Mme X demandait l'annulation de décisions administratives qui rejetaient sa demande de communication de documents et d'informations concernant le donneur de gamètes à l'origine de sa conception. Un jugement du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête le 14 juin 2012. La Couradministrative d'appel de Versailles fait de même en rappelant notamment que « s'agissant de l'accès aux données non identifiantes de nature médicale sur le donneur, il résulte des dispositions précitées que le législateur, pour assurer la protection de la santé des personnes issues d'un don de gamètes, tout en garantissant le respect des droits et libertés d'autrui, a entendu également l'interdire, sous réserve des seules dérogations à cette interdiction, prévues aux articles L. 1131-1-2 et L. 1244-6 du code de la santé publique ; que, si la plupart de ces données médicales ne sont accessibles qu'au médecin et non à la personne elle-même, la conciliation des intérêts en cause ainsi opérée et la différence de traitement entre le médecin et toute autre personne relèvent de la marge d'appréciation que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales réservent au législateur national, eu égard notamment aux inconvénients que présenterait la transmission de ces données aux intéressés eux-mêmes par rapport aux objectifs de protection de la santé, de préservation de la vie privée et de secret médical ; que, par suite, les règles d'accès aux données non identifiantes de nature médicale fixées par le code de la santé publique et le code civil ne sont pas, en l'état des connaissances médicales et des nécessités thérapeutiques, incompatibles avec les stipulations de l'article 8 de cette convention (…) ». . |
COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE VERSAILLES
N° 12VE02857 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
Mlle X
M. Soumet AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
M. Formery
Rapporteur La Cour administrative d'appel de Versailles
Mme Dioux-Moebs
Rapporteur public 1ère Chambre
Audience du 18 juin 2013Lecture du 2 juillet 2013
Code PCJA : 26-06-01-02-02Code Lebon : C +
Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2012, et le mémoire complémentaire enregistré le 13 février 2013, présentés pour Mlle X demeurant (…) , par Me Duverneuil, avocat ;
Mlle X demande à la Cour :
- d'annuler le jugement n° 1009924 du 14 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 25 juillet 2010 par lesquelles le centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) X, le centre hospitalier universitaire Y et le groupe hospitalier universitaire Z, et par leur intermédiaire l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), ont implicitement rejeté ses demandes tendant à la communication de documents et d'informations concernant le donneur de gamètes à l'origine de sa conception ;
- d'enjoindre au CECOS X, au CHU Y, au GHU Z et à l'APHP de lui communiquer dans un délai d'un mois, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, le nom du donneur de gamètes à l'origine de sa conception, après avoir contacté celui-ci et sous réserve d'avoir recueilli son accord quant à la divulgation de cette information, les données non identifiantes relatives au donneur, en particulier, son âge à ce jour et au moment du don ou son éventuel décès, sa situation professionnelle et familiale au moment du don, sa description physique, les motivations de son don, des données non identifiantes de nature médicale relatives au donneur comme ses antécédents médicaux personnels et familiaux, après avoir pris contact avec ce dernier et l'avoir interrogé sur les pathologies survenues dans sa famille ou le concernant directement, le nombre de personnes conçues à partir de gamètes du même donneur qu'elle, tout support d'information lui
permettant de savoir si son frère Y est ou non issu des gamètes du même donneur, ou, à titre subsidiaire, pour les informations couvertes par le secret médical, d'enjoindre aux défendeurs d'interroger le dormeur à l'origine de sa conception sur le souhait de ce dernier de lever ou non le secret médical à son profit ou de lui transmettre les informations demandées par l'intermédiaire du docteur Z, psychiatre ;
- de condamner l'AP-HP à lui verser, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, les sommes de 50 000 euros au titre du préjudice moral, de 30 000 euros au titre du préjudice médical et de 20 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence ;
