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Cour administrative d’appel de Nancy, 17 novembre 2008, n°07NC00108 (Carrière – promotion – centre hospitalier spécialisé) 

La Cour administrative d’appel de Nancy précise qu’un centre hospitalier spécialisé ne commet pas de faute de nature à engager sa responsabilité en ne faisant pas évoluer la carrière d’un de ses employés durant son congé maladie et pendant ses deux dernières années d’activité dès lors que cet employé, en l’espèce une infirmière du secteur psychiatrique de classe supérieure, ne démontre pas qu’il avait une chance sérieuse de promotion.
Cour Administrative d'Appel de Nancy

N° 07NC00108
Inédit au recueil Lebon

3ème chambre - formation à 3

M. VINCENT, président
M. Michel BRUMEAUX, rapporteur
M. COLLIER, commissaire du gouvernement
SCP BRUNO NICOLLE - LADICE DE MAGNEVAL, avocat

lecture du lundi 17 novembre 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 23 janvier 2007 pour la télécopie et le 25 janvier 2007 pour l‘original, complétée par deux mémoires, enregistrés les 19 avril 2007 et 3 octobre 2008, présentés pour Mme Françoise X, demeurant ... par Me Nicole, avocat ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400582 en date du 23 novembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé du Jura à lui verser les rappels de traitement auxquels elle a droit depuis le 1er février 1991 après reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension ;

2°) d'enjoindre le centre hospitalier du Jura de procéder au calcul et au versement des arriérés de traitement et des remboursements des frais médicaux générés par l'accident de service survenu le 1er septembre 1991, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de condamner le centre hospitalier à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que sa demande était irrecevable, faute de pièce justifiant le dépôt d'une réclamation préalable, dans la mesure où le centre hospitalier spécialisé du Jura a défendu au fond sans opposer l'irrecevabilité à titre principal ;

que ce jugement a été rendu en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le mémoire en défense du centre hospitalier spécialisé du Jura n'ayant pas été visé ; que les premiers juges ont soulevé d'office l'irrecevabilité de la requête sans en informer les parties, contrairement à la règle contenue à l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

que le centre hospitalier n'a pas pris en compte son ancienneté pendant son absence en raison de l'accident de service dont elle a été victime, en violation des dispositions de l'article 40 du décret 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, ni de ses deux années de reprise d'activité ;

que durant la période reconnue comme relevant d'un accident imputable au travail, elle n'a pas perçu l'intégralité de ses traitements, ni une prise en charge des soins par son employeur ;

qu'ainsi, le centre hospitalier spécialisé du Jura a méconnu les dispositions de l'article 41 2° de la loi 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ; qu'elle a bénéficié d'une seule année de plein traitement et qu'à compter du 27 avril 1995, elle a perçu des indemnités journalières correspondant à 1/60° de son traitement brut jusqu'au 24 juin 1997, date de sa réintégration ; que le centre hospitalier spécialisé du Jura reste redevable du remboursement des frais médicaux qu'elle a supportés ;

Vu les pièces produites pour Mme X, enregistrées le 19 avril 2007 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces du dossier desquelles il résulte que la présente requête a été transmise au centre hospitalier spécialisé du Jura, qui n'a pas présenté d'observations ;

Vu l'ordonnance en date du 5 août 2008 par laquelle le président de la 3ème chambre a prononcé la clôture de l'instruction de cette affaire à la date du 11 septembre 2008 ;

Vu l'ordonnance en date du 11 septembre 2008 par laquelle le président de la chambre a reporté la clôture de l'instruction de cette affaire au 6 octobre 2008 ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 octobre 2008, présenté pour Mme X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

Vu le décret n° 94-73 du 25 janvier 1994 modifiant le décret n° 88-1077 du 30 novembre 1988 portant statuts particuliers des personnels infirmiers de la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2008 :

- le rapport de M. Brumeaux, président,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de la justice administrative : « Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par un recours formé contre une décision...... » ;

Considérant que si Mme X ne justifie de l'existence d'aucune décision administrative relative à ses droits à indemnité antérieurement à l'introduction de sa demande devant le Tribunal administratif de Besançon, il résulte de l'instruction que dans ses observations en défense présentées devant ce même tribunal, le directeur du centre hospitalier spécialisé du Jura a conclu au rejet de la demande de Mme X comme mal fondée ; que ces conclusions doivent être regardées comme constituant une décision de rejet susceptible de lier le contentieux devant la juridiction administrative saisie par l'intéressée ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions à fins d'indemnité présentées par Mme X, faute de liaison préalable du contentieux ; qu'ainsi, le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 23 novembre 2006 doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande de Mme X tendant à ce que le centre hospitalier spécialisé du Jura soit condamné à lui verser les rappels de traitement auxquels elle a droit depuis le 1er février 1991, après reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension ;

