En l’espèce, à la suite de plusieurs interventions chirurgicales réalisées dans un établissement public de santé, un patient, présentant un état dépressif, s’est défenestré dans un service non psychiatrique d’un établissement public de santé alors qu’il devait être transféré dans un service psychiatrique dès le lendemain. La famille du défunt a engagé une action en responsabilité à l’encontre de cet établissement en se fondant sur l’existence d’une faute médicale et d’un défaut d’organisation du service hospitalier. Par cet arrêt, la Cour administrative d’appel de Paris indique qu’il ressort du rapport d’expertise qu’un traitement a été administré au patient dès que son état a été diagnostiqué et que les choix successifs qui ont été pris relatifs à la médication et son mode d’administration étaient conformes aux règles de l’art. La Cour considère ainsi qu’aucune faute médicale ne peut en conséquence être reprochée à l’AP-HP à ce titre. Par ailleurs, elle considère que les modalités du transfert de l'intéressé vers un service spécialisé ont fait l'objet entre eux d'une concertation suivie et que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que des fautes auraient été commises en ce qui concerne ces modalités. Concernant la surveillance du patient, la Cour considère que compte tenu de l'imprévisibilité de la défenestration de ce patient, nonobstant les craintes du personnel non spécialiste du service de cardiologie, dont témoigne notamment le blocage des fenêtres de la chambre du patient, et du caractère et des moyens de ce service correspondant à un milieu ouvert, où le patient séjournait sans avoir au demeurant fait l'objet d'aucune interdiction de déplacement, il ne peut être reproché à l'hôpital, qui n'était pas tenu d'exercer une surveillance constante de ce patient, aucun défaut de surveillance susceptible d'engager la responsabilité de l’AP-HP. |
Cour Administrative d'Appel de Paris
3 ème chambre
N° 06PA03583
Inédit au recueil Lebon
Mme VETTRAINO, président
Mme FLORENCE MALVASIO, rapporteur
M. JARRIGE, commissaire du gouvernement
BOUZIDI, avocat
Lecture du mercredi 19 novembre 2008
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2006, présentée pour Mme Pierrette X, demeurant ..., M. Gilles X, demeurant ..., M. Damien X, demeurant ..., M. Aurélien X, demeurant ..., M. Romain X, demeurant ..., M. François X, demeurant ..., M. Philippe X, demeurant ..., M. Mathieu X, demeurant ..., Mlle Séverine X, demeurant ..., M. Jérémy X, demeurant ..., Mme Martine X épouse , demeurant ..., Mlle Virginie , demeurant ..., M. Tony , demeurant ..., M. Daniel Serge X, demeurant..., par Me Bouzidi ; Mme X et autres demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0423430/6-3 en date du 25 juillet 2006 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à ce que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris soit condamnée à réparer les préjudices résultant pour eux du décès de leur époux, frère, père et grand-père ;
2°) de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à verser, à titre de dommages et intérêts, à Mme Pierrette X la somme de 50 000 euros, à Mme Martine X, M. Philippe X, M. Gilles X et M. François X la somme de 40 000 euros à chacun, à M. Daniel Serge X la somme de 30 000 euros, à M. Damien X, M. Aurélien X, M. Romain X, M. Mathieu X, Mlle Séverine X, M. Jérémy X, Mlle Virginie et M. Tony la somme de 10 000 euros chacun, en réparation des préjudices résultant pour eux du décès par défenestration de leur époux, frère, père et grand-père ;
3°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 1 362, 25 euros au titre des frais de procédure ainsi que la somme de 6 000 euros au titre l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2008 :
- le rapport de Mme Malvasio, rapporteur,
- les observations de Me Bouzidi, pour Mme X et autres et celles de Me Tsouderos, pour l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris,
- et les conclusions de M. Jarrige, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. Gilbert X, alors âgé de 68 ans, a été hospitalisé le 10 juin 1999 dans le service de cardiologie de l'hôpital ... pour un bilan préopératoire ; qu'après avoir subi le 21 juin une valvulopathie aortique à l'hôpital ..., il a été à nouveau hospitalisé à l'hôpital ... le 30 juin ; que M. X a présenté le 5 juillet un état d'anxiété pour lequel un traitement de Lexomil a été prescrit ; qu'un pacemaker lui a été posé le 13 juillet 1999 à la clinique ..., intervention après laquelle un traitement antidépresseur par Zoloft lui a été administré ; que M. X a été hospitalisé à nouveau dans le service de cardiologie de l'hôpital ... le 21 juillet et que l'Equanil a été substitué au Lexomil pour traiter son état psychologique ; que le service de cardiologie a demandé le jeudi 22 juillet l'avis d'une psychiatre, laquelle, constatant un état dépressif sévère, a prescrit de l'Anafranil et du Largactil ; que l'interne du service de cardiologie, constatant l'absence d'amélioration le vendredi 23 juillet, a sollicité un nouvel avis de la psychiatre ; que cette dernière a convenu le samedi 24 juillet avec le patient et sa famille un transfert vers un service de psychiatrie, l'interne du service de cardiologie ayant par ailleurs fait bloquer les fenêtres de la chambre de M. X ; que l'équipe du service de cardiologie a été informée le lundi 26 juillet 1999 du transfert du patient, le lendemain, vers le service de psychiatrie de l'hôpital ... ; que ce même jour à 10h45 M. X, sorti de sa chambre pour aller prendre une douche, est entré dans le vestiaire des infirmières et s'est défenestré ;