- de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le tribunal administratif a rejeté à tort une partie de ses conclusions comme irrecevables ; que le jugement est entaché d'une erreur de droit ; qu'il n'a pas tenu compte du droit de se marier de la requérante ; qu'il n'a pas apprécié in concreto la situation de Mlle X au regard de la convention européenne, ni la nécessité thérapeutique qu'elle invoquait ; que les dispositions de l'article 511-10 du code pénal, de l'article 16-8 du code civil, des articles L. 1273-3, L. 1211-5, L. 1244-6 et R. 1244-5 du code de la santé publique et du II de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, dont il a été fait application, sont incompatibles avec les stipulations des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles des articles 7-1 et 8 de la convention internationale des droits de l'enfant et celles des articles 3, 7, 21-1 et 24 de la charte des droits fondamentaux ; que le principe de l'interdit de l'inceste, qui fonde l'interdiction du mariage entre personnes de la même famille, ainsi que l'interdiction de faire reconnaître la filiation d'un enfant né d'une telle union, a été méconnu ; qu'il n'existe aucun texte de droit positif justifiant le refus de communiquer à une personne conçue par insémination artificielle, des informations non identifiantes concernant le donneur à l'exception des informations de nature médicale le concernant dont la communication est prévue au bénéfice de son médecin dans certaines conditions ; qu'aucun texte n'interdit d'informer une personne ainsi conçue du point de savoir si son frère est ou non issu du même donneur ; que les décisions attaquées sont contraires aux dispositions relatives aux archives publiques mentionnées au III de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 et à l'article L. 213-2 du code du patrimoine ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2013, présenté pour l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, par Me Holleaux, qui conclut au rejet de la requête ;
L'Assistance publique-hôpitaux de Paris soutient que les modalités de communication à un tiers du dossier médical d'une personne sont strictement encadrées et que la requérante n'entre dans aucune des catégories de tiers prévues par la loi ; que les dispositions relatives au don d'un élément ou d'un produit du corps humain comme les gamètes et notamment l'article 16-8 du code civil et les articles L. 1244-6 et R. 1244-5 du code de la santé publique garantissent l'anonymat du donneur ; que les dispositions de l'article 511-10 du code pénal prohibent la divulgation desdites informations ; qu'il ne lui appartient pas d'opérer un contrôle de conformité de la législation française sur l'anonymat des dons de gamètes avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
que la communication à l'intéressée de la fiche dite « de traçabilité » du donneur qui comporte des éléments médicaux de nature à permettre par recoupement l'identification de ce dernier ainsi que de tiers serait contraire aux dispositions des articles 9 et 16-8 du code civil età celles de la loi du 17 juillet 1978 ; que la communication d'information sur un éventuel lien de filiation partagé entre la requérante et son frère serait contraire à l'article 311-19 du codé civil ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 3 mai 2013, présenté pour Mlle X, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu le code civil ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures
d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l'application de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 18 juin 2013 :
le rapport de M. Formery, président assesseur,
- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,
- et les observations de Me Molénat, pour Mlle X, et de Me Bizeau, pour l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) ;
- Considérant que Mlle X a, par lettre du 22 février 2010, demandé au centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) X de lui communiquer plusieurs documents contenant des informations sur les origines de sa conception par insémination artificielle avec donneur de gamètes ; que cette demande a été implicitement rejetée ; que l'intéressée a saisi, par lettre du 21 mai 2010, la commission d'accès aux documents administratifs, laquelle a rendu, le 27 juillet suivant, un avis défavorable à la communication sollicitée, à l'exception des pièces relatives à la démarche des parents de l'intéressée ; que Mlle X demande l'annulation du jugement du 14 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le CECOS X et l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), ont implicitement rejeté ses demandes tendant à la communication de documents et d'informations concernant le donneur de gamètes à l'origine de sa conception, et à la condamnation de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à lui verser des indemnités à hauteur de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
- Considérant qu'aux termes des dispositions du 4é'ne alinéa de l'article 2 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, « Lorsqu'une administration mentionnée à l'article 1 e1' est saisie d'une demande de communication portant sur un document administratif qu'elle ne détient pas mais qui est détenu par une autre administration mentionnée au même article, elle la transmet à cette dernière et en avise l'intéressé » ;
