Les juges de la Cour administratived’appel de Marseille reviennent sur un jugement du 2 juin 2009 du Tribunal administratif de Nîmes qui avait conclu à une obstination déraisonnable des médecins qui avaient pratiqué une réanimation sur un nouveau-né pendant 25 minutes. La Cour administrative d’appel de Marseille considèreque « les médecins ne pouvaient pas, à la naissance, évaluer la prévisibilité des séquelles de l’enfant et adapter en conséquence la durée de sa réanimation ; que, par suite et dans un contexte d’extrême urgence, les médecins n’ont pas fait preuve d’obstination déraisonnable au sens de l’article 37 (…) du code de déontologie médicale en poursuivant durant moins de vingt minutes et alors que l’ampleur des séquelles associées aux troubles du rythme cardiaque fœtal ne pouvait être évaluée dans les minutes qui ont suivi la naissance, la réanimation de l’enfant ; qu’ils n’ont pas commis, pour ce motif, une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier ». En revanche, les juges estiment que le retard de l’ordre de dix minutes de l’intervention de l’obstétricien dans le cas de bradycardie fœtale constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier. Ne pouvant se prononcer sur les conséquences de ce retard fautif au regard des documents en leur possession, ils ordonnent une expertise.
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Cour Administrative d'Appel de Marseille
N° 10MA03054
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre - formation à 3
M. VANHULLEBUS, président
Mme Marie-Claude CARASSIC, rapporteur
Mme CHAMOT, rapporteur public
BERTEIGNE, avocat
lecture du jeudi 12 mars 2015
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu, enregistrée le 2 août 2010, la requête présentée pour le centre hospitalier d'Orange, représenté par son directeur en exercice, dont le siège est sis chemin de l'Abrian, BP 184 à Orange cedex (84106) par Me Le Prado, avocat ; le centre hospitalier d'Orange demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0622251 du 2 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a, à la demande de M. X...et de Mme Y..., agissant en leur nom propre et au nom de leur enfant mineur X..., d'abord, déclaré le centre hospitalier d'Orange responsable des conséquences de la faute commise lors de la naissance de A...le 14 décembre 2002, ensuite, avant de statuer définitivement sur les préjudices résultant pour les requérants de cette faute, ordonné un complément d'expertise en vue de déterminer les conséquences de cette faute sur A...et d'évaluer les différents postes de préjudice en résultant, puis condamné le centre hospitalier à verser à M. X...et à Mme Y...une somme de 10 000 euros à titre de provision et à M. X...et à Mme Y..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils, une autre provision de 20 000 euros et enfin, mis à la charge du centre hospitalier les frais de l'expertise ordonnée le 22 janvier 2008 d'un montant de 1 260 euros ;
2°) de rejeter la demande de M. X et de Mme Y. ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 janvier 2015 :
- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;
- les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique ;
- et les observations de Me F... pour le centre hospitalier d'Orange et de Me H... pour M. X..et Mme Y...;
1. Considérant que le 14 décembre 2002 à 9 heures, M.X...et Mme Y..se sont rendus au centre hospitalier d'Orange en vue de la naissance de leur enfant ; que l'enfant est né vers 12 h 05, en état de mort apparente ; que la réanimation a fini par entraîner la reprise d'une activité cardiaque du nouveau-né ; qu'estimant que les lourdes séquelles dont reste atteint leur enfant A...résultent de plusieurs fautes du centre hospitalier, M. X..et Mme Y.., agissant tant en leur nom propre qu'au nom de leur enfant mineur, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes la désignation d'un expert, qui, nommé par ordonnance du 22 janvier 2008, a rendu son rapport le 13 octobre 2008 ; que M. X..et Mme Y.. ont alors demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner solidairement le centre hospitalier d'Orange, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) et le Dr Z..., gynécologue accoucheur, à leur verser une somme d'au moins 350 000 euros pour le jeune A...et celle d'au moins 150 000 euros pour eux-mêmes ; que, par le jugement attaqué du 2 juin 2009, les premiers juges ont rejeté leurs conclusions dirigées contre la SHAM et le Dr Z... comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'ils ont déclaré le centre hospitalier d'Orange responsable des conséquences de la faute médicale relative à l'obstination déraisonnable mise en oeuvre pour réanimer l'enfant, ont, avant de statuer définitivement sur les préjudices résultant de cette faute, ordonné un complément d'expertise en vue de déterminer les conséquences de cette faute sur l'état de santé de Y...et de fixer les différents postes de préjudice, ont condamné le centre hospitalier à verser à M. X..et à Mme Y... en leur nom propre une somme de 10 000 euros à titre de provision et à M. B...et à MmeE..