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Cour Administrative d'Appel de Versailles, 2 octobre 2008, n° 07VE00610 (Disponibilité - Réintégration - Radiation des cadres)

Les dispositions de l’article 37 du décret n°88-976 du 13 octobre 1988 relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers précisent que le fonctionnaire doit solliciter soit sa réintégration, soit le renouvellement de sa disponibilité deux mois avant son expiration. Elles n’exigent pas que l’intéressé formule, sous peine de radiation des cadres, une demande de renouvellement de sa disponibilité lorsque sa demande de réintégration a fait l’objet d’un refus. En l’absence d’un poste vacant permettant la réintégration de l’agent, le renouvellement de la disponibilité est prononcé d’office jusqu’à la réintégration, et au plus tard jusqu’à ce que trois postes aient été proposés. L’agent ne saurait par conséquent être radié des cadres.

Cour Administrative d'Appel de Versailles
2ème Chambre

N° 07VE00610

  
Inédit au recueil Lebon


Mme TANDONNET-TUROT, président
Mme Martine KERMORGANT, rapporteur
Mme GRAND d'ESNON, commissaire du gouvernement
SEBAN, avocat


Lecture du jeudi 2 octobre 2008

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête, enregistrée en télécopie le 15 mars 2007 et par courrier le 19 mars 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Nadège X, demeurant ..., par Me El Atmani ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0306949 en date du 16 janvier 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 mars 2001 par laquelle le directeur de l'Institut médico-éducatif « Les Moulins de Gémeaux » de Saint-Denis a prononcé sa radiation des cadres à compter du 1er avril 2001 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision de radiation des cadres du 30 mars 2001 ;

3°) de condamner l'Institut médico-éducatif au versement de la somme de 56 383 euros au titre des arriérés de l'allocation pour perte d'emploi due du 1er avril 2001 au 31 octobre 2003 ;

4°) de condamner ledit Institut à lui verser l'allocation pour perte d'emploi due du 1er novembre 2003 jusqu'à la date de la décision à intervenir ;

5°) de condamner ledit Institut à lui verser l'allocation pour perte d'emploi à compter de la décision à intervenir ;

6°) d'enjoindre à l'Institut médico-éducatif de la faire bénéficier de la première vacance de poste en lui formulant une proposition d'emploi ;

7°) de mettre à la charge de l'Institut médico-éducatif une somme de 1 525 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient, en premier lieu, que la décision de radiation des cadres du directeur de l'Institut médico-éducatif méconnaît la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que le décret d'application du 13 octobre 1988 ; que sa mise en disponibilité pour convenances personnelles résulte d'une décision unilatérale du directeur dudit Institut ne répondant à aucune des conditions posées par les textes susmentionnés ; qu'ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, elle a respecté les dispositions de l'article 37 du décret du 13 octobre 1988 ; que, par courrier du 20 décembre 2000, elle a sollicité auprès du directeur de l'Institut médico-éducatif sa réintégration à l'issue de sa mise en disponibilité ; que cette demande de réintégration est intervenue dans le délai requis, soit deux mois avant l'issue de sa période de disponibilité fixée au 31 mars 2001 ; que le refus de réintégration faute de poste vacant la plaçant d'office en disponibilité, elle n'était pas tenue d'en demander le renouvellement ; en second lieu, que conformément à l'article L. 351-12 du code du travail, l'Institut médico-éducatif aurait dû lui verser une allocation pour perte d'emploi à compter du 1er avril 2001 ; qu'aux termes de l'article 30 du décret du 13 janvier 1988, l'allocation pour perte d'emploi est due tant que l'autorité administrative n'a pas formulé trois offres d'emploi ; que par un courrier du 3 octobre 2002, le directeur dudit Institut a refusé de lui verser cette allocation alors même qu'il ne lui avait pas proposé trois postes ; que la décision de radiation devant être annulée, elle justifie d'une perte involontaire d'emploi et est fondée à obtenir réparation des préjudices causés par cette décision ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2008 :
- le rapport de Mme Kermorgant, premier conseiller,
- les observations de Me Duriez, substituant Me Seban, avocat de l'Institut médico-éducatif « Les Moulins de Gémeaux »,
- et les conclusions de Mme Grand d'Esnon, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que Mme X, secrétaire médicale à l'Institut médico-éducatif « Les Moulins de Gémeaux » à Saint-Denis, dont la mise en disponibilité d'un an pour élever son enfant de moins de huit ans prenait fin le 31 août 2000, a été placée en disponibilité pour convenances personnelles du 1er septembre 2000 au 31 mars 2001 par une décision du 5 juillet 2000 du directeur de l'Institut médico-éducatif ; que sa demande de réintégration formulée le 20 décembre 2000 a été refusée faute de poste vacant par une décision du 9 janvier 2001 ; que, par la décision attaquée du 30 mars 2001, elle a été radiée des cadres à compter du 1er avril 2001 pour absence de demande de renouvellement de sa disponibilité avant son expiration, le 31 mars 2001 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 31 du décret du 13 octobre 1988 relatif à certaines positions des fonctionnaires hospitaliers : « La mise en disponibilité peut être accordée, sur demande du fonctionnaire et sous réserve des nécessités du service, dans les cas suivants : (...) 2° Pour convenances personnelles : la durée de la disponibilité ne peut, dans ce cas, excéder trois ans ; la disponibilité est renouvelable, mais ne peut dépasser au total dix années pour l'ensemble de la carrière. » ; qu'aux termes de l'article 37 du même décret : « Deux mois au moins avant l'expiration de la période de disponibilité en cours, le fonctionnaire doit solliciter soit le renouvellement de sa disponibilité soit sa réintégration. Faute d'une telle demande, l'intéressé est rayé des cadres, à la date d'expiration de la période de disponibilité. (...) Le fonctionnaire qui ne peut être réintégré faute de poste vacant est maintenu en disponibilité jusqu'à sa réintégration et au plus tard jusqu'à ce que trois postes lui aient été proposés. » ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article 37 du décret du 13 octobre 1988, qui prévoient que le fonctionnaire doit solliciter soit sa réintégration, soit le renouvellement de sa disponibilité deux mois au moins avant son expiration, n'exigent pas que l'intéressé formule, sous peine de radiation des cadres, une demande de renouvellement de sa disponibilité lorsque sa demande de réintégration a fait l'objet d'un refus ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a demandé sa réintégration le 20 décembre 2000, soit dans le délai prescrit par les dispositions précitées dudit article ; qu'en l'absence de poste vacant permettant de la réintégrer le 1er avril 2001, le renouvellement de la disponibilité n'était pas subordonné à une demande de sa part mais devait, en application de ces dispositions, être prononcé d'office par l'Institut médico-éducatif jusqu'à sa réintégration et, au plus tard, jusqu'à ce que trois postes lui aient été proposés ; qu'ainsi, la requérante est fondée à soutenir que la décision de radiation des cadres en date du 30 mars 2001, prise au motif qu'elle n'avait pas demandé le renouvellement de sa disponibilité, méconnaît les dispositions de l'article 37 du décret du 13 octobre 1988 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 30 mars 2001 ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. » ;

