Par cet arrêt, la CAA de Paris a rejeté la requête de l’EFS tendant à la nullité des opérations d’expertise ayant conduit au rapport déposé au greffe de cette cour. En l’espèce, à l’occasion des opérations d’expertise diligentées par un expert judiciaire, le praticien ayant pratiqué l’intervention litigieuse était présent, sachant que ce dernier était également le médecin conseil et ami personnel de la victime. L’EFS a dès lors soutenu que ces opérations d’expertise étaient entachées d’irrégularités substantielles. La CAA de Paris a considéré que si l’expert, en n’annexant pas ce dire et n’en faisant pas état dans son rapport, a commis une irrégularité, celle-ci ne revêt toutefois pas un caractère substantiel de nature à entraîner la nullité des opérations d’expertise dans la mesure où le défendeur (en l’espèce l’EFS) dispose de la faculté de communiquer au juge du fond le dire non annexé au rapport et que l’expert n’a dissimulé dans son rapport ni les liens d’amitié existant entre la victime et ce praticien ni la présence de ce dernier aux opérations d’expertise en sa double qualité de médecin conseil du patient et de praticien de l’intervention litigieuse. La CAA a également ajouté qu’une imprécision dans le rapport d’expertise sur un point précis est sans incidence sur la régularité des opérations d’expertise en l’absence de question portant sur ce dernier point dans l’énoncé de la mission d’expertise. |
LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE PARIS
(3ème Chambre)
N° 07PA00524
ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG
/ M. D.
Mme Cartel
Président
M. Demouveaux
Rapporteur
M. Jarrige
Commissaire du gouvernement
Audience du 5 mars 2008
Lecture du 19 mars 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu la requête, enregistrée le 26 septembre 2006, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, dont le siège est 20 avenue du Stade de France à la Plaine-Saint-Denis (93218), par Me Houdart ; l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande à La cour de prononcer la nullité des opérations d'expertise ayant conduit au rapport déposé le 27 mars 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris ;
Il soutient que les opérations d'expertise, confiées au docteur D., sont entachées d'irrégularités substantielles ; qu'ainsi, la matérialité des transfusions sanguines, tenue pour acquise par l'expert, ne repose que sur les souvenirs du professeur N. qui a réalisé l'intervention en 1979, alors que ce praticien est le médecin conseil et l'ami de M. D. et que l'expert, saisi de cette difficulté dans un dire de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, n'a pas annexé ce dire au rapport définitif ni ne l'a pris en compte ; qu'en outre, aucun document composant le dossier médical de M. D. ne permet de s'assurer de la matérialité des transfusions sanguines incriminées ;
Vu les observations, enregistrées les 27 mars et 19 avril 2007, présentées par le docteur D. ;
Vu les mémoires en défense, enregistrés les 2 et 27 avril 2007, présentés pour M. D. par la SCP Ledoux tendant au rejet de la requête par le moyen qu'aucune irrégularité substantielle n'entache les opérations d'expertise ; le même mémoire tendant à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le rapport d'expertise du docteur D. déposé le 27 mars 2006 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mars 2008 :
- le rapport de M. Demouveaux, rapporteur,
les observations de Me Audoux, pour l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et celles de Me Haus, pour M. D.,
- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative « La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision » ; qu'aux termes de l'article R. 532-1 dudit code : « Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ; que, lorsqu'ont été prescrites, en application des dispositions précitées des articles R. 532-1 ou R. 621-1 du code de justice administrative, des mesures d'expertise, une nouvelle décision avant dire droit peut constater l'irrégularité des opérations auxquelles il a été procédé et ordonné, s'il y a lieu, une nouvelle expertise ;
Considérant, en premier lieu, que le conseil de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG a adressé, le 8 février 2006, un dire à expert s'interrogeant sur la présence aux opérations d'expertise du professeur Neveux, alors que celui-ci, qui avait pratiqué l'intervention litigieuse, était également le médecin conseil de M. D. et un ami personnel de celui-ci ; que l'expert n'a pas annexé ce dire à son rapport ni n'en a fait état ; que s'il a ainsi commis une irrégularité, celle-ci ne revêt pas un caractère substantiel de nature à entraîner la nullité des opérations d'expertise, dès lors que le défendeur dispose de la faculté de communiquer au juge du fond le dire non annexé au rapport et que l'expert n'a nullement dissimulé, dans ledit rapport, les liens d'amitié existant entre la victime et le docteur Neveux et le fait que Celui-ci était présent aux opérations d'expertise en sa double qualité de médecin conseil de celle-ci et de praticien de l'intervention litigieuse ;
Considérant, en second lieu, que dans son rapport, l'expert, rappelant les conditions dans lesquelles des transfusions sanguines ont été pratiquées sur M. D., le 19 octobre 1979, à l'hôpital Laennec, indique qu'avait été mis en place une circulation extra-corporelle sans préciser si le coeur du patient avait alors pu être protégé par une technique de cardioplégie de reperfusion utilisant son propre sang ; qu'en l'absence, dans l'énoncé de la mission d'expertise, de question portant sur ce dernier point, une telle imprécision est sans incidence sur la régularité des opérations d'expertise ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG n'est pas fondé à soutenir à demander l'annulation des opérations d'expertise ni qu'il soit procédé à une nouvelle expertise ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cet établissement la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG est rejetée.
Article 2 : L'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG versera à M. D. la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, à M. D., à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris, aux mutuelles du Mans assurances et au docteur D. Copie en sera adressée au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.