Sur les conclusions indemnitaires de Mme X relatives à la reconstitution de sa carrière :

Considérant qu'aux termes de l'article 40 du décret 86-442 du 14 mars 1986 susvisé : « Le temps passé en congé pour accident de service, de maladie, de longue maladie ou de longue durée avec traitement, demi-traitement ou pendant une période durant laquelle le versement du traitement a été interrompu en application des articles 39 et 44 du présent décret est valable pour l'avancement à l'ancienneté et entre en ligne de compte dans le minimum de temps valable pour pouvoir prétendre au grade supérieur. Il compte également pour la détermination du droit à la retraite et donne lieu aux retenues pour constitution de pension civile. » ;

Considérant qu'à à la suite d'un accident de trajet reconnu imputable au service survenu le 1er septembre 1991, Mme X a été initialement mise en congé de maladie du 1er septembre 1991 au 1er mars 1992, puis, à compter de cette dernière date, en congé de longue maladie, avant d'être placée en position de disponibilité d'office pour raison de santé à compter du 1er mars 1995 ; qu'en exécution d'un jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 23 novembre 1997, elle a été mise en congé de maladie du 2 septembre 1991 au 22 juin 1997, puis réintégrée dans son emploi au centre hospitalier spécialisé du Jura du 24 juin 1997 au 20 décembre 1999, date de sa mise à la retraite ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, infirmière de secteur psychiatrique de classe supérieure, classée au 4ème échelon depuis le 1er octobre 1991, a été reclassée à compter du 1er août 1993 au 8ème échelon du grade d'infirmière de classe normale en application de l'article 14 du décret du 25 janvier 1994 et été inscrite au tableau d'avancement pour l'accès au grade d'infirmier de classe supérieure après avis de la commission paritaire locale réunie le 29 janvier 1999 à un rang qui ne lui a pas permis d'être promue avant sa mise à la retraite ;

Considérant qu'en ce qui concerne la période du 1er septembre 1991 au 1er mars 1995, le défaut de reconnaissance de l'accident de service par son employeur ne lui a fait perdre aucune chance de promotion dans la mesure où les dispositions précitées n'établissent aucune distinction entre le congé pour accident de service et le congé de maladie au regard du calcul de l'ancienneté requise pour être promu au grade supérieur ; qu'en ce qui concerne la période durant laquelle elle a été placée en position de disponibilité d'office pour raison de santé, elle n'établit pas que la non-prise en compte de cette période lui aurait fait perdre une chance sérieuse de promotion ; qu'enfin, pour la période courant à compter de sa réintégration, contrairement à ce qu'elle soutient, les dispositions précitées ne lui conféraient pas de droit à être inscrite plus tôt sur ce tableau d'avancement, et elle n'établit, ni même n'allègue, que les agents se trouvant dans la même situation qu'elle en 1991 ont été promus plus rapidement ; qu'ainsi, l'intéressée, qui n'établit pas ainsi avoir perdu une chance sérieuse de promotion au grade d'infirmière de classe supérieure et de bénéficier de droits à la retraite supérieurs à ceux effectivement liquidés à défaut d'une promotion, n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier spécialisé aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne faisant pas évoluer sa carrière durant son congé maladie et pendant ses deux dernières années d'activité ; que, par suite, les conclusions présentées par Mme X devant le Tribunal administratif de Besançon tendant à la condamnation du centre hospitalier spécialisé du Jura à lui verser des rappels de traitement et de pension de retraite après reconstitution de sa carrière doivent être rejetées ;
Sur les conclusions de Mme X relatives à la prise en charge de ses frais médicaux et à la perception de l'intégralité de ses traitements durant le congé de maladie :

Considérant que Mme X conclut également à la condamnation du centre hospitalier spécialisé du Jura à lui verser l'intégralité de ses traitements, en application des dispositions de l'article 41-2° de la susvisée, ainsi qu'à lui rembourser la totalité du coût des soins demeurés à sa charge ; que ces conclusions sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné au directeur du centre hospitalier spécialisé du Jura de procéder au calcul et au versement des arriérés de traitement et des remboursements des frais médicaux générés par l'accident de service survenu le 1er septembre 1991, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard :

Considérant que la présente décision, qui rejette la requête de Mme X, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ces conclusions doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier spécialisé du Jura, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme X demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 23 novembre 2006 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Besançon et le surplus des conclusions de sa requête devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Françoise X et au centre hospitalier spécialisé du Jura.