Un postulant à la nationalité française, qui ne disposait pas, à la date de la décision contestée, de l’autorisation individuelle d’exercer la profession de médecin en France, et qui a été recruté pour exercer des fonctions d’interne, sous contrat à durée déterminée, occupait un emploi ne présentant pas un caractère stable. Par conséquent, le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement n’a pas entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation en estimant, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par l’intéressée, que son insertion professionnelle pour l’exercice de la médecine ne pouvait être regardée comme pleinement réalisée.
Cour Administrative d'Appel de Nantes
N° 08NT00419
Inédit au recueil Lebon
2ème Chambre
M. DUPUY, président
M. Robert LALAUZE, rapporteur
M. ARTUS, commissaire du gouvernement
DUFAY, avocat
lecture du mardi 29 juillet 2008
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée le 15 février 2008, présentée par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU CODEVELOPPEMENT ; le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 07-1005 du 13 décembre 2007 du Tribunal administratif de Nantes en tant que ce jugement a annulé sa décision du 23 mars 2007 en ce qu'elle rejette la demande de naturalisation présentée par M. Firas X ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nantes en tant qu'elle tend à l'annulation de sa décision du 23 mars 2007 en ce qu'elle rejette la demande de naturalisation présentée par l'intéressé ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle ;
Vu la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 ;
Vu le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié, relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;
Vu le décret n° 2007-123 du 29 janvier 2007 relatif aux procédures d'autorisation d'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 2008 :
- le rapport de M. Lalauze, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Artus, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU CODEVELOPPEMENT interjette appel du jugement du 13 décembre 2007 du Tribunal administratif de Nantes en tant que ce jugement a annulé sa décision du 23 mars 2007 en ce qu'elle rejette la demande de naturalisation présentée par M. Firas X, de nationalité syrienne ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21-15 du code civil : “(...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte de la naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger” ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : “Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande (...). Ces décisions motivées (...) sont notifiées à l'intéressé (...)” ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité française à l'étranger qui la sollicite ; que, dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte le degré d'insertion professionnelle du postulant, ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources ;
Considérant que, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par M. X, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement s'est fondé sur la circonstance tirée de ce que l'intéressé n'établissait pas disposer de l'autorisation d'exercer la médecine de façon pérenne en France et que son insertion professionnelle ne pouvait donc être regardée comme pleinement réalisée à ce titre ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 4111-1 du code de la santé publique : “Nul ne peut exercer la profession de médecin (...) s'il n'est : 1° Titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4121-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5 ; 2° De nationalité française, de citoyenneté andorrane ou ressortissant d'un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen (...).” ; qu'aux termes de l'article L. 4111-2 du même code : “I. - Le ministre chargé de la santé peut, après avis d'une commission comprenant notamment des délégués des conseils nationaux des ordres et des organisations nationales des professions intéressées, choisis par ces organismes, autoriser individuellement à exercer les personnes titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre permettant l'exercice de la profession de médecin, chirurgien-dentiste ou sage-femme dans le pays d'obtention de ce diplôme, certificat ou titre. Ces personnes doivent avoir satisfait à des épreuves anonymes de vérification de leur maîtrise de la langue française et des connaissances, organisées par profession, discipline ou spécialité (...). Le nombre maximum de candidats susceptible d'être reçus à ces épreuves (...) est fixé par arrêté du ministre chargé de la santé (...). I bis. - Le ministre chargé de la santé peut également, après avis de la commission mentionnée au I, autoriser individuellement à exercer des ressortissants d'un Etat autre que ceux membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen et titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans l'un de ces Etats, conformément aux obligations communautaires (...)” ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 60 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle : “(...) les établissements publics de santé ne peuvent plus recruter de nouveaux médecins titulaires de diplômes, titres ou certificats délivrés dans des pays autres que ceux faisant partie de la Communauté européenne et que les Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen et Andorre (...). Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux personnes venant préparer un diplôme de spécialité en France, ce uniquement pour la durée de la formation (...)” ; qu'aux termes de l'article 83 de la loi du 21 décembre 2006 susvisée, de financement de la sécurité sociale pour 2007 : “(...) IV. - Le nombre maximum mentionné au deuxième alinéa du I de l'article L. 4111-2 et au deuxième alinéa de l'article L. 4221-12 du code de la santé publique n'est pas opposable aux praticiens ayant exercé des fonctions rémunérées avant le 10 juin 2004 dans un établissement de santé public ou privé participant au service public hospitalier et ayant passé une convention en application des dispositions des articles L. 6142-5 et L. 6162-5 du même code justifiant de fonctions rémunérées au cours des deux années précédant la publication de la présente loi. Les conditions et les modalités d'inscription aux épreuves de vérification des connaissances sont fixées par voie réglementaire. (...) Par exception aux dispositions du sixième alinéa du I de l'article 60 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 précitée, les personnes mentionnées au premier alinéa du présent IV peuvent poursuivre leurs fonctions en qualité de praticien attaché associé ou d'assistant associé jusqu'à épuisement de leurs droits à se présenter aux épreuves mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article L. 4111-2 et au deuxième alinéa de l'article L. 4221-12 du code de la santé publique et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2011” ; qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 2007-123 du 29 janvier 2007 susvisé, relatif aux procédures d'autorisation d'exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien : “(...) II. - Les fonctions rémunérées mentionnées au IV de l'article 83 de la loi du 21 décembre 2006 susvisée doivent avoir été exercées dans les conditions suivantes : 1° Pour les professions de médecin, chirurgien-dentiste et pharmacien, sous les statuts énumérés au premier alinéa des articles D. 4111-7 et D. 4221-6 du code de la santé publique, ainsi que de faisant fonction d'interne ou d'infirmier (...)” ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, titulaire d'un diplôme de docteur en médecine délivré par l'Etat syrien, est entré en France le 20 août 2002 ; que, détenteur d'une carte de séjour “étudiant”, il a effectué du 2 novembre 2003 au 31 octobre 2007, une formation spécialisée en chirurgie générale viscérale, puis une formation approfondie en chirurgie, période au cours de laquelle, après avoir effectué un stage d'interne au centre hospitalier universitaire de Nancy du 2 novembre au 30 avril 2003 il a, par contrat du 31 mars 2003, été recruté, comme le permettent les dispositions précitées de l'article 60 de la loi du 27 juillet 1999, par le centre hospitalier de Dole (Jura) en qualité de “faisant fonction d'interne” par contrat valable du 5 mai jusqu'au 2 novembre 2003, prolongé par période de six mois jusqu'au 31 novembre 2007 ;
Considérant que les dispositions précitées du IV de l'article 83 de la loi du 21 décembre 2006, dont se prévaut M. X, lui permettent d'exercer les fonctions de praticien attaché associé jusqu'à, seulement, épuisement de ses droits à se présenter aux épreuves tendant à l'obtention de l'autorisation ministérielle d'exercice de la médecine et au plus tard jusqu'au 31 décembre 2011 ; qu'en outre, si l'intéressé fait valoir que, postérieurement à la décision contestée, il a été, par contrat du 31 juillet 2007, pris sur le fondement desdites dispositions de l'article 83 de la loi du 21 décembre 2006, recruté par le centre hospitalier de Dole en tant que praticien attaché associé des hôpitaux, il est constant que cette embauche est limitée à la période du 1er novembre 2007 au 31 octobre 2008 ; que, dans ces conditions, M. X, qui ne disposait pas, à la date du 23 mars 2007 de la décision contestée, de l'autorisation individuelle d'exercer la profession de médecin en France prévue aux articles L. 4111-1 et L. 4111-2 du code de la santé publique, occupait un emploi ne présentant pas un caractère stable ; qu'ainsi, nonobstant les allégations de M. X selon lesquelles il pourrait exercer une activité para-médicale et serait bien intégré dans la société française, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant, pour rejeter la demande de naturalisation présentée par l'intéressé, que son insertion professionnelle pour l'exercice de la médecine ne pouvait être regardée comme pleinement réalisée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a annulé sa décision du 23 mars 2007 en ce qu'elle rejette la demande de naturalisation présentée par M. X ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 13 décembre 2007 du Tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il annule la décision du 23 mars 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement en ce qu'elle rejette la demande de naturalisation présentée par M. X.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision du 23 mars 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement en ce qu'elle rejette sa demande de naturalisation sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et à M. Firas X.