En l’espèce, une élève infirmière à l’Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) a fait l’objet d’une exclusion définitive par la directrice de l’établissement à la suite d’un stage effectué au sein d’un service psychiatrique. Le Conseil d’Etat rejette la requête du centre hospitalier auquel l’IFSI est rattaché tendant à l’annulation du jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg qui avait annulé la décision du renvoi. La haute juridiction administrative relève en effet que même si la prestation de cette élève révèle l’accomplissement de certaines maladresses professionnelles et un manque d’implication, elle n’a pas commis de fautes disciplinaires ou d’actes incompatibles avec la sécurité du malade et mettant en cause sa responsabilité personnelle au sens des dispositions de l'article 7 de l'arrêté ministériel du 19 janvier 1988 modifié relatif aux conditions de fonctionnement des écoles paramédicales. Elle rejette par conséquent la requête du centre hospitalier en indiquant que tout au plus, aurait pu être envisagé l'engagement d'une procédure de redoublement ou d'exclusion pour inaptitude théorique ou pratique au cours de la scolarité après avis du comité technique. |
Cour Administrative d'Appel de Nancy
N° 07NC01175
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre - formation à 3
M. VINCENT, président
M. Olivier TREAND, rapporteur
M. COLLIER, commissaire du gouvernement
CHORON, avocat
lecture du jeudi 8 janvier 2009
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 17 août 2007 au greffe de la Cour et complétée par mémoire enregistré le 14 novembre 2008, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH, dont le siège est situé 27 rue du 4ème RSM à Rouffach (68250), par Me Clamer, avocat ; le CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0605397 du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 5 juin 2007 en tant que, par ledit jugement, le tribunal a annulé la décision du 26 septembre 2006 par laquelle la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH a infligé à Mlle X la sanction de l'exclusion définitive dudit institut ;
2°) de rejeter les conclusions d'excès de pouvoir formées par Mlle X devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mlle X une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le tribunal ne pouvait régulièrement se prononcer sur un moyen qui n'avait pas été expressément soulevé par Mlle X, à savoir l'exactitude matérielle des faits reprochés ou des fautes commises, alors que ce moyen n'était pas d'ordre public ; Mlle X n'a contesté que l'erreur manifeste d'appréciation affectant la sanction ;
- les fautes sont établies ; la procédure disciplinaire n'a pu être engagée qu'en septembre, Mlle X n'ayant remis sa fiche d'appréciation du stage réalisé en psychiatrie au CENTRE HSOPITALIER DE ROUFFACH du 19 juin au 28 juillet 2006 sanctionné par une note de 8/20 que début septembre, alors que son stage s'était achevé fin juillet ; il appartenait alors à la directrice de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI), qui n'a eu connaissance de ladite fiche que le 11 septembre, de recueillir les explications de Mlle X et, devant le mutisme de cette dernière, de faire réaliser un rapport complémentaire par Mme Y, cadre de l'unité de soins et responsable de l'encadrement du stage ; le rapport daté du 14 septembre est accablant ; il corroborait les insuffisances déjà constatées tant en mise en situation professionnelle qu'en stage ou à l'Institut et l'avertissement délivré oralement le 7 juillet 2006 ; le conseil de discipline, qui s'est déroulé le 25 septembre 2006, s'est prononcé à l'unanimité pour l'exclusion ; les rapports établis postérieurement par les personnels soignants directement en contact avec l'intéressée lors de son stage confirment la réalité des faits fautifs ; la moyenne obtenue par Mlle X lors de ses stages, soit 11,88/20, est la plus faible de toute sa promotion ;
- la sanction n'était pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- très subsidiairement, Mlle X n'avait pas de droit à être admise en deuxième année, dès lors qu'elle avait fait l'objet d'une exclusion disciplinaire sur le fondement de l'article 7 de l'arrêté du 19 janvier 1988 relatif aux conditions de fonctionnement des écoles paramédicales modifié ;