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils, une autre provision de 20 000 euros et ont mis à la charge du centre hospitalier les frais de l'expertise ordonnée le 22 janvier 2008 taxés à la somme de 1 260 euros ; que le second expert a rendu son rapport le 19 juin 2010 ; que le centre hospitalier d'Orange et, dans le dernier état des écritures produites en appel, la SHAM concluent à l'annulation du jugement du 2 juin 2009 ; que M. X..et Mme Y... demandent, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en tant qu'il a écarté la faute du centre hospitalier dans l'organisation et le fonctionnement du service et concluent à titre principal, à la condamnation de l'hôpital au paiement d'une nouvelle provision de 500 000 euros pour leur enfant et d'une provision de 50 000 euros à chacun des parents et à ce qu'il soit ordonné une nouvelle expertise, à titre subsidiaire à la condamnation du centre hospitalier à leur verser, au nom de leur enfant, un capital de 4 221 640 euros, ainsi que deux rentes au titre de la tierce personne et des frais de déplacement et, en leur nom propre, la somme de 65 142,36 euros pour Mme Y...au titre de ses pertes de salaires et celle de 60 000 euros à chacun des deux parents au titre de leur préjudice moral ; que la CPAM de Vaucluse conclut dans cette instance à ce que les droits de la caisse sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale soient réservés ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant qu'aucune des parties ne conteste l'article 1er du jugement par lequel le Tribunal a rejeté les conclusions dirigées contre la SHAM et le Dr Z..comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître ; que le litige d'appel est ainsi circonscrit aux articles 2 et suivants du jugement contesté ;
Sur la fin de non recevoir opposée à la requête d'appel :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-6 du code de justice administrative : " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-2, le délai d'appel contre un jugement avant-dire-droit, qu'il tranche ou non une question au principal, court jusqu'à l'expiration du délai d'appel contre le jugement qui règle définitivement le fond du litige. " ; que tout jugement par lequel un tribunal administratif ne statue que sur une partie des conclusions dont il est saisi et ordonne, pour le surplus, une mesure d'instruction constitue un jugement avant dire droit au sens de ces dispositions ; qu'il peut donc être interjeté appel d'un tel jugement après l'expiration du délai de deux mois qui suit sa notification et jusqu'à l'expiration du délai de recours contentieux applicable au jugement qui met fin à l'instance ;
4. Considérant que le jugement attaqué du 2 juin 2009, s'il a tranché au principal la question de la responsabilité du centre hospitalier, a ordonné pour le surplus un complément d'expertise ; qu'il constitue un jugement avant dire droit au sens de l'article R. 811-6 suscité ; que la requête du centre hospitalier d'Orange a été enregistrée le 2 août 2010 au greffe de la Cour ; qu'à cette date, le jugement au fond n'avait pas été rendu ; que, par suite, et alors même que le centre hospitalier n'aurait pas communiqué l'entier dossier médical de l'enfant et que la requête du centre hospitalier d'Orange a été enregistrée plus de deux mois après la notification le 5 juin 2009 de ce jugement à cet établissement de santé, la requête du centre hospitalier d'Orange n'est pas tardive, contrairement à ce que soutiennent M. X...et Mme Y.. ;
Sur la régularité du jugement :
5. Considérant qu'en se bornant à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, le centre hospitalier n'apporte aucune précision à l'appui de ce moyen de nature à permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance de M. X...et de Mme Y.. :
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réclamation indemnitaire préalable de M. X...et de Mme Y..adressée au centre hospitalier d'Orange a été rejetée par une décision de l'hôpital qui leur a été notifiée le 1er février 2006 et que leur demande a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2006, le 2 avril étant un dimanche ; que, par suite et contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la demande de M. X..et de Mme Y...n'était pas tardive ;
