Par cette ordonnance, le juge requalifie un programme de soins en une hospitalisation complète sous contrainte. Une personne a été hospitalisée en soins sous contrainte mais la décision d’hospitalisation a été signée par le directeur 3 jours après le début effectif de l’hospitalisation. Cette absence de décision pendant ce laps de temps a eu pour effet « d’empêcher la notification de ses droits et de la priver des voies de recours ». Le juge des libertés et de la détention (JLD) a donc prononcé la mainlevée de la mesure d’hospitalisation avec effet différé de 24 heures pour la mise en place d’un programme de soins. Ce programme de soins a été considéré par la patiente comme une hospitalisation complète sous contrainte. La patiente a donc saisi le JLD qui a fait droit à sa demande. L’hôpital a alors saisi la Cour d’appel. Le juge estime qu’il appartient au juge des libertés de vérifier si l’hospitalisation mise en place constitue effectivement une hospitalisation à temps partiel. En l’espèce, les soins dispensés à la patiente relevaient d’une hospitalisation complète. Selon la Cour, « les modalités de l’hospitalisation, limitant les sorties à la journée, une à deux fois par semaine, et une nuit par semaine au domicile de sa mère, présentent manifestement les caractères non d’une hospitalisation à temps partiel, mais d’une hospitalisation complète assortie de sorties de courte durée ou de sorties non accompagnées d’une durée maximale de 48 heures. » |
Cour d'appel de Versailles
ordonnance du premier président
Audience publique du vendredi 21 mars 2014
N° de RG: 14/01854
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE VERSAILLES
(Décret no2011-846 du 18 juillet 2011, Article L3211-12-4 du Code de la Santé publique)
ORDONNANCE
LE VINGT ET UN MARS DEUX MILLE QUATORZE
prononcé par mise à disposition au greffe,
Nous, Jean-Michel PERMINGEAT, président de chambre à la cour d'appel de Versailles, délégué par ordonnance de monsieur le Premier Président pour statuer en matière d'hospitalisation d'office (décret no2011-846 du 18 juillet 2011), assisté de Marie-Line PETILLAT greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :
ENTRE :
MONSIEUR LE DIRECTEUR DU GROUPE HOSPITALIER X...
APPELANT : représenté par Mme Z..., dûment mandatée
ET :
Madame B... A... Y... comparante,
assistée…, avocat au barreau de Versailles, commis d'office
ET COMME PARTIE JOINTE :
MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL
PRES LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES
en la personne de M. Jacques CHOLET, avocat général
A l'audience en chambre du conseil du 14 mars 2014 où nous étions assisté de Marie-Line PETILLAT, greffier, avons indiqué que notre ordonnance serait rendue ce jour ;
Vu le recours formé le 10 mars 2014 par le directeur du groupe hospitalier X...contre l'ordonnance rendue le 28 février 2014 par le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nanterre, qui a constaté la mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte résultant de l'ordonnance du Premier Président de la cour d'appel de Versailles du 14 février 2014, a dit que le régime de soins mis en place à compter de cette date ne constitue pas un programme de soins ambulatoires au sens de l'article L 3211-1 du code de la santé publique, et a dit que la mesure d'hospitalisation sous contrainte de Mme Y... devra prendre fin à effet différé au plus tard à 24 heures, de ce jour.
Le dossier a été visé par le ministère public le 12 mars 2014 ;
A l'audience du 14 mars 2014, tenue en chambre du conseil eu égard à l'atteinte à l'intimité de la vie privée pouvant résulter de la publicité des débats et sans opposition de sa part, entendu Mme Y..., ainsi que son avocat, Maitre …, entendu Mme Z..., représentant le directeur du groupe hospitalier X...
Faits et procédure
Mme Y... a été admise par décision du 27 janvier 2014 du directeur du Groupe Hospitalier X., à compter du 24 janvier 2014, au vu d'un certificat médical établi à cette date par le docteur B..., évoquant un syndrome délirant persécutif chronique, représentant un péril imminent pour sa santé et rendant impossible son consentement aux soins.
Par ordonnance du 14 février 2014, le Premier Président de ce siège, saisi sur l'appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nanterre, a constaté que Madame Y... avait été admise sans titre en hospitalisation complète pendant trois jours, que l'absence de décision avait nécessairement eu pour effet d'empêcher la notification de ses droits et de la priver des voies de recours, que cette irrégularité a eu pour effet de porter une atteinte grave aux libertés fondamentales de Madame Y....
Il a, en conséquence, prononcé la mainlevée de la mesure d'hospitalisation avec effet différé de 24 heures pour mettre en place un programme de soins.