- très subsidiairement, le comité technique n'avait pas à être consulté, dès lors que Mlle X n'a pas été exclue pour inaptitude théorique ou pratique ; le comité technique a d'ailleurs seulement été informé de la procédure disciplinaire engagée ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2008, présenté pour Mlle X par Me Choron, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 € soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH ;
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable ; l'appel n'est ouvert qu'aux parties présentes en première instance en vertu de l'article R. 228 du code de justice administrative ; le CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH n'était pas partie en première instance ; la décision d'exclusion émanait de la directrice de l'Institut de formation en soins infirmiers ; le directeur du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH est dépourvu de qualité pour agir et ne peut ainsi interjeter appel ;
- elle a soulevé le moyen tiré de l'inexactitude matérielle des faits fautifs page 4 de sa requête introductive d'instance enregistrée devant le tribunal le 9 novembre 2006, ainsi que dans son mémoire en réplique enregistré le 16 janvier 2007 ; le tribunal n'a pas statué ultra petita ;
- les critiques qui lui sont faites sur la fiche d'appréciation datée du 1er août 2006 ne mentionnent aucun fait grave ; les observations mentionnées sont plus un encouragement qu'une critique ; les rapports produits en août 2007 pour les besoins de la cause, postérieurement au jugement, doivent être écartés des débats, de même que le « bilan mi-stage » daté du 17 juillet 2006, qui n'a pas été produit en première instance ; Mlle n'a notamment pas refusé d'alimenter un malade ; ses notes de stage se situent dans la fourchette, qui va de 8/20 à 19/20, comme l'a constaté le conseil technique qui s'est déroulé le 14 septembre 2006 ; les trois autres stages effectués, qui ont fait l'objet d'une préparation, ont donné lieu à des appréciations satisfaisantes ; celui effectué au service 23/1 spécialisé en psychiatrie du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH n'a fait l'objet d'aucune préparation ; si un entretien a eu lieu avec le cadre de santé, l'infirmière référent ne lui a pas été présentée ; elle a été livrée à elle-même travaillant les deux tiers du temps avec une aide soignante stagiaire ; aucune faute grave n'a été commise puisqu'il n'a pas été mis fin à son stage en cours et qu'elle a même pu reprendre ses cours de seconde année en septembre 2006 ;
- le rapport disciplinaire établi le 15 septembre 2006 par la directrice de l'IFSI ne révèle aucune faute disciplinaire ; elle relevait de la procédure prévue à l'article 3 de l'arrêté susmentionné du 19 janvier 1988 modifié ;
- en tout état de cause, la sanction prise est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- si elle relevait de la procédure disciplinaire, sa situation n'aurait pas dû être débattue devant le conseil technique hors de sa présence ; le conseil de discipline ne pouvait se fonder sur des éléments fournis lors du conseil technique du 14 septembre qui s'est irrégulièrement tenu ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu l'arrêté ministériel du 19 janvier 1988 modifié relatif aux conditions de fonctionnement des écoles paramédicales ;
Vu l'arrêté interministériel du 6 septembre 2001 relatif à l'évaluation continue des connaissances et des aptitudes acquises au cours des études conduisant au diplôme d'Etat d'infirmier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2008 :
- le rapport de M.Tréand, premier conseiller,
- les observations de Me Schaeffer, substituant le cabinet A et C. LEX, avocat du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH,
- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par Mlle X :
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH soutient que, pour prononcer l'annulation pour erreur de fait de l'exclusion définitive de l'Institut de formation en soins infirmiers dont Mlle X a fait l'objet, le tribunal se serait irrégulièrement fondé sur un moyen non soulevé par la requérante en première instance et qui n'est pas d'ordre public ; que, toutefois, tant dans sa requête introductive d'instance enregistrée le 9 novembre 2006 que dans son mémoire en réplique enregistré le 16 janvier 2007, l'intimée a contesté la matérialité des griefs énoncés à l'appui de la sanction prononcée à son encontre ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait entaché son jugement d'une irrégularité doit être écarté comme manquant en fait ;
