Un médecin de centre de santé a rédigé une ordonnance pour un patient souffrant d’une tuberculose oculaire dans les termes suivants : « faire pratiquer un scanner thoraco-abdominal de contrôle dans le cadre d'un suivi d'une TB oculaire à 2 mois du traitement ». Le 2 décembre 2011, le patient a fait l'objet d’un scanner ainsi prescrit au sein d’un service de radiologie du centre hospitalier universitaire. Le compte rendu de cet examen mentionne notamment : " TDM Toraco-abdomino-pelvien. Motif : suivi d'une tumeur bénigne oculaire à deux mois de traitement ". Le patient demande réparation de son préjudice moral résultant de l’erreur commise lors de la consultation du service de radiologie. La Cour administrative d’appel de Paris juge que bien que l’erreur d’interprétation commise par les médecins n’ait eu aucune incidence sur l’examen pratique, ladite erreur « constitue une faute de nature à engager la responsabilité du [CHU]). Toutefois, eu égard à la signification qui n'est pas univoque de ladite abréviation dans le milieu médical, et même s'il appartenait, dans le doute, aux médecins radiologues du centre hospitalier universitaire (…)de demander des éclaircissements au médecin rédacteur de l'ordonnance, la responsabilité de l'erreur ainsi commise doit être partagée pour moitié entre le [CHU] et le médecin qui a utilisé une abréviation peu usuelle et équivoque, même pour des confrères, dans son ordonnance du 17 novembre 2011 ». |
Cour administrative d'appel de Paris
N° 14PA02665
8ème chambre
M. LAPOUZADE, président
M. Ivan LUBEN, rapporteur
M. SORIN, rapporteur public
TSOUDEROS, avocat
lecture du lundi 5 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. X. a demandé au Tribunal administratif de Melun de condamner le CHU Y. à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral résultant de la faute commise à l'occasion de la consultation du service de radiologie du centre hospitalier universitaire Z (relevant du CHU Y.).
Par un jugement n° 1204547/1 du 28 mars 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 16 juin 2014 et le 18 septembre 2014, M. X. représenté par Me Jesus Ferreira, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1204547/1 du 28 mars 2014 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner le CHU Y. à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral résultant de la faute commise à l'occasion de la consultation du service de radiologie du centre hospitalier universitaire Z. ;
3°) de mettre à la charge de le CHU Y. le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il a subi un préjudice moral lié à l'erreur fautive qui avait été commise lors de la rédaction du compte rendu de l'examen scanner qui avait été pratiqué le 2 décembre 2011 dans le service de radiologie du centre hospitalier universitaire Z ; le fait de lui avoir annoncé qu'il était atteint d'une tumeur bénigne oculaire, alors qu'il souffrait d'une tuberculose oculaire, a été la cause d'une grande inquiétude de sa part quant à son état de santé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2014, le CHU Y. , représenté par Me Tsouderos, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 000 euros soit mis à la charge de M. X. sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable faute d'avoir indiqué le domicile du requérant, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les moyens soulevés par M. X. ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 3 octobre 2014, l'assurance maladie du Val-de-Marne a informé la Cour qu'elle n'avait aucune créance à faire valoir dans le présent litige et qu'en conséquence elle n'interviendrait pas à l'instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- les conclusions de M Sorin, rapporteur public,
- et les observations de Me Jésus Ferreira pour M.X. .
Considérant ce qui suit :
Sur la responsabilité de le CHU Y. , et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU Y. :
1. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
2. Il résulte de l'instruction que le 17 novembre 2011, un médecin du centre de santé de la direction de l'action sociale, de l'enfance et de la santé du département de Paris a rédigé une ordonnance concernant M. X., qui souffrait d'une tuberculose oculaire, dont les termes étaient les suivants : " faire pratiquer un scanner thoraco-abdominal de contrôle dans le cadre d'un suivi d'une TB oculaire à 2 mois du traitement ". Le 2 décembre 2011, M. X. a fait l'objet de l'examen scanner ainsi prescrit dans le service de radiologie du centre hospitalier universitaire Z. . Le compte rendu de cet examen mentionne notamment : " TDM Toraco-abdomino-pelvien. Motif : suivi d'une tumeur bénigne oculaire à deux mois de traitement ".
3. L'erreur d'interprétation commise par les médecins radiologues du centre hospitalier universitaire de Z. quant à l'interprétation de l'abréviation " TB " portée sur l'ordonnance du 17 novembre 2011, bien qu'elle n'ait eu aucune conséquence sur l'examen scanner qui a été pratiqué le 2 décembre 2011, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de le CHU Y. . Toutefois, eu égard à la signification qui n'est pas univoque de ladite abréviation dans le milieu médical, et même s'il appartenait, dans le doute, aux médecins radiologues du centre hospitalier universitaire Z. de demander des éclaircissements au médecin rédacteur de l'ordonnance, la responsabilité de l'erreur ainsi commise doit être partagée pour moitié entre le CHU Y. et le médecin qui a utilisé une abréviation peu usuelle et équivoque, même pour des confrères, dans son ordonnance du 17 novembre 2011.
Sur le préjudice moral :
4. M. X. soutient que ladite mention erronée portée sur le compte-rendu de cet examen scanner du 2 décembre 2011 indiquant qu'il était atteint d'une tumeur bénigne oculaire, alors qu'il souffrait en réalité d'une tuberculose oculaire, a été la cause d'une grande inquiétude de sa part quant à son état de santé.
5. Toutefois, il résulte de l'instruction que, d'une part, M. X. savait, avant ledit examen scanner du 2 décembre 2011, qu'il était atteint d'une tuberculose oculaire, pour laquelle il suivait un traitement et pour le suivi de laquelle il avait été adressé pour examen au centre hospitalier universitaire de Z. L'examen radiologique qu'il y a subi n'a concerné que le thorax, l'abdomen et le pelvis, comme il est explicitement indiqué dans l'ordonnance du 17 novembre 2011. Par conséquent, même sans posséder aucune connaissance médicale, M. X. n'a pas pu croire, à la seule lecture du compte-rendu dudit examen, qu'une tumeur bénigne oculaire avait été alors diagnostiquée, contrairement à ce qu'il soutient. D'autre part, des éclaircissements lui ont été apportés tant par son médecin traitant très peu de temps après l'examen du 2 décembre 2011, comme il l'indique lui-même, que par le chef du service de radiographie générale du centre hospitalier universitaire de Z. le 4 janvier 2012, et la mention erronée portée sur le compte rendu de l'examen du 2 décembre 2011 a alors été corrigée. Enfin, l'adjectif " bénigne ", qualifiant la tumeur oculaire, aurait dû ôter toute inquiétude à M. X. quant à son état de santé. Par suite, comme l'ont à bon droit estimé les premiers juges, M. X. n'est pas fondé à soutenir que l'erreur d'interprétation commise dans le service de radiographie générale du centre hospitalier universitaire Z. a été de nature à lui causer un préjudice moral.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. X. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 mars 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de le CHU Y. les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. X. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le CHU Y. et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. X. , au CHU Y. et à la caisse primaire d'assurance maladie Z.