Sur la responsabilité :
En ce qui concerne l'existence d'une faute liée à l'obstination déraisonnable :
7. Considérant que les premiers juges ont estimé que, si les médecins ont entrepris à juste titre une réanimation dès la naissance de l'enfant, qui se présentait alors en état de mort apparente, ils ne pouvaient toutefois ignorer les séquelles résultant pour cet enfant de l'anoxie cérébrale de plus d'une demi-heure antérieure à sa naissance et de l'absence d'oxygénation tout au long de cette réanimation et qu'en pratiquant une réanimation " de plus de 20 minutes " sans prendre en compte les conséquences néfastes hautement prévisibles pour l'enfant, les médecins avaient montré une obstination déraisonnable au sens de l'article 37 du code de déontologie médicale et constitutive d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Orange ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant code de déontologie médicale en vigueur à la date des faits, désormais codifié à l'article R. 4127-9 du code de la santé publique : " Tout médecin qui se trouve en présence d'un malade ou d'un blessé en péril ou, informé qu'un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s'assurer qu'il reçoit les soins nécessaires. " ; qu'aux termes de son article 37, codifié depuis à l'article R. 4127-37 du même code, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En toutes circonstances, le médecin doit s'efforcer de soulager les souffrances de son malade, l'assister moralement et éviter toute obstination déraisonnable dans les investigations ou la thérapeutique. " ; que toute personne doit recevoir les soins les plus appropriés à son état de santé, sans que les actes de prévention, d'investigation et de soins qui sont pratiqués lui fassent courir des risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté ; que ces actes ne doivent toutefois pas être poursuivis par une obstination déraisonnable et qu'ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris lorsqu'ils apparaissent inutiles ou disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, que le patient soit ou non en fin de vie ;
9. Considérant qu'il appartient au juge, dans le cadre d'un contentieux indemnitaire, de vérifier si la prise en charge de l'enfant a été conforme aux règles de l'art, notamment déontologiques, communément admises à la date des faits ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du document intitulé " Prise en charge et réanimation du nouveau né en salle de naissance " de l'International liaison committee on resuscitation (ILCOR) adressé aux professionnels de la naissance et daté de septembre 2001 et des recommandations de la Fédération nationale des pédiatres néonatologistes dans un document intitulé " Dilemmes éthiques de la période périnatale - Recommandations de bonnes pratiques pour l'abstention, la limitation, l'arrêt des traitements et l'arrêt de vie - (FNPN) - Novembre 2000 " qu'il est raisonnable d'envisager, dans la situation d'une naissance en état de mort apparente, d'arrêter au bout de 15 à 20 minutes les manoeuvres de réanimation immédiatement mises en oeuvre et bien conduites qui n'ont pas permis de récupération cardiaque stable ; que cette durée indicative de réanimation d'attente de 15 à 20 minutes doit être mise en rapport avec la difficile évaluation médicale de la chance de survie et de l'étendue des séquelles prévisibles de l'enfant ;
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport du second expert déposé le 19 juin 2010 à la suite de la mission ordonnée par le jugement attaqué, que le 14 décembre 2002 à 9 h 00, M. X..et Mme Y., qui n'avait pas connu de problème médical pendant sa grossesse, se sont rendus au centre hospitalier d'Orange en vue de la naissance à terme de leur premier enfant ; qu'à leur arrivée, la poche des eaux s'est spontanément rompue ; que pendant le travail, le monitorage a montré un tracé peu oscillé du rythme cardiaque foetal de 10 h 45 à 11 h 00, soit pendant 15 mn, puis après une reprise de battement normal, a révélé à 11 h 35 une brusque décélération du rythme cardiaque du foetus jusqu'à la naissance en état de mort apparente de l'enfant à 12 h 02 selon certaines pièces du dossier médical ou 12 h 05 selon les experts ; que la réanimation par ventilation au masque et massage cardiaque externe a débuté dans les deux minutes suivant la