En l’espèce, une représentante syndicale a diffusé un document syndical invitant certains de ses collègues à un rassemblement pour les inviter à manifester lors de la venue de personnalités publiques et politiques locales. Le maire d’une commune ayant interdit à son personnel, par note de service, l’utilisation d’internet à des fins politiques a sanctionné la représentante syndicale par un blâme. La cour administrative d’appel a considéré que le tract diffusé par messagerie électronique par la représentante syndicale sortait du domaine syndical pour entrer dans le domaine politique. |
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY.
3ème Chambre
COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER
c/ Mme X
07NC00217
2 août 2007
Vu la requête, enregistrée le 13 février 2007, et les mémoires complémentaires en dates des 6 avril et 7 juin 2007, présentés pour la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER, représentée par son maire en exercice, dont le siège est Hôtel de Ville BP 340 à Lons-le-Saunier Cedex (39000), par la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0400718 en date du 19 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté en date du 12 mars 2004 infligeant un blâme à Mme X;
2°) de rejeter la demande de Mme X ;
3°) de condamner Mme X à lui verser la somme 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER soutient que :
- le jugement attaqué donne au droit à l'exercice de l'activité syndicale une dimension inconciliable avec le devoir d'obéissance des agents publics envers leurs supérieurs hiérarchiques ;
- Mme X a enfreint la règle d'utilisation de la messagerie électronique qui ne pouvait être que professionnelle ;
- le contenu du message adressé par Mme X portait sur des thèmes sans rapport avec les intérêts qu'elle défendait par son action syndicale et la sanction pouvait également être fondée sur ce motif nouveau ;
- son contenu injurieux et diffamatoire, incitant à l'indiscipline collective, justifiait la sanction du blâme qui lui est proportionnée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 22 mai 2007, le mémoire présenté par Mme X, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER soit condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mme X fait valoir que :
- en tant que représentante syndicale, elle avait le droit d'utiliser la messagerie intranet de la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER ;
- la sanction litigieuse n'étant fondée que sur un refus d'obéissance quant à l'utilisation de cette messagerie, il ne peut lui être reproché par la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER, à supposer même cette circonstance établie, d'avoir tenu des propos injurieux ou diffamatoires ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;
Vu le décret n° 85-397 du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Considérant que, par un arrêté en date du 12 mars 2004, le maire de la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER a infligé un blâme à Mme X, représentante syndicale, au motif qu'en méconnaissance des règles fixées pour l'utilisation de la messagerie intranet des services de la ville, limitée à un usage professionnel, elle avait diffusé une information syndicale invitant certains de ses collègues à un rassemblement le 14 février 2004 à fin de manifester lors de la venue de personnalités publiques et politiques locales pour l'inauguration d'un nouveau théâtre ; que la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER interjette régulièrement appel du jugement en date du 19 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté ;
Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis l'auteur du recours en mesure de présenter des observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le maire de LONS-LE-SAUNIER pouvait légalement interdire à son personnel, comme il l'a fait par la note de service du 18 novembre 2003, l'usage d'internet à des fins politiques ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des termes mêmes du message litigieux et du tract qui y était joint, que Mme X s'en prend, en termes virulents et polémiques, à la politique conduite au niveau national dans les domaines éducatifs et sociaux et qu'il n'existe dans ce document, dont il n'est nullement démontré que le maire en aurait eu connaissance illicitement, aucune revendication à proprement parler syndicale ; que, par suite, le nouveau motif invoqué par la commune devant le juge était de nature à fonder légalement la sanction du blâme ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur ce dernier motif, qu'il y a lieu de substituer à celui retenu, dès lors que Mme X n'est privée d'aucune garantie procédurale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur l'erreur de droit dont le motif initial était entaché pour annuler la décision en litige ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens développés par Mme X devant le Tribunal administratif de Besançon et devant la Cour ;
Considérant que les moyens tirés de ce que la charte internet de la commune ne pouvait légalement interdire la diffusion de messages à caractère syndical, qu'aucune plainte pour diffamation ou injures publiques n'a été déposée, que seule la requérante a été sanctionnée ou que le maire utiliserait lui-même la messagerie à des fins politiques sont inopérants ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté de son maire, en date du 12 mars 2004, infligeant un blâme à Mme X ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement et de rejeter la demande de Mme X présentée devant le Tribunal administratif de Besançon ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 19 décembre 2006 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme X devant ce tribunal est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER et les conclusions de Mme X au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER et à Mme X.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2007 :
- le rapport de M. Collier, premier conseiller,
- les observations de Me Lyon-Caen pour la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la COMMUNE DE LONS-LE-SAUNIER,
- et les conclusions de M. Tréand, commissaire du gouvernement ; M. Desramé, Président.