Sur la responsabilité :
Considérant que Mme X et autres font valoir que la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est engagée à raison du suicide de M. X, lequel aurait été causé par une faute médicale concernant le mode d'administration au patient des médicaments antidépresseurs et par des fautes dans l'organisation et le fonctionnement du service public hospitalier résultant des modalités selon lesquelles a été décidé et organisé le transfert de l'intéressé dans un service psychiatrique et du défaut de mesures de précaution et de surveillance prises à l'endroit d'un malade qui présentait un risque suicidaire ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise déposé le 12 avril 2004 par le docteur Z, psychiatre, dans le cadre de la procédure judiciaire engagée par les requérants, que le diagnostic psychiatrique ayant été posé le 22 juillet 1999 et un traitement administré aussitôt, les choix successifs opérés concernant la médication et son mode d'administration étaient conformes aux règles de l'art ; qu'aucune faute médicale ne peut en conséquence être reprochée à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à ce titre ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort par ailleurs du rapport d'expertise que, du fait de l'évolution de l'état psychologique de M. X, qui a présenté un état anxio-dépressif à la suite des lourdes opérations cardio-vasculaires qu'il avait subies, son transfert vers un service de psychiatrie s'imposait ; que l'état du patient étant demeuré stable il n'y avait cependant pas de raison de procéder à ce transfert, décidé le 24 juillet avec l'intéressé et sa famille et organisé le 25, avant le lundi 26 juillet 1999 ; que si M. X a présenté au cours de la nuit du 25 au 26 juillet un état d'agitation et de confusion, il résulte de l'instruction que l'intéressé a été surveillé attentivement par l'infirmière de nuit pendant toute la nuit et que son état paraissait s'être amélioré le matin de son décès ; qu'il ressort en outre des déclarations de l'interne du service de cardiologie qui a soigné M. X, M. A, et de la psychiatre, Mme B, que les modalités du transfert de l'intéressé vers un service spécialisé ont fait l'objet entre eux d'une concertation suivie ; que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que des fautes auraient été commises en ce qui concerne les modalités selon lesquelles a été décidé et organisé le transfert de M. X dans un service de psychiatrie ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que M. X, qui n'avait aucun antécédent psychiatrique mais a présenté une réaction dépressive postopératoire classique, n'a pas manifesté au cours de son séjour à l'hôpital la moindre idée suicidaire malgré son état de désespoir ; que des consignes particulières de surveillance avaient été données et qu'une mesure de précaution avait été prise afin de bloquer les fenêtres de la chambre du patient ; qu'il ressort des déclarations du docteur B, psychiatre, que le passage à l'acte suicidaire était imprévisible de la part de M. X lequel était plutôt inhibé et n'avait pas d'antécédents ni psychiatriques ni suicidaires ; que compte tenu de l'imprévisibilité de la défenestration de M. X, nonobstant les craintes du personnel, non spécialiste, du service de cardiologie, dont témoigne notamment le blocage des fenêtres de la chambre du patient, et du caractère et des moyens de ce service, correspondant à un milieu ouvert, où l'intéressé séjournait sans avoir au demeurant fait l'objet d'aucune interdiction de déplacement, il ne peut être reproché à l'hôpital, lequel n'était pas tenu d'exercer une surveillance constante de M. X, aucun défaut de surveillance susceptible d'engager la responsabilité de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris à réparer le préjudice causé par le suicide de M. X ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;
Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées, de mettre à la charge de Mme X et autres, qui sont la partie perdante, la somme de 1 500 euros au titre des frais engagés par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête Mme X et autres est rejetée.
Article 2 : Mme X et autres verseront à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.