A la suite de cette décision, le directeur du Centre hospitalier a décidé la mise en place d'un programme de soins.
Madame Y... estime que le programme mis en place constitue en fait une hospitalisation complète.
Elle a saisi le 18 février 2014 par l'intermédiaire de son avocat, le juge des libertés et de la détention qui a fait droit à sa demande par l'ordonnance déférée.
Le directeur du groupe hospitalier X...nous demande de dire que le régime des soins mis en oeuvre dans le cadre d'un programme de soins en date du 14 février constitue un programme de soins au sens des articles L 3211-2-1 et R 3211-1 du code de la santé publique ; que le juge des libertés et de la détention n'a pas la compétence pour se prononcer sur le contenu du programme de soins ; et, en conséquence, d'infirmer la décision de mainlevée ordonnée en première instance.
Mme Y... indique qu'elle a quitté l'hôpital est se trouve chez elle. Elle suit un traitement médicamenteux, associé à des rendez-vous au CMP.
Son avocat nous demande de confirmer l'ordonnance déférée, car le juge des libertés et de la détention est gardien des libertés, et doit pouvoir apprécier le contenu d'un programme de soins.
Sur la recevabilité de l'appel
En application de l'article R 3211-18 du code de la santé publique, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le Premier Président dans un délai de dix jours à compter de sa notification.
Ce texte ne limite pas ce droit d'appel au seul patient. Le directeur de l'hôpital dont la décision a été jugée d'irrégulière a un intérêt à agir par la voie de l'appel.
Son appel, dont la régularité n'est pas contestée, sera déclaré recevable en la forme.
Au fond
En application des dispositions des articles L 3212-1, L 3211-2-1, L 3211-12 et L 3211-12-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sans consentement sur la décision du directeur d'un établissement de soins que si les troubles mentaux qu'elle présente rendent impossible son consentement et s'ils imposent des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante, justifiant une hospitalisation complète, soit une surveillance médicale régulière dans le cadre d'un programme de soins établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil.
Le juge des libertés et de la détention est compétent pour apprécier la régularité de la procédure et le bien fondé de la mesure ordonnée.
Il doit être obligatoirement saisi lorsque le patient est pris en charge sous la forme d'une hospitalisation complète, à différents moments de la procédure ou à la requête du patient..
Il peut également être saisi à tout moment aux fins d'ordonner à bref délai la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, quelle qu'en soit la forme, et donc d'un programme de soins.
En effet, si, dans le cadre d'un programme de soins, les soins ne peuvent être imposés au patient de manière coercitive, et si celui-ci ne peut être conduit ou maintenu de force dans l'établissement prévu, le refus de soins ou le non respect par le patient du programme de soins peut conduire le médecin à proposer une hospitalisation complète.
Selon les dispositions de l'article R 3211-1 du code de la santé publique, le programme de soins indique si la prise en charge du patient inclut une ou plusieurs des modalités suivantes : 1° Une hospitalisation à temps partiel ; 2° Des soins ambulatoires ; 3° Des soins à domicile ; 4° L'existence d'un traitement médicamenteux prescrit dans le cadre des soins psychiatriques. Il précise, s'il y a lieu, la forme que revêt l'hospitalisation partielle en établissement de santé ou la fréquence des consultations ou des visites en ambulatoire ou à domicile et, si elle est prévisible, la durée pendant laquelle ces soins sont dispensés.... Lorsque le programme inclut l'existence d'un traitement médicamenteux, il ne mentionne ni la nature ni le détail de ce traitement, notamment la spécialité, le dosage, la forme galénique, la posologie, la modalité d'administration et la durée " ;
Par arrêt rendu le 20 décembre 2013, le conseil d'État a considéré que le fait que ce texte n'impose pas un délai minimal entre deux périodes de présence du patient en hospitalisation partielle ne porte pas atteinte aux libertés fondamentales, d'autant plus que les mesures prévues par le programme de soins ne peuvent être exercées sous la contrainte et que le juge des libertés et de la détention peut être saisi à tout moment.
En conséquence, s'il n'appartient pas au juge des libertés d'apprécier le contenu des mesures, il lui incombe de vérifier qu'elles figurent parmi celles prévues par l'article R 3211-1 du code de la santé publique ; s'agissant des mesures d'hospitalisation, qui portent particulièrement atteinte à la liberté d'aller et de venir, il lui incombe de vérifier si l'hospitalisation mise en place constitue effectivement une hospitalisation à temps partiel.
Le certificat médical