REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 3 août 2001, présentée pour M. Omar X élisant domicile ... par Me Lassner ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 5 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) à lui payer la somme de 2 134, 29 euros (14 000F) avec intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1997, la somme de 762, 25 euros (5 000 F) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a mis à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris les frais d'expertise ;
2°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui payer la somme de 52 695, 36 euros (345 658, 92 F) avec intérêts de droit à compter du 1er décembre 1997 et capitalisation des intérêts sur les sommes allouées ;
3°) de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à lui payer la somme de 3 049 euros (20 000 F) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2005 :
- le rapport de M. Boulanger, rapporteur,
- les observations de Me Tsouderos, pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;
Sur la prescription :
Considérant qu'aux termes de l'article 7, alinéa 1er, de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, l'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond ;
Considérant que le jugement attaqué du 5 juin 2001 par lequel le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à payer une somme de 2 134, 29 euros à M. X s'est prononcé sur le fond ; que, dès lors et en tout état de cause, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, qui n'a pas régulièrement opposé la prescription devant les premiers juges, ne saurait utilement s'en prévaloir devant la cour ;
Sur la régularité de l'expertise :
Considérant que l'expert a examiné l'ensemble des problèmes techniques posés par l'affaire et a répondu avec précision à toutes les questions qui lui étaient soumises ; que la circonstance que le rapport comporterait quelques erreurs matérielles n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité ; que les observations faites par le requérant sur les commentaires de l'expert, qu'il qualifie pour certains d'entre eux de diffamatoires, ne sont pas de nature à établir que celui-ci se serait départi de son devoir d'impartialité dans l'exécution de la mission qui lui était confiée ; que si M. X soutient que l'expertise en cause a méconnu les règles du contradictoire et notamment celles édictées par l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, il n'apporte pas à la cour d'éléments autres que ceux déjà présentés aux premiers juges ; qu'ainsi, le tribunal administratif a pu à bon droit se référer à ce rapport à titre d'élément d'information ;
Sur la responsabilité :
Considérant que M. Omar X souffrait depuis 1960 d'une maladie ulcéreuse du duodénum et depuis 1970 d'une oesophagite ulcéreuse par reflux gastro-oesophagien sur hernie hiatale ; qu'il est constant que le traitement médical qu'il suivait n'était plus efficace sur les lésions constituées et sur leur aggravation ; qu'en conséquence, l'intéressé a subi une première opération chirurgicale à l'hôpital Beaujon le 15 juillet 1988, qui a consisté en une vagotomie hyper sélective et en la réfection de la région oeso-cardio-tubérositaire avec cure de hernie hiatale ; que des troubles de l'évacuation gastrique ayant été constatés, une seconde intervention a été pratiquée le 6 avril 1989 pour une diversion duodénale totale avec vagotomie tronculaire intra-thoracique ; qu'à la suite de ces opérations, M. X présente des séquelles respiratoires de deux ordres consistant en une séquelle pleurale gauche et une séquelle de motricité diaphragmatique gauche, aboutissant à une réduction modérée de sa capacité pulmonaire totale ain
si que des troubles du transit digestif ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par les premiers juges, que l'échec du traitement médical rendait légitimes les interventions chirurgicales qui ont été pratiquées ; que la cure de la hernie hiatale et du reflux gastro-oesophagien qui a été pratiquée à l'occasion de la première intervention était rendue du seul fait de la réalisation de la vagotomie hyper sélective qui était l'acte opératoire nécessaire préconisé de première intention ; que si M. X soutient qu'un diagnostic de la section nerveuse posé lors de la première intervention aurait permis d'éviter une seconde opération, les troubles qui ont suivi cette première intervention rendaient en tout état de cause indispensable la seconde opération ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces deux interventions, et notamment la section nerveuse opérée lors de la première intervention et celle des branches postérieures du nerf phrénique gauche effectuée à l'occasion de la deuxième intervention, n'auraient pas été conduites dans les règles de l'art ; qu'ainsi, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une nouvelle expertise qui au cas d'espèce ne présenterait pas un caractère utile, le moyen tiré de ce que la responsabilité du service hospitalier serait engagée à raison d'une faute médicale commise lors des interventions en cause ne peut être accueilli ;
Considérant, en second lieu, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que la preuve de cette information peut être apportée par tout moyen ;
Considérant qu'en appel M. X se prévaut d'un défaut d'information quant à la nature de l'intervention pratiquée le 15 juillet 1988 en ce qu'il n'aurait consenti qu'à la seule vagotomie et non à la cure de hernie hiatale ; que, toutefois, il a déclaré, le 3 novembre 1993 au médecin qui l'a examiné à la demande de son avocat, avoir été informé d'une opération (la première) pour hernie hiatale, il n'aurait pas été question d'une cure d'ulcère du bulbe , puis au même praticien, le 10 novembre 1994, n'avoir pas été informé du traitement de sa hernie hiatale pas plus que des risques de la chirurgie de l'ulcère alors envisagée ; qu'il a fait état dans sa requête devant le Tribunal administratif de Paris d'une absence de consentement éclairé et notamment d'une absence de consentement pour la cure de hernie hiatale effectuée lors du premier geste chirurgical et non prévue initialement et, dans son mémoire en réplique, de complications liées à la première intervention ; qu'à l'expert désigné par ce tribunal, il a ensuite déclaré n'avoir donné son consentement qu'au seul traitement de la maladie ulcéreuse duodénale ; qu'enfin, devant la cour, le requérant, qui n'a d'ailleurs repris le moyen tiré d'un défaut d'information concernant la nature de l'intervention pratiquée le 15 juillet 1988 que dans son mémoire en réplique du 2 septembre 2002, prétend n'avoir consenti qu'à la seule vagotomie hyper sélective ; que l'expert a cependant relevé que le traitement chirurgical pratiqué le 15 juillet 1998 n'a pas comporté, comme le prétend M. X une double intervention mais une seule et même intervention pour des pathologies qui forment un tout, la cure de hernie hiatale faisant partie intégrante du traitement de l'ulcère duodénal, dont l'expert souligne en outre le caractère complexe ; que les déclarations contradictoires du requérant constituent des présomptions suffisantes pour établir que les praticiens se sont en l'espèce acquitté de leur obligation d'information ; que, dans ces conditions, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a reconnu l'existence d'un manquement à cette obligation de nature à engager sa responsabilité ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative susvisées font obstacle à ce que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. X la somme de 3 049 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant, d'autre part, que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions susvisées et de mettre à la charge de M. X la somme de 1 000 euros correspondant aux frais exposés par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 5 juin 2001 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande de M. X est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.