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Cour Administrative d'Appel de Nancy, 16 octobre 2003, Mme X (obligation d'information - agent hospitalier n'ayant pas été informé de sa séropositivité - responsabilité de l'établissement)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 19 août 1999 au greffe de la Cour et complétée par mémoire enregistré le 2 février 2000, présentée pour Mme  X, demeurant ..., par la SCP Gossin-Horber, avocats au barreau de Nancy ;

Mme X demande à la Cour :
1°) - d'annuler le jugement du 6 juillet 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa requête tendant à condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une somme de 300 000 F en réparation du préjudice né de l'absence d'information par l'hôpital de sa contamination par le virus de l'hépatite C ;
2°) - de condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à lui payer une indemnité de 300 000 F ;
3°) - de condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à lui verser une somme de 12 060 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient :
- que sa demande devant le tribunal administratif est recevable ;
- qu'elle a été contaminée par le virus de l'hépatite C à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ;
- qu'elle a été reconnue de ce fait comme victime d'une maladie professionnelle imputable au service ;
- que la responsabilité du centre hospitalier est engagée pour ne pas l'avoir informée de sa contamination dès qu'il l'a sue ;
- que son préjudice est constitué de l'impossibilité d'avoir pu se soigner et du risque de contamination des tiers, et d'un préjudice moral ;
- qu'elle n'a commis aucune faute ni négligence ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 5 janvier et 2 mai 2000, présentés pour le centre hospitalier universitaire de Nancy par Me Clément, avocat au barreau de Nancy ;

Le centre hospitalier universitaire de Nancy conclut au rejet de la requête et à ce que Mme X soit condamnée à lui verser une somme de 5 000 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Il soutient :
- que la demande de l'intéressée devant le tribunal administratif est tardive ;
- qu'il n'a commis aucune faute en ne l'avertissant pas de sa séropositivité ;
- qu'en tout état de cause, cette prétendue faute n'a entraîné aucun préjudice ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 septembre 2003 :
- le rapport de M. KINTZ, Président de chambre,
- les observations de Me NICOLAS pour la SCP Gossin-Horber, avocat de Mme X et de Me VAUTRIN pour la SCP Lagrange et associés, avocat du centre hospitalier universitaire de Nancy,
- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant que Mme X, agent des services hospitaliers au centre hospitalier universitaire de Nancy, a été contaminée par le virus de l'hépatite C ; que l'employeur a eu connaissance de cette contamination dès le 26 octobre 1993 à l'occasion du bilan sanguin réalisé suite à une déclaration d'accident du travail et n'en a pas avisé l'intéressée ; que celle-ci n'a eu connaissance de sa séropositivité que par la lettre que lui a adressée le 9 janvier 1995 le centre régional de transfusion sanguine de Nancy consécutivement à un don de sang effectué le 29 novembre 1994 ; que Mme X recherche la condamnation du centre hospitalier pour les préjudices subis ;

Sur la recevabilité :

Considérant que si Mme X a effectivement déposé deux demandes préalables recherchant la condamnation du centre universitaire les 15 juillet 1997 et 1er avril 1998, seule la deuxième argue d'un préjudice moral sur le fondement de la faute qu'aurait commise l'employeur, qui s'est abstenu d'informer la requérante ; qu'ainsi, la demande du 1er avril 1998, n'est pas, dans cette limite, confirmative de la précédente et, par suite, la requête présentée devant les premiers juges n'était pas tardive ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il est constant que le centre hospitalier universitaire de Nancy a occulté pendant près de quinze mois à un agent de ses services, en contact avec les usagers, la connaissance de la séropositivité au virus de l'hépatite C ; que cette circonstance, à elle seule, est constitutive d'une faute ; que ni l'absence d'un texte mettant une obligation d'informer à la charge de l'employeur, ni l'obligation alléguée, mais non établie, que la requérante aurait dû, par elle-même, s'enquérir des résultats du bilan de santé réalisé en octobre 1993 après un accident du travail ne sont de nature à dégager la responsabilité de l'hôpital ;

Sur le préjudice :

Considérant que le préjudice moral invoqué par la requérante est patent dans les circonstances de l'espèce ; qu'il en sera fait une juste appréciation en fixant à mille euros l'indemnité que le centre hospitalier est condamné à payer à la requérante ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu de condamner le centre hospitalier universitaire de Nancy à payer à Mme X une somme de mille euros au titre des frais irrépétibles ;

DECIDE :
ARTICLE 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy du 6 juillet 1999 est annulé.
ARTICLE 2 : Le centre hospitalier universitaire de Nancy est condamné à payer à Mme X une somme de mille euros (1 000 ) pour préjudice moral.
ARTICLE 3 : Le surplus des conclusions de Mme X est rejeté.
ARTICLE 4 : Le centre hospitalier universitaire de Nancy est condamné à payer à Mme X une somme de mille euros (1 000 ) au titre des frais irrépétibles.
ARTICLE 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme X et au centre hospitalier universitaire de Nancy.