Par cet arrêt, la Cour administrative d’appel de Paris a retenu un défaut d’information et de consentement à l’encontre de l’AP-HP, lesquels constituent une faute de nature à engager sa responsabilité. Elle a en effet considéré que l’atteinte qui a été portée à l’intégrité corporelle de la patiente sans que celle-ci y ait donné son consentement éclairé est, en elle-même, consécutive d’une faute, quand bien même l’utilité du geste chirurgical serait avérée et qu’aucune conséquence physiologique dommageable ne serait établie. |
LA COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE PARIS
Mme A G
Mme Stahlberger Président
M. Luben Rapporteur
Mme Desticourt
Commissaire du gouvernement
Audience du 24 novembre 2008 Lecture du 8 décembre 2008
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La Cour administrative d'appel de Paris
(8 Chambre)
Vu la requête, enregistrée le 29 janvier 2008, présentée pour Mme A épouse G, demeurant……………., demeurant dont le siège, par Me O ; Mme A épouse G demande à la cour
1°) d'annuler le jugement n° 0313048/6-1 en date du 12 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit jugé que la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris était engagée à raison des fautes médicales commises â l'occasion de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 14 octobre 1998 à l'hôpital Bichat
2') de faire droit â sa demande de première instance et de condamner l'Assistance publique - hôpitaux de Paris â lui verser la somme 'de 20 000 euros au titre de l'indemnisation des préjudices matériels et moraux subis ;
Mme A épouse G soutient qu'en retenant que l'Assistance publique -hôpitaux de Paris avait commis une faute en ne l'informant pas tout en retenant l'absence de faute de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que les articles 1111-3 et L. 1111-4 du code de la santé publique et l'article 35 du code de déontologie médicale ont été méconnus ; que le défaut d'information fautif lui a été préjudiciable dans la mesure où elle n'a pas été mise en mesure d'évaluer la gravité de la situation ni même la nature de l'opération pratiquée ; que, s'agissant du préjudice moral, l'expert ne pouvait se prononcer sur les raisons des troubles subis par la requérante dans sa vie personnelle et ne pouvait se considérer juge du préjudice moral subi par cette dernière ; que c'est â tort que les premiers juges ont retenu que l'opération n'était pas la cause des douleurs subies par la requérante
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 29 novembre 2007, accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme A épouse G ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2008, présenté pour l'Assistance publique - hôpitaux de Paris par Me Tsouderos ; l'Assistance publique - hôpitaux de Paris conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que Mme A épouse G lui verse une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que les conclusions indemnitaires de la requérante, qui n'avait formé devant le tribunal administratif aucune conclusion chiffrée, sont irrecevables car nouvelles en cause d'appel ; à tare subsidiaire, que les premiers juges n'ont pas entaché leur décision d'une erreur de droit ; qu'à supposer que le défaut d'information relative aux risques comportés par l'intervention chirurgicale soit avéré, cette circonstance n'était pas de nature, à elle-seule, à engager la responsabilité du service public hospitalier ; que le défaut d'information n'est à l'origine d'aucun préjudice lorsque l'acte médical n'a été à l'origine d'aucune complication et que les troubles invoqués n'apparaissent pas résulter dudit acte médical ; qu'en l'espèce, l'intervention du 14 octobre 1998 n'a été la cause d'aucun préjudice ; qu'il a été proposé à la requérante une cœlioscopie à visée diagnostique et éventuellement thérapeutique ; qu'il est invraisemblable de soutenir que le praticien aurait évoqué l'éventualité de l'ablation des myomes et non de la trompe atteinte de lésions ; qu'à supposer avéré le défaut d'information allégué quant à la nature de acte chirurgical proposé, il n'a pu être à l'origine d'aucun préjudice indemnisable, dans la mesure où la salpingectcbrnie était indiquée pour remédier aux problèmes de fertilité présentés par la requérante ; qu'à titre subsidiaire, il conviendra de ramener le montant des demandes à de plus justes proportions
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 mai 2008, présenté pour Mme A épouse G et tendant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens, et en outre par le moyen que la fin de non-recevoir opposée par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris devra être rejetée, celle-ci ayant conclu au fond, dans le cadre de la procédure devant le tribunal administratif, au rejet de la requête sans évoquer l'absence de chiffrage ; que le fait que la requérante n'ait pas chiffré sa demande est sans incidence dés lors qu'elle peut la régulariser â tout moment ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code de la santé publique ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 novembre 2008 - le rapport de M. Luben, rapporteur,
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si Mme G n'avait ni expressément chiffré ses conclusions indemnitaires, ni réservé le chiffrage desdites conclusions au dépôt du rapport de l'expert médical, ni, celui-ci ayant été déposé au greffe du tribunal administratif le H juin 2005, chiffré alors ses conclusions, elle avait toutefois, dans l'instance de référé-expertise. demandé la condamnation de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à lui verser « la somme provisionnelle de 20 000 euros à faire valoir sur la réparation de son préjudice » ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, les conclusions indemnitaires de la requérante ne sont pas nouvelles en cause d'appel et ainsi irrecevables ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris doit être écartée ;
Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que les premiers juges ont simultanément retenu que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris avait commis une faute en n'informant pas la patiente sur la nature de l'acte chirurgical qui a été pratiqué et l'absence de faute dans la réalisation de celui-ci, doit être regardé comme ayant trait à la régularité du jugement attaqué ; que les premiers juges ont pu, à bon droit, retenir, dans un premier temps de leur raisonnement, que le défaut d'information et de consentement de la patiente à la satpingectomie qui a été pratiquée était constitutif d'une faute susceptible d'engager la responsabilité du service public hospitalier et, dans tin deuxième temps, juger que la faute ainsi commise ne présentait pas un lien de causalité directe avec les préjudices invoqués par la requérante pour rejeter la demande d'indemnisation ; qu'il s'en suit que Mme G n'est pas fondée a soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une contradiction dans ses motifs ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des termes du rapport d'expertise déposé devant le tribunal administratif le 8 juin 2005 que Mme G, au titre de ses doléances avait indiqué lors de l'expertise que « son mari avait quittée en raison d'une grosse mésentente sexuelle depuis l'exploration » ; que, dès lors, l'expert médical, en indiquant dans son rapport qu'il n'y avait pas de lien de causalité entre l'intervention chirurgicale en cause et ladite séparation, s'est borné à répondre, de manière technique, à la doléance formulée par la requérante, sans excéder les ternies de la mission qui lui avait été confiée par l'ordonnance du 15 octobre 2003 par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris et sans s'instituer juge du préjudice moral, comme le soutient à tort la requérante ; que, par suite, la procédure d'expertise et, par voie de conséquence, le jugement attaqué ne sont pas entachés d'irrégularité ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que, d'une part, l'intervention du 14 octobre 1998 était indiqué, la salpingectornie droite qui a été pratiquée étant notamment justifiée, comme cela a été ultérieurement confirmé par l'histologie de la pièce opératoire ; que la trompe gauche, qui était en moins mauvais état, a été conservée ; que la circonstance que, lors de l'intervention chirurgicale, il n'a pas été procédé à l'enlèvement des deux petits fibromes, comme cela avait été initialement envisagé, ne saurait être regardée comme fautive eu égard à leur volume très modéré et leur absence de retentissement sur la cavité endorneiriale, et par conséquent sur la fertilité et sur l'état de la patiente ; que, d'autre part, la salpingectornie droite effectuée ne pouvait être retenue comme cause de la stérilité de la patiente, celle-ci résultant probablement d'une infection génitale à
chlamydiae insidieuse et de diagnostic tardif en 1989 qui avait provoqué une grave altération des trompes ; que ce diagnostic de stérilité secondaire avait été posé antérieurement à l'intervention chirurgicale litigieuse, notamment lors de cœlioscopies réalisées en 1991 et 1994 confirmant les adhérences péritonéales et annexielles puis à la suite d'une hystérographie réalisée le 18 mai 1998 à l'hôpital Bichat ; qu'au surplus, non seulement la salpingectomie droite pratiquée le 14 octobre 1998 n'a pas compromis les chances de grossesse de Mme G, mais elle était indiquée dans l'hypothèse d'une éventuelle fécondation in vitro ultérieure, les chances de réussite d'une telle fécondation étant accrues lorsque l'ablation des foyers infectieux est effectuée ; qu'enfin, il ne résulte pas de l'instruction que ni les douleurs que la requérante allègue ressentir depuis l'intervention du 14 octobre 1998 ni les perturbations de sa vie sexuelle et conjugale aient été causées par la salpingectomie droite en cause que, dés lors, la requérante ne saurait rechercher la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris sur le fondement de la faute médicale ;
Considérant, en revanche, qu'il résulte de l'instruction que l'Assistance publique - hôpitaux de Paris n'établit pas que Mme G a été informée que !a cœlioscopie de bilan réalisée le 14 octobre 1998 â l'hôpital Bichat avant une éventuelle fécondation in vitro, outre une visée diagnostique et pronostique, pouvait également avoir un but thérapeutique et qu'une salpingectomie pouvait, le cas échéant, au regard de r état des trompes, être effectuée ni, a fortiori, que la patiente a donné son consentement éclairé à cette ablation ; qu'un tel défaut d'information et de consentement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris, comme l'ont justement relevé les premiers juges ;
Considérant que l'atteinte qui a ainsi été portée à l'intégrité corporelle de Mme G sans que celle-ci y ait donné son consentement éclairé est, en elle-même, constitutive d'une faute, quand bien même l'utilité du geste chirurgical serait avérée et qu'aucune conséquence physiologique dommageable ne serait établie ; qu'il s'en suit que la responsabilité de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris est engagée de ce seul fait à l'égard de Mme G ; que le jugement attaqué doit être annulé ;
Considérant, comme il a été dit, que l'atteinte portée à l'intégrité corporelle de Mme G sans qu'elle y ait consenti est constitutive d'une faute ; qu'il résulte de l'instruction que ladite faute a causé â la patiente un préjudice moral ; qu'il sera fait une juste appréciation dudit préjudice subi par Mme G en condamnant l'Assistance publique -hôpitaux de Paris â lui verser une indemnité de 5 000 euros
Sur l’application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés â l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris doivent dès lors être rejetées
Article 1er ; Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 12 juin 2007 est annulé.
Article 2 ; L'Assistance publique - hôpitaux de Paris est condamnée à verser à Mme G la somme de cinq mille euros (51)00 euros).
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme G et les conclusions de l'Assistance publique - hôpitaux de Paris tendant à la condamnation de Mme A épouse G au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetés.
Article 4 Le présent arrêt sera notifié à Mme A épouse G et à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris. Copie en sera adressée au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2008 à laquelle siégeaient :
Mme Stahlberger. président-assesseur, M. Privesse, premier conseiller,
M. Luben, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 8 décembre 2008.
La République mande et ordonne au ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.