naissance et n'a eu aucune efficacité entre 12 h 05 et 12 h 17 ; qu'entre 12 h 17 et 12 h 23, l'équipe soignante s'est interrogée sur l'abandon de la réanimation et l'obstétricien a informé les parents en salle d'accouchement que leur enfant était décédé ; qu'à 12 h 23 à l'arrivée du pédiatre, la fréquence cardiaque, reprise spontanément, était toutefois supérieure à 100 battements par minute et qu'à 12 h 25, la saturation en oxygène et la pression artérielle étaient tout à fait normales, traduisant la reprise d'une activité cardiaque certainement avant 12 h 23 ; que cet expert affirme que l'anoxie néonatale de l'enfant s'est poursuivie de sa naissance à 12 h 05 jusqu'à 12 h 21, que ce délai de 16 minutes a permis la reprise spontanée d'une activité cardiaque et conclut que "la réanimation néonatale pratiquée durant ces 16 mn, délai parfaitement raisonnable, a donc été efficace" ; que compte tenu de l'incertitude sur l'heure précise de la naissance de l'enfant, la durée de la phase de réanimation mettant fin à l'anoxie peut ainsi être évaluée entre 16 et 19 minutes ; que, par suite, les données de fait sur lesquelles se sont fondés les premiers juges correspondant à une réanimation d'une durée de plus de 20 minutes sont inexactes ;
11. Considérant que cette durée de réanimation post-natale doit être évaluée, pour apprécier s'il y a eu acharnement thérapeutique au sens des dispositions suscitées eu égard à la prévisibilité des séquelles de l'enfant, en tenant compte de la durée de l'anoxie foetale estimée par le second expert à 25 minutes au moins selon l'enregistrement du rythme cardiaque foetal et d'une durée suffisante selon lui pour entraîner des lésions neurologiques importantes ; que toutefois, l'enregistrement de ce rythme cardiaque foetal a été par moment perdu compte tenu de l'enlèvement du capteur et parfois récupéré, avec des valeurs tantôt normales, tantôt pathologiques ; que ce second expert affirme que le risque d'acidose métabolique et l'ampleur des séquelles associées aux troubles du rythme cardiaque foetal n'ont pas pu être évalués dans les minutes qui ont suivi la naissance, en l'absence de mesure du pH au sang du cordon ombilical ; que l'anoxie cérébrale foetale n'a été mise en évidence par une échographie transfontannellaire et un scanner que 5 jours après la naissance de X.. ; que, dans ces conditions, les médecins ne pouvaient pas, à la naissance, évaluer la prévisibilité des séquelles de l'enfant et adapter en conséquence la durée de sa réanimation ; que, par suite et dans un contexte d'extrême urgence, les médecins n'ont pas fait preuve d'obstination déraisonnable au sens de l'article 37 suscité du code de déontologie médicale en poursuivant durant moins de 20 minutes et alors que l'ampleur des séquelles associées aux troubles du rythme cardiaque foetal ne pouvait être évaluée dans les minutes qui ont suivi la naissance, la réanimation de l'enfant ; qu'ils n'ont pas commis, pour ce motif, une faute médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Orange, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges ;
En ce qui concerne le lien de causalité :
12. Considérant que le second expert explique dans son rapport du 19 juin 2010 que le handicap de l'enfant résulte de son anoxie foetale et néonatale ; que la réanimation litigieuse par massage cardiaque externe et ventilation au masque, laquelle avait pour objet et a eu pour effet la reprise des fonctions respiratoires et cardiaques de l'enfant, n'est pas à l'origine directe et certaine de la situation d'anoxie néonatale de X..qu'elle avait au contraire vocation à combattre ; que l'affirmation de l'expert selon laquelle " l'anoxie néonatale a aggravé les lésions neurologiques provoquées par l'anoxie foetale de 25 mn au moins " n'est pas de nature à démontrer que cette réanimation serait à l'origine de l'anoxie néonatale ; que, par suite et en outre, le centre hospitalier est fondé à soutenir qu'en l'absence d'un tel lien de causalité, sa responsabilité ne peut être engagée sur ce fondement ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier d'Orange est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal l'a déclaré responsable pour obstination déraisonnable, a, sur ce fondement, prescrit une expertise et l'a condamné à verser une provision à M. X.et à Mme Y... ;
14. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X...et Mme Y...devant le tribunal administratif de Nîmes et devant elle ;
En ce qui concerne l'origine du handicap de l'enfant invoquée par le centre hospitalier :