- Considérant que, si la requérante soutient que le tribunal administratif a déclaré à tort irrecevables ses conclusions dirigées contre les décisions implicites qu'auraient prises le centre hospitalier universitaire (CHU)Y et le groupe hospitalier universitaire (GHU)Z, il est constant que ces deux établissements hospitaliers n'ont été saisis par Mlle X que d'une copie de la demande que celle-ci avait adressée au centre d'études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) X ; que lesdits établissements, qui n'étaient pas directement saisis d'une demande de communication au sens des dispositions précitées, n'étaient pas soumis à l'obligation de transmission qu'elles prévoient ; que, dans ces conditions, les juges de première instance ont pu estimer, à bon droit, que le centre hospitalier universitaire (CHU) Y et le groupe hospitalier universitaire (GHU) Z n'avaient pris aucune décision implicite susceptible d'être attaquée devant le juge de l'excès de pouvoir ; que la requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité ;
Sur la légalité des décisions attaquées au regard du droit interne :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 2 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, « Sous réserve des dispositions de l'article 6, les autorités mentionnées à l'article 1 er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) » ; qu'aux termes de l'article 6 de la même loi, «I.- Ne sont pas communicables : / 2° Les (..) documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : h) (..) aux (..) secrets protégés par la loi. ; / II. - Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs /- dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle , /- portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable , /- faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. / Les informations à caractère médical sont communiquées à l'intéressé, selon son choix, directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'il désigne à cet effet, dans le respect des dispositions de l'article L. 1111-7 du code de la santé publique » ;
5. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 16-8 du code civil énonçant certains des principes fondamentaux de la bioéthique, « Aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur ni le receveur celle du donneur. / En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l'identification de ceux-ci » ;
qu'aux termes de l'article L. 511-10 du code pénal, «Le fait de divulguer une information permettant à la fois d'identer une personne ou un couple qui a fait don de gamètes et le couple qui les a reçus est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende » ;
qu'aux termes des dispositions de l'article L. 1211-5 du code de la santé publique, «Le donneur ne peut connaître l'identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. Aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don d'un élément ou d'un produit de son corps et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée. / Il ne peut être dérogé à ce principe d'anonymat qu'en cas de nécessité thérapeutique » ; qu'aux termes de l'article L. 1273-3 du même code, « Comme il est dit à l'article 511-10 du code pénal ci-après reproduit : « Le fait de divulguer une information permettant à la fois d'identifier une personne ou un couple qui a fait don de gamètes et le couple qui les a reçus est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende » ; qu'aux termes de l'article L. 1244-6 du même code, «Les organismes et établissements autorisés dans les conditions prévues à l'article L. 2142-1 fournissent aux autorités sanitaires les informations utiles relatives aux donneurs. Un médecin peut accéder aux informations médicales non identif antes en cas de nécessité thérapeutique concernant un enfant conçu à partir de gamètes issus de don » ; qu'aux termes de l'article R. 1244-5 du même code, « (...) Les informations touchant à l'identité des donneurs, à l'identification des enfants nés et aux liens biologiques existant entre eux sont conservées, quel que soit le support, de manière à garantir strictement leur confidentialité. Seuls les praticiens agréés pour les activités mentionnées au premier alinéa ont accès à ces informations » ;
6. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les informations contenues dans le dossier d'un donneur de gamètes utilisés dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation sont couvertes par l'un des secrets protégés par la loi, au sens de l'article 6 précité de la loi du 17 juillet 1978 ; qu'elles garantissent en particulier la préservation de l'anonymat du donneur à l'égard de toute personne demandant à y avoir accès ; que ces dispositions
