Mme C, âgée de 65 ans, a reçu en avril 2001 un traitement par irradiation par photon-thérapie dans le service de radiothérapie de l’hôpital X à la suite d’un diagnostic de méningiome du sinus caverneux gauche. La patiente a accepté de suivre ce traitement après avoir refusé un premier traitement par radiochirurgie dit « gamma knife » en raison du risque de perte définitive du reliquat visuel gauche.
Ayant constaté quatre années plus tard une surdité partielle droite et une nette diminution de son audition gauche qu’elle a attribuées aux irradiations pratiquées en 2001 à l’hôpital X, Mme C a saisi le Tribunal administratif de Paris en vue d’obtenir une condamnation de l’AP-HP à lui verser les deux tiers de la somme de 211 543,90 euros en réparation de son préjudice résultant de la perte de chance de refuser ce traitement.
Par un jugement du 19 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de Mme C. Cette dernière a interjeté appel de ce jugement et a demandé à la Cour administrative d’appel de Paris de condamner l’AP-HP à lui verser : à titre principal, la somme de 290 663,28 euros correspondant aux divers préjudices subis qu’elle estime causés par une faute technique de l’hôpital dans le choix thérapeutique ; à titre subsidiaire, la somme de 193 775,52 euros correspondant aux deux tiers de la somme sollicitée à titre principal, et réparant le préjudice de perte de chance résultant du défaut d’information des médecins du risque de surdité après les irradiations ; à titre infiniment subsidiaire, la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice d’impréparation résultant du défaut d’information. Enfin, Mme C demande à ce que son préjudice, résultant d'un aléa thérapeutique, soit indemnisé sur le fondement de la responsabilité sans faute de l’AP-HP.
Sur la responsabilité de l’AP-HP pour défaut d’information : la Cour apprécie la réparation de deux types de préjudices :
- Sur le préjudice de perte de chance : Les médecins sont tenus à une obligation légale d’information envers les patients sur l’ensemble des risques associés aux traitements et aux soins qu’ils leurs proposent. La Cour précise qu’un manquement à cette obligation n’engage la responsabilité de l’hôpital au titre du préjudice de la perte de chance uniquement dans la mesure où il a privé le patient de la possibilité de se soustraire au risque lié à l’intervention.
Selon le rapport d’expertise, l’indication thérapeutique en l’espèce était formelle dans la mesure où la progression du méningiome de Mme C, en l’absence de tout traitement, devait entrainer, à terme, de graves conséquences qui auraient revêtu un caractère irréversible. De plus, toute intervention chirurgicale était exclue en raison de risques hémorragiques, et il n’existait aucune autre alternative thérapeutique possible excepté le premier traitement proposé à la patiente qui l’a refusé.
De ces constatations, la Cour en a déduit que « le défaut d’information n’a pas été dans les circonstances de l’espèce de nature à faire perdre à l’intéressée une chance d’éviter le dommage subi dans la mesure où elle ne disposait pas d’une possibilité raisonnable de refus. »
- Sur le préjudice d’impréparation : Indépendamment de la perte de chance, en cas de manquement des médecins à leur obligation d’information des risques attachés aux soins, le patient peut obtenir réparation du préjudice d’impréparation, c’est-à-dire « des troubles qu’il a subis du fait qu’il n’a pas pu se préparer à cette éventualité », dès lors que ces risques se sont effectivement réalisés. La Cour rappelle qu’au titre de la preuve, la souffrance morale du patient lorsqu’il découvre, sans y avoir été préparé, les conséquences de l’intervention doit être présumée.
Après avoir admis l’existence d’un tel préjudice en l’espèce, la Cour a retenu la responsabilité de l’AP-HP pour défaut d’information ayant causé un préjudice d’impréparation à Mme C, et a fixé l’indemnité à la somme de 3000 euros.
Sur la responsabilité de l’AP-HP pour faute technique : La Cour considère que l’AP-HP n’a commis aucune faute technique dans le choix du traitement par irradiation par photon-thérapie, dont l’indication « formelle et concordante (…) s’est imposée en accord avec les données acquises de la science de l’époque ». De plus, le refus de la patiente à un premier traitement qui lui avait été proposé et l’absence d’autres alternatives thérapeutiques possibles ont corroboré l’absence de faute de l’hôpital dans le choix thérapeutique.
Sur la responsabilité sans faute de l’AP-HP : La Cour précise que les soins de Mme C ayant été dispensés avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, ce sont les principes antérieurement en vigueur à cette loi en matière d’indemnisation de l’aléa médical qui s’appliquent en l’espèce. Ainsi, la situation de la patiente relève « des principes selon lesquels lorsqu’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l’existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état ».
La Cour ayant retenu du rapport d’expertise que le risque de surdité liée au traitement suivi par Mme C ne présentait pas un caractère exceptionnel et avait pu être majoré par l’état antérieur de celle-ci qui souffrait déjà de troubles de l’audition, elle en déduit que la responsabilité de l’AP-HP au titre de d’un aléa thérapeutique n’est pas engagée.