15. Considérant que le centre hospitalier fait valoir, pour s'exonérer de toute responsabilité, que le handicap de l'enfant, qui présente les symptômes d'une forme sévère d'infirmité motrice cérébrale tétraplégique avec troubles de déglutition et épilepsie non stabilisée sans qu'il ait été retrouvé d'éléments ayant pu favoriser le déclenchement brutal de cette souffrance foetale aiguë et en particulier de la chute du rythme cardiaque foetal, présenterait un syndrome de Dubowitz, pathologie rare responsable habituellement d'un retard mental avec dysmorphie et troubles de déglutition ; que, si le sapiteur neuropédiatre dans son rapport du 14 mai 2008 annexé au rapport du premier expert indique que l'hypothèse d'un lien entre cette pathologie génétique et la souffrance foetale peut être "raisonnablement envisagée", en revanche, le second expert, dans son rapport du 19 juin 2010, explique que l'enfant ne présente que trois des symptômes de ce syndrome, qui se caractérise par une association d'anomalies congénitales multiples associant un retard de croissance pré et post natal, une microcéphalie, un retard mental de modéré à sévère, de l'eczéma, un comportement hyperactif, des anomalies faciales et génitales, que l'association de deux de ces symptômes évoque 52 diagnostics possibles et conclut que "il est donc peu probable que X..soit atteint d'un syndrome de Dubowitz" ; que, par suite, le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir que le handicap de X..aurait pour origine ce syndrome ;
En ce qui concerne les fautes alléguées du centre hospitalier invoquées par M. X...et par Mme Y... :
16. Considérant que M. X...et Mme Y...soutiennent que le centre hospitalier a commis des fautes dans la prise en charge de l'accouchement susceptibles d'avoir provoqué ou aggravé le handicap de l'enfant ou de lui avoir fait perdre une chance de l'éviter ou d'échapper à son aggravation ; qu'ils n'invoquent plus en appel le moyen tiré de l'absence de péridurale et d'accompagnement psychologique des parents et, en l'absence de toute critique des motifs par lesquels le Tribunal a écarté leur argumentation sur ces points, doivent être regardés comme ayant renoncé à se prévaloir de ces deux fondements de responsabilité ;
S'agissant du caractère indemnisable du préjudice :
17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 114-5 du code de l'action sociale et des familles susvisé, applicable en l'espèce, " Nul ne peut se prévaloir d'un préjudice du seul fait de sa naissance. La personne née avec un handicap dû à une faute médicale peut obtenir la réparation de son préjudice lorsque l'acte fautif a provoqué directement le handicap ou l'a aggravé, ou n'a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l'atténuer (...) " ;
18. Considérant que la réanimation litigieuse en salle de naissance n'a ni provoqué ni aggravé le handicap dont est atteint le jeune X..; que, si le centre hospitalier invoque le bénéfice de ces dispositions, M. X.et Mme Y..font valoir que d'autres fautes médicales sont à l'origine du handicap de leur enfant ; qu'il appartient à la Cour de se prononcer sur l'existence de ces fautes et de leur lien avec le handicap deA... avant de déterminer si ces dispositions font obstacle à leur indemnisation ;
S'agissant de la faute de surveillance du travail et de l'accouchement par des moyens humains et matériels adéquats :
19. Considérant que M. X...et Mme Y...soutiennent qu'ils sont restés seuls de 9 h 00 à 10 h 15 dans la salle de travail et qu'après l'installation de Mme E...en salle d'accouchement à 10 h 15 et la mise en place du monitorage cardiaque à 10 h 34 seulement, le personnel s'en serait allé à nouveau et que le médecin gynécologue n'est intervenu qu'à 11 h 45, appelé par la sage-femme, elle-même prévenue par M. X..alerté par la perte du rythme cardiaque foetal au monitorage signalant la complication survenue à 11 h 35 ;
20. Considérant d'abord que pendant la phase normale de travail de 9 h 00 à 11 h 35, il résulte des rapports concordants des deux experts que la dilation du col, à 4 à 9 h 00 et à 8 à 10 h 15, se faisait normalement pendant le travail ; que, dans ces conditions, la sage-femme, qui est intervenue à 10 h 15 et à 10 h 34 ainsi qu'il vient d'être dit et qui surveillait la parturiente de temps en temps, n'était pas tenue d'être présente en salle de façon continue ; que l'absence d'enregistrement du rythme cardiaque foetal dès 9 h 00 ne constitue pas une faute du centre hospitalier en l'absence de complication en début de phase de travail ; qu'il résulte de l'examen des bandes du monitorage versées au dossier que cet