prévoient toutefois qu'en cas de nécessité thérapeutique, le médecin du receveur, d'une part, peut avoir accès aux informations permettant l'identification du donneur, et que, d'autre part, un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes concernant un enfant conçu à partir d'un don de gamètes ;
7. Considérant que Mlle X soutient que les informations contenues dans le dossier du donneur de gamètes à l'origine de sa conception, identifiantes ou non, devaient lui être communiquées, directement ou par l'intermédiaire du médecin qu'elle avait désigné à cette fin ; que, cependant, la demande de Mlle X, qui n'est pas la personne intéressée au sens de l'article 6 précité de la loi du 17 juillet 1978, ne pouvait être accueillie sans qu'il soit porté atteinte à l'un des secrets institué au profit de l'auteur du don par la loi sur la bioéthique ; que, si Mlle X invoque également les dispositions précitées du code civil et du code de la santé publique, et soutient qu'elle se trouvait dans le cas de nécessité thérapeutique prévu par ces dispositions, il est constant que la demande de communication de documents en litige a été formée par Mlle X elle-même, et non par son médecin, alors que les dispositions législatives dont s'agit réservent, en tout état de cause, aux seuls médecins la possibilité d'accéder aux informations, qu'elles soient identifiantes ou non, qui sont contenues dans le dossier du donneur de gamètes ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des dispositions du dernier alinéa de l'article 6 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, « Les documents administratifs non communicables au sens du présent chapitre deviennent consultables au terme des délais et dans les conditions fixés par les articles L. 213-1 et L. 213-2 du code du patrimoine (..) » ; qu'aux termes de l'article L. 213-2 du code du patrimoine, «1- Les archives publiques sont communicables de plein droit à l'expiration d'un délai de . / ( ..) 2° Vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé, pour les documents dont la communication porte atteinte au secret médical. Si la date du décès n'est pas connue, le délai est de cent vingt ans à compter de la date de naissance de la personne en cause ,. / 3° Cinquante ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, pour les documents dont la communication porte atteinte (..) à la protection de la vie privée (..) » ; qu'aux termes de l'article R. 1244-5 du code de la santé publique, « le dossier du donneur (..) est conservé pour une durée minimale de quarante ans et quel que soit son support sous forme anonyme. L'archivage est effectué dans des conditions garantissant la confidentialité » ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le dossier d'un donneur de gamètes, s'il doit être conservé au moins quarante ans dans les conditions d'anonymat et de confidentialité ci-dessus mentionnées, qu'il ait fait ou non l'objet d'un dépôt aux archives, ne devient communicable de plein droit qu'au terme des délais fixés par les dispositions précitées de l'article L. 213-2 du code du patrimoine ; qu'avant ce terme, le dossier du donneur demeure soumis à la règle énoncée à l'article 6 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, selon laquelle ne sont communicables qu'à l'intéressé, soit au seul donneur de gamètes, les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la protection de sa vie privée ou au secret médical ;
Considérant que Mlle X, en se bornant à alléguer que, bien qu'elle ignore tant la date de l'éventuel décès de son géniteur que sa date de naissance, il n'est pas exclu qu'elle entre dans le champ d'application des dispositions précitées du code du patrimoine, ne soutient qu'à titre hypothétique que pourrait être intervenu le terme de l'un des délais susévoqués, mettant fin à la protection des secrets prévue par l'article 6 de la loi susvisée du 17 juillet 1978 ; que le moyen ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que, si la requérante soutient que les dispositions précitées ne permettraient pas de garantir le respect du «principe de l'interdit de l'inceste », ni de prévenir les risques de consanguinité inhérents au système du don de gamètes anonyme, le moyen n'est pas suffisamment motivé en droit pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la compatibilité______ des_ décisions__ attaquées__ au regard___ des__ conventionsinternationales :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : «La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2141-1 du code de la santé publique, « L'assistance médicale à la procréation s'entend des pratiques cliniques et biologiques permettant la conception in vitro, la conservation des gamètes, des tissus germinaux et des embryons, le transfert d'embryons et l'insémination art f cielle. La liste des procédés biologiques utilisés en assistance médicale à la procréation est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé après avis de l'agence de la biomédecine. Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités et les critères d'inscription des procédés sur cette liste. Les critères portent notamment sur le respect des principes fondamentaux de la bioéthique prévus en particulier aux articles 16 à 16-8 du code civil, l'efficacité, la reproductibilité du procédé ainsi que la sécurité de son utilisation pour la femme et l'enfant à naître (...») ; qu'au nombre desdits principes fondamentaux de la bioéthique figurent ceux, énoncés à l'article 16‑ 8 précité du code civil, relatifs à la règle de l'anonymat du donneur, sauf le cas de nécessité thérapeutique ;
