surveillance plus stricte ;
- l'hôpital allègue sans l'établir, avoir signalé la disparition du jeune homme vers 21 heures ;
- aucun élément du dossier ne permet d'établir contrairement à ce qu'allègue l'hôpital que l'intéressé se soit suicidé en se jetant sous une voiture ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les mémoires en défense enregistrés les 7 juin 1999 et 15 décembre 2000 présentés pour le centre hospitalier universitaire de Nancy par Me Clément, avocat tendant au rejet de la requête et à la condamnation de Mme X et MM. à lui verser une somme de 5 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Le centre hospitalier universitaire de Nancy soutient que :
- le tribunal a fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce, le jeune homme ayant été admis dans le cadre d'une hospitalisation libre qui permet aux patients de circuler ;
- il n'est pas allégué que le suivi psychologique ait été mal assuré ni que l'intéressé ait lors de son séjour présenté des signes extérieurs défavorables ;
- aucune obligation particulière ne pesait sur l'établissement du fait de sa localisation ;
- si la tentative de suicide avait entraîné pour le jeune homme une réduction de ses capacités visuelles, il restait capable de se diriger ;
- l'alcoolisme n'a pas été signalé lors de l'admission ;
- le signalement de la disparition est établi par les pièces du dossier ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2004 :
- le rapport de Mme Monchambert, président,
- les observations de Me Perceval présente pour la SCP Lagrange et associés, avocate de Mme X et MM. ,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue d'une hospitalisation de trois semaines dans le service d'ophtalmologie de l'hôpital central du centre hospitalier universitaire de Nancy consécutive à une tentative de suicide le 6 octobre 1996, Grégory a été admis en hospitalisation libre le 21 octobre 1996 au service médical de psychologie de l'hôpital Jeanne d'Arc de Dommartin-les-Toul, également rattaché au centre hospitalier universitaire de Nancy ; que quelques heures après avoir pris l'initiative de quitter cet établissement dans la soirée du 25 octobre, il a été mortellement accidenté sur l'autoroute A33 qu'il remontait à pied dans le sens Toul-Lunéville ; que sa mère Mme X et ses frères MM. ont demandé au centre hospitalier universitaire de Nancy réparation du préjudice moral subi du fait de la faute qu'aurait commise cet établissement en ne surveillant pas de façon appropriée le malade ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté leur demande ;
Considérant que si Mme X et MM. allèguent par un moyen nouveau en appel que l'établissement n'aurait pas pris les mesures appropriées pour signaler la disparition de Grégory , il ressort des pièces du dossier que les démarches ont été faites à cet effet dès 21 heures après que la disparition a été constatée ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Nancy à raison d'une faute dans l'organisation du service ;
Considérant que si l'état général de Grégory pouvait être regardé comme préoccupant en raison de la première tentative de suicide du 6 octobre 1996 et des blessures qui en ont été la conséquence, il n'est pas établi ainsi que l'ont d'ailleurs relevé les premiers juges, qu'il aurait manifesté dans les jours qui ont précédé son décès un comportement nécessitant un renforcement de la surveillance alors exercée selon les seules exigences du placement libre ; que contrairement à ce que soutiennent Mme X et MM. , la situation de l'établissement en bordure de l'autoroute n'impliquait pas de la part du personnel, en l'absence de toute anomalie décelée dans le comportement du malade au cours de son hospitalisation, de surveillance particulière de celui-ci ; qu'il ressort des pièces du dossier que pour les mêmes motifs que ceux contenus dans le jugement attaqué, aucun des autres moyens des requérants ne saurait être accueilli ; qu'il suit de là que Mme X et MM. ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que Mme X et MM. , partie perdante, puissent se voir allouer les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le centre hospitalier universitaire de Nancy ;
Décide :
Article 1er : La requête de Mme X et MM. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier universitaire de Nancy tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X, à MM. et au centre hospitalier universitaire de Nancy.