Sur la légalité de la décision de la directrice de l'Institut en soins infirmiers du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH en date du 26 septembre 2006 portant exclusion définitive de Mlle X :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'arrêté ministériel du 19 janvier 1988 modifié relatif aux conditions de fonctionnement des écoles paramédicales : « Le directeur de l'institut peut, après avis du conseil technique, décider du redoublement d'un étudiant ou prononcer son exclusion pour inaptitude théorique ou pratique au cours de la scolarité (..) » ; qu'aux termes de l'article 7 du même arrêté : « Dans chaque institut de formation visé à l'article 1er du présent arrêté, le directeur est assisté d'un conseil de discipline (..) Le conseil de discipline émet un avis sur les fautes disciplinaires, ainsi que sur les actes des étudiants incompatibles avec la sécurité du malade et mettant en cause leur responsabilité personnelle. Le conseil de discipline peut proposer les sanctions suivantes : - avertissement - blâme - exclusion temporaire de l'école - exclusion définitive de l'école. La sanction est prononcée de façon dûment motivée par le directeur. Elle est notifiée à l'étudiant » ;
Considérant que, par décision du jury d'admission, Mlle X a été admise au sein de l'institut de formation en soins infirmiers (IFSI) du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH en juillet 2005 en vue d'obtenir un diplôme d'Etat d'infirmière ; qu'au cours de sa première année de scolarité, elle a obtenu des résultats théoriques conduisant la directrice de l'IFSI à l'autoriser à passer en deuxième année ; qu'elle a également suivi trois stages pratiques au sein, d'une part, du service de médecine du centre hospitalier de Pfastatt du 24 octobre au 18 novembre 2005, d'autre part, du service de gériatrie de la clinique Saint-Damien de Mulhouse du 13 février au 10 mars 2006 et, enfin, du service pédiatrie de l'IME de Bollwiller du 22 mai au 15 juin 2006, respectivement sanctionnés par des notes de 13/20, 18,5/20 et 12/20 ; que s'il résulte de la fiche d'appréciation datée du 1er août 2006 et des différents rapports établis postérieurement qu'au cours du quatrième stage qu'elle a effectué au sein du service psychiatrique UF 23/1 du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH du 19 juin au 28 juillet 2006, sa prestation révélait encore l'accomplissement de certaines maladresses professionnelles et un manque d'implication, ce qui a conduit à lui attribuer une note de 8/20, il n'est pas démontré que Mlle X, dont il n'est pas contesté que son accueil au sein de ce service en sa qualité d'élève infirmière en première année n'a pas été adapté, aurait commis des fautes disciplinaires ou des actes incompatibles avec la sécurité du malade et mettant en cause sa responsabilité personnelle au sens des dispositions de l'article 7 de l'arrêté ministériel précité ; que, tout au plus, aurait pu être envisagé l'engagement d'une procédure de redoublement ou d'exclusion pour inaptitude théorique ou pratique au cours de la scolarité après avis du comité technique, comme le prévoient les dispositions de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 19 janvier 1998 ; que, d'ailleurs, après avoir autorisé Mlle X à reprendre sa scolarité le 4 septembre 2006, la directrice de l'IFSI du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH a envisagé cette possibilité puisqu'elle a saisi ledit comité du cas de Mlle X lors de la séance qui déroulée le 14 septembre 2006 ; que, par suite, en prononçant l'exclusion définitive de l'école de Mlle X sur le fondement des dispositions de l'article 7 de l'arrêté du 19 janvier 1998, elle a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement querellé, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 26 septembre 2006 par laquelle la directrice de l'Institut de formation en soins infirmiers du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH a infligé à Mlle X la sanction de l'exclusion définitive de l'école ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mlle X, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande le CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH à payer une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mlle X et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête susvisée du CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH est rejetée.
Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH versera à Mlle X une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE ROUFFACH et à Mlle Jessica X.