appareil a été installé à 10 h 34 et que de 10 h 45 à 11 h 00, le rythme cardiaque foetal quoique peu oscillé était normal, ce qui ne nécessitait pas l'intervention du médecin obstétricien ; que de 11 h 05 à 11 h 30, le rythme cardiaque foetal est qualifié de normal ; qu'en tout état de cause, l'absence d'interprétation du tracé du rythme cardiaque foetal et de diagnostic de ses anomalies en l'absence de personnel médical entre 10 h 15 et 11 h 35, qui n'aurait pas selon les parents de A...permis de prévoir un accouchement par césarienne ou une extraction instrumentale, n'a pas eu d'incidence, dès lors qu'après la survenue brutale et imprévisible de la bradycardie à 11 h 35, la prise en charge par la sage-femme a été immédiate ; que, si les demandeurs affirment qu'à 11 h 30, Mme E...était seule avec une dilatation complète et une envie de pousser, la dilatation était à 9 selon le premier expert et à 8/9 selon le second expert, indications corroborées par les informations figurant sur le partogramme ; qu'à défaut de dilatation complète du col avec engagement de la présentation de l'enfant, il ne peut être reproché à l'équipe médicale d'avoir laissé seule Mme E...jusqu'au moment où, arrivée à dilatation complète, l'accouchement devait être dirigé par l'équipe médicale ; que le moyen tiré de ce que le centre hospitalier aurait manqué à son devoir de surveillance de 9 h 00 à 11 h 35 a été ainsi écarté à bon droit par les premiers juges ;
21. Considérant ensuite, qu'en ce qui concerne la phase de complication par l'apparition d'une bradycardie à 11 h 35, il résulte du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal que la sage-femme, alertée par le père de l'enfant lorsqu'il a constaté la baisse du rythme cardiaque foetal, s'est immédiatement rendue au chevet de la parturiente et a procédé, dans l'attente de l'arrivée du médecin, à des manipulations appropriées permettant d'assurer une meilleure oxygénation de la mère et de l'enfant ; que l'allégation selon laquelle " la sage femme voyant la tête de l'enfant sortir l'a repoussée avec sa main pour attendre le Dr Z... " n'est corroborée par aucune des pièces du dossier ;
22. Considérant que M. X...et Mme Y...soutiennent aussi que ce médecin, appelé à 11 h 35 par la sage femme, a tardé à intervenir en choisissant à tort de continuer à suturer le périnée de la patiente installée dans la salle voisine plutôt que de venir au chevet de Mme Y...dès l'appel de la sage-femme transmis par l'aide soignante ; qu'il résulte de l'instruction que l'obstétricien de garde était sur place à l'hôpital et est arrivé à 11 h 40, selon le premier expert ou à 11 h 45, selon le second expert, cette heure étant plus cohérente avec les données reflétées par le partogramme ; que le gynécologue-obstétricien étant présent à l'hôpital, le centre hospitalier ne peut utilement se prévaloir de ce que sa présence n'était pas exigée par les dispositions de l'article D. 6124-44 2° du code de la santé publique, s'agissant d'un établissement réalisant moins de 1 500 accouchements par an ; que le choix de ce médecin de suturer le périnée d'une autre patiente, ce que pouvait réaliser l'une des deux sages-femmes présentes, plutôt que de venir immédiatement au chevet de Mme Y...pour l'assister dans son accouchement devenu dystocique a eu pour effet de retarder son intervention d'un délai d'approximativement 10 minutes ; que ce retard de l'ordre de 10 minutes dans ce cas de bradycardie foetale constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Orange, ainsi que le font valoir à bon droit M. X...et Mme Y...;
23. Considérant toutefois, que s'ils font aussi valoir que ce retard fautif du médecin n'a pas permis de provoquer l'accouchement pour extraire plus rapidement l'enfant par césarienne et gagner ainsi du temps sur l'anoxie foetale en cours, il résulte du rapport du premier expert que compte tenu de la rapidité de la dilatation augurant un accouchement simple, le médecin a pu logiquement envisager un accouchement par voie basse, qui présente l'avantage d'être le plus rapide et le moins traumatisant et que choisir une extraction par césarienne n'était pas envisageable, compte tenu du temps qui aurait été nécessaire pour la réaliser, eu égard au délai de transfert au bloc, de la préparation aseptique de l'abdomen et de l'anesthésie, que la naissance aurait eu lieu "bien après 12 h 00 de toute façon" et que l'accouchement par césarienne aurait pu fragiliser davantage le foetus ; que par ailleurs, le rapport de cet expert se fonde sur une dilatation complète à 11 h 50 voire 11 h 55 suivies de trois efforts expulsifs de moins de 10 minutes, alors que les pièces du dossier et le rapport du second expert conduisent à situer la dilatation complète vers 11 h 35-11 h 40 ; que le premier expert se borne à reprendre à son compte le résumé des phases de dilatation et de progression de l'accouchement que l'obstétricien a lui-même rédigé le 16 décembre 2002 à destination de son assureur ; que les insuffisances de ce premier rapport sur la conduite de l'accouchement à partir de 11 h 35 ne permettent pas de savoir si le retard fautif de l'ordre de 10 minutes du médecin a eu une incidence sur la conduite de l'accouchement ;