Considérant que l'annulation de la décision de radiation des cadres implique seulement que la requérante soit placée en disponibilité d'office à la date de son éviction et que sa situation au regard de ses droits à réintégration soit réexaminée à compter de cette date ;

Sur les conclusions tendant au versement des allocations d'assurance chômage :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 351-12 du code du travail : Ont droit à l'allocation d'assurance dans les conditions prévues à l'article L. 351-3 : 1º Les agents non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires de collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs (...) ; qu'aux termes de l'article L. 351-3 du même code : L'allocation d'assurance est attribuée aux travailleurs mentionnés à l'article L. 351-1 qui satisfont à des conditions d'âge et d'activité antérieure (...) ; qu'aux termes de l'article L. 351-1 susmentionné : En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi, aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent chapitre ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'un agent visé au 1º de l'article L. 351-12 du code du travail a droit aux allocations d'assurance chômage dès lors qu'apte au travail, il peut être regardé comme ayant été involontairement privé d'emploi et à la recherche d'un emploi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, n'ayant pu être réintégrée à compter du 1er avril 2001 faute de poste vacant, Mme X doit être regardée comme ayant été non seulement involontairement privée d'emploi mais également à la recherche d'un emploi, au sens de l'article L. 351-1 du code du travail ; que, par suite et nonobstant la circonstance qu'elle n'a pas été inscrite à l'Agence nationale pour l'emploi, elle a droit, en application des dispositions de l'article L. 351-12 du même code, aux allocations d'assurance chômage, à compter du 1er avril 2001, dans les conditions définies à l'article L. 351-3 de ce code ;

Considérant que l'état de l'instruction ne permet pas de déterminer le montant des allocations dues à Mme X ; qu'il y a lieu de renvoyer la requérante devant l'Institut médico-éducatif pour y être procédé à la liquidation de ces allocations ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant que, d'une part, Mme X n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de Mme X n'a pas demandé la condamnation de l'Institut médico-éducatif à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à la condamnation de l'Institut médico-éducatif sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; que, par ailleurs, Mme X n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'elle soit condamnée à verser à l'Institut médico-éducatif la somme que celui-ci demande à ce titre ;


DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 16 janvier 2007 est annulé.

Article 2 : La décision de radiation des cadres du 30 mars 2001 prise par le directeur de l'Institut médico-éducatif « Les Moulins de Gémeaux » de Saint-Denis est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à l'Institut médico-éducatif « Les Moulins de Gémeaux » de Saint-Denis de réexaminer la situation de Mme X au regard de ses droits à réintégration à compter du 1er avril 2001.

Article 4 : L'Institut médico-éducatif « Les Moulins de Gémeaux » de Saint-Denis est condamné à verser à Mme X l'indemnité qui lui est due au titre des allocations d'assurance chômage prévues par l'article L. 351-1 du code du travail.

Article 5 : Mme X est renvoyée devant l'Institut médico-éducatif « Les Moulins de Gémeaux » de Saint-Denis afin qu'il soit procédé au calcul et à la liquidation des sommes auxquelles elle a droit en vertu de l'article 4 du présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de l'Institut médico-éducatif « Les Moulins de Gémeaux » de Saint-Denis tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.