Considérant, en premier lieu, que le législateur, pour répondre aux objectifs de respect de la vie familiale au sein de la famille légale de l'enfant conçu à partir de gamètes issues de ce don, et de préservation de la vie privée du donneur, a entendu interdire l'accès aux données permettant l'identification d'un donneur de gamètes ; que cette interdiction, qui s'applique à tous les dons d'un élément ou d'un produit du corps, n'implique par elle-même aucune atteinte à la vie privée et familiale de la personne issue d'un don de gamètes ; que, par suite, en interdisant la divulgation de toute information sur les données permettant d'identifier un donneur de gamètes, le législateur, qui dispose d'une large marge d'appréciation en matière de procréation médicalement assistée, a établi un juste équilibre entre les intérêts en présence, à savoir ceux du donneur et de sa famille, du couple receveur, de l'enfant issu du don de gamètes et de la famille de l'enfant ainsi conçu ; que, dès lors, cette interdiction n'est pas incompatible avec les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en deuxième lieu, que, s'agissant de l'accès aux données non identifiantes de nature médicale sur le donneur, il résulte des dispositions précitées que le législateur, pour assurer la protection de la santé des personnes issues d'un don de gamètes, tout en garantissant le respect des droits et libertés d'autrui, a entendu également l'interdire, sous réserve des seules dérogations à cette interdiction, prévues aux articles L. 1131-1-2 et L. 1244-6 du code de la santé publique ; que, si la plupart de ces données médicales ne sont accessibles qu'au médecin et non à la personne elle-même, la conciliation des intérêts en cause ainsi opérée et la différence de traitement entre le médecin et toute autre personne relèvent de la marge d'appréciation que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales réservent au législateur national, eu égard notamment aux inconvénients que présenterait la transmission de ces données aux intéressés eux-mêmes par rapport aux objectifs de protection de la santé, de préservation de la vie privée et de secret médical ; que, par suite, les règles d'accès aux données non identifiantes de nature médicale fixées par le code de la santé publique et le code civil ne sont pas, en l'état des connaissances médicales et des nécessités thérapeutiques, incompatibles avec les stipulations de l'article 8 de cette convention ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1" de la convention relative aux droits de l'enfant, signée le 26 janvier 1990 à New-York, «Au sens de la présente convention, un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable » ; que Mlle
X , qui était âgée de plus de dix-huit ans à la date de la décision contestée, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de cet article ;
Considérant, en quatrième lieu, que les moyens tirés de l'incompatibilité de la loi française avec les droits garantis par les articles 3, 7, 21-1 et 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sauraient être utilement invoqués à l'encontre des textes relatifs, d'une part, à la protection de l'anonymat des donneurs de gamètes et, d'autre part, à la communication de documents administratifs, qui ne mettent pas en oeuvre, en tout état de cause, le droit de l'Union européenne ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle X n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle attaque ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce que l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) lui verse des indemnités à hauteur de la somme de 100 000 euros pour les préjudices qu'elle estime avoir subis, doivent être rejetées ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent également être rejetées ;
DECIDE:
Article ler: La requête de Mlle X est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mlle X et à l'Assistance
publique-hôpitaux de Paris. Copie en sera adressée à la commission d'accès aux documents administratifs.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2013, où siégeaient : M. Soumet, président ; M. Formery, président assesseur ;M. Huon, premier conseiller ; Lu en audience publique, le 2 juillet 2013.
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