24. Considérant enfin que les parents de l'enfant soutiennent que le gynécologue obstétricien aurait dû, selon une étude médicale récente, utiliser les forceps pour accélérer l'extraction dès 11 h 45, ce qui aurait permis selon le second expert de réduire de 20 minutes la durée d'anoxie de leur enfant à l'origine de son handicap ; que les demandeurs se prévalent du compte rendu de sortie du centre hospitalier universitaire de Nîmes, où l'enfant a été hospitalisé dès la fin de sa réanimation au centre hospitalier d'Orange, daté du 19 mars 2003, qui mentionne dans son résumé d'observations " bradycardie foetale sévère en fin de travail justifiant une extraction par forceps " et note dans les circonstances de l'accouchement " application de forceps " ; que le second expert affirme sans autre précision que " si la naissance avait eu lieu vers 11 h 50, les lésions neurologiques auraient été moins importantes " ; que, si le rapport du premier expert indique que le recours aux forceps, sortis par précaution, n'a pas été nécessaire compte tenu de la rapidité de la naissance " après 3 efforts d'expulsion seulement ", ce rapport, qui se fonde sur un minutage erroné ou incomplet des phases de l'accouchement ainsi qu'il a été dit au point 23., ne permet pas de conclure que les forceps auraient pu ou auraient dû être utilisés dès 11 h 45 ; que l'état du dossier ne permettant pas de se prononcer sur les conséquences du retard fautif de l'ordre de 10 minutes du gynécologue-obstétricien sur l'état de santé de l'enfant, il y a lieu d'ordonner une expertise aux fins mentionnées dans le dispositif du présent arrêt ;
DECIDE :
Article 1 : Il sera procédé à une expertise contradictoire en présence de M. X..., de Mme Y..., de M. X..., du centre hospitalier d'Orange, de la SHAM et de la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse.
Article 2 : Le collège d'experts, composé d'un gynécologue obstétricien et d'un neuropédiatre, sera désigné par le président de la Cour. Il aura pour mission :
- de se faire communiquer l'entier dossier médical se rapportant à l'état de santé de X... ;
- de dire si la conduite de l'accouchement de MmeY...à compter de 11 h 35 jusqu'à la naissance de l'enfant a été conforme aux règles de l'art et si elle aurait pu être modifiée si l'obstétricien était arrivé dès 11 h 35 et de préciser si le comportement et les décisions de l'équipe obstétricale ont retardé la naissance de l'enfant ;
- de dire si et quand l'utilisation des forceps était requise et réalisable et combien de temps cette extraction instrumentale aurait fait gagner par rapport à la naissance sans forceps ;
- de dire si le retard d'extraction de l'enfant lui a fait perdre une chance de naître avec des séquelles moindres, et dans l'affirmative, dans quelle mesure, ou si les séquelles auraient été de toute façon irréversiblement et totalement acquises au moment d'une extraction instrumentale réalisée à temps et dans les règles de l'art ;
- de chiffrer le taux de probabilité que l'enfant avait de naître sans séquelles ou avec des séquelles moindres, si une extraction instrumentale avait été réalisée compte tenu du début de la bradycardie à 11 h 35 ;
- d'isoler, de décrire et évaluer l'ensemble des préjudices de l'enfant X...résultant de sa souffrance foetale de 11 h 35 à sa naissance.
Article 3 : Après avoir prêté serment par écrit et conduit ses opérations, le collège d'experts déposera son rapport en cinq exemplaires au greffe de la Cour dans un délai de trois mois après la prestation de serment. Il en notifiera simultanément un exemplaire à chacune des parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. Le collège d'experts adressera au greffe de la Cour les justificatifs de ces notifications.
Article 4 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Orange, à M. X..., à Mme Y.., à la SHAM et à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse.
Copie pour information sera adressée aux experts.