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Cour Administrative d'Appel de Paris, 20 octobre 2004, Epoux X (Frais d'hospitalisation - répétition de l'indu - non)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, enregistrée le 11 avril 2003, la décision en date du 24 mars 2003 par laquelle le Tribunal des conflits déclare la juridiction administrative compétente pour connaître du litige opposant M. et Mme X au CENTRE HOSPITALIER MARC JACQUET, déclare nul et non avenu l'arrêt n° 9601041 de la cour de céans en date du 27 janvier 1998 en tant qu'il a déclaré la juridiction administrative incompétente pour connaître de ce litige et renvoie les parties devant la cour ;

Vu, son arrêt n° 9601041 en date du 27 janvier 1998 annulant le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 12 février 1996 et rejetant la demande de M. et Mme X ;

Vu, enregistrée le 12 avril 1996, la requête présentée pour le CENTRE HOSPITALIER MARC JACQUET, 2 rue Fréteau de Pény à Melun Cedex (77011), par Me Hierholtz, avocat ; le CENTRE HOSPITALIER MARC JACQUET demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 941681 du 12 février 1996 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser aux époux X la somme de 142 880 F au titre de la répétition de l'indu, ainsi que la somme de 10 000 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 6 octobre 2004 :
- le rapport de Mme Pellissier, rapporteur,
- les observations de Me Deroide, avocat, pour M. et Mme X,
- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du Gouvernement ;
et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 12 octobre 2004 pour M. et Mme X ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que suite à l'hospitalisation dans ses services de M. Y du 5 janvier au 12 mai 1987, le CENTRE HOSPITALIER MARC JACQUET de Melun a le 2 février 1988 émis à l'encontre de celui-ci un titre de paiement d'un montant de 133 591, 30 F égal à la totalité des frais engagés ; que ces frais n'ayant pas été pris en charge par l'aide sociale malgré les démarches entreprises, la procédure de recouvrement s'est poursuivie à l'encontre de M. Y ; qu'ainsi, suite au commandement de payer émis le 20 février 1992 à l'encontre de ce dernier, Mme Y-X, sa fille, a adressé le 19 mars 1992 au service chargé du recouvrement un chèque postal de 10 000 F ; que suite à un dernier avis avant ouverture des portes en date du 17 décembre 1992, Mme Y-X a déposé le 23 décembre 1992 un second chèque postal de 10 000 F ; qu'enfin, à l'annonce d'une saisie le 9 février 1993, elle s'est présentée, le 8 février 1993, au service chargé du recouvrement pour y régler la totalité de la somme restant réclamée à son père, soit 118 873 F y compris les frais de recouvrement ; que par le jugement litigieux du 12 février 1996, le Tribunal administratif de Versailles, saisi le 5 avril 1994 par les époux X, a condamné le CENTRE HOSPITALIER MARC JACQUET à payer à ceux-ci une somme de 142 880 F avec intérêts, au motif que les paiements qu'ils avaient effectués étaient indus et qu'ils avaient droit à la restitution des sommes versées ;

Considérant que saisie d'un appel par le CENTRE HOSPITALIER MARC JACQUET, la cour, par un arrêt en date du 27 janvier 1998, a, d'une part rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de la demande des époux X fondées sur la répétition de l'indu qu'elle a analysées comme portant sur l'étendue de l'action récursoire de l'hôpital à leur égard en leur qualité d'obligés alimentaires, d'autre part rejeté les conclusions des époux X fondées sur la faute qu'auraient commise le centre hospitalier et l'Etat ; que par arrêt en date du 24 mars 2003, le tribunal des conflits, saisi après que le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Melun lui a renvoyé le soin de décider sur la question de compétence, a déclaré la juridiction administrative compétente pour connaître des conclusions en répétition de l'indu présentées devant le tribunal administratif par les époux X, en conséquence dit nul et non avenu l'arrêt du 27 janvier 1998 en tant qu'il déclarait la juridiction administrative incompétente pour connaître de ces conclusions, puis renvoyé, dans cette limite, la cause et les parties devant la cour ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, faute d'avoir été remis en cause par le tribunal des conflits ou d'avoir été frappé d'un pourvoi en cassation, l'arrêt en date du 27 janvier 1998 est devenu définitif en tant qu'il rejette les conclusions de la demande des époux X fondées sur la faute ;

Sur l'action en répétition de l'indu :

Sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la demande de première instance ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1376 du code civil : Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu et qu'aux termes de l'article 1377 du même code : Lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier./ Néanmoins, ce droit cesse lorsque le créancier a supprimé son titre par suite du paiement, sauf le recours de celui qui a payé contre le véritable débiteur ;

Considérant en premier lieu qu'il n'est pas contesté que la somme perçue par l'hôpital de Melun à l'occasion des paiements litigieux correspondait aux frais de séjour de M. Y dans ses services et dès lors lui était due ; qu'ainsi l'hôpital n'avait pas d'obligation de restitution au titre du principe énoncé par l'article 1376 du code civil ;

Considérant en second lieu qu'en l'absence de demande de l'hôpital à leur encontre en application de l'article L. 714-38 du code de la santé publique, les époux X ont acquitté une somme qu'ils ne devaient pas ; que s'ils font valoir qu'ils ont effectué ce paiement par erreur car ils y ont été contraints par l'administration, notamment suite à une menace de saisie à leur domicile, et se croyaient à tort débiteurs, en vertu de leur obligation alimentaire, de la dette de leur père et beau-père, il résulte de l'instruction que l'administration n'a jamais poursuivi les époux X ni même invoqué leur obligation alimentaire ; que d'ailleurs si Mme X a accompli de 1988 à 1993, notamment par l'intermédiaire d'un avocat, de nombreuses démarches pour le compte de son père, elle ne s'y est pas méprise sur le fait que seul celui-ci était redevable des sommes demandées ; qu'enfin la circonstance que les actes de poursuite, et notamment les menaces de saisie, ont été adressés à M. Y au domicile parisien de sa fille, alors qu'il résidait habituellement en maison de retraite dans la Seine-et-Marne, résulte de ce qu'il s'agissait de l'adresse qu'il avait lui-même fournie à l'administration ; qu'ainsi il ne résulte pas de l'instruction que le paiement par les époux X d'une dette de leur père et beau-père résulte d'une erreur ; que dès lors, alors surtout que l'hôpital avait mis fin aux poursuites suite à un paiement que l'article 1236 du code civil lui interdisait de refuser, ils n'étaient pas fondés à demander à cet établissement, en application du principe posé par l'article 1377 du code civil, de leur rembourser les sommes versées pour acquitter la dette de M. Y ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le droit à répétition de l'indu pour condamner le CENTRE HOSPITALIER MARC JACQUET à verser aux époux X, outre 10 000 F au titre des frais de procédure, une somme de 142 880 F avec intérêts à compter du 10 janvier 1996 ; que s'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Versailles, ceux-ci ont été rejetés par l'arrêt du 12 janvier 1998 précité, devenu définitif sur ce point ; que dès lors, d'une part le CENTRE HOSPITALIER MARC JACQUET est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles l'a condamné, d'autre part la demande de première instance des époux X ne peut qu'être rejetée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui se substitue à compter du 1er janvier 2001 à l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que le CENTRE HOSPITALIER MARC JACQUET, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser aux époux X les sommes qu'ils demandent au titre des frais de procédure qu'ils ont exposés tant en première instance qu'en appel ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner les époux X à verser au CENTRE HOSPITALIER MARC JACQUET la somme qu'il demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Décide :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles en date du 12 février 1996 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X devant le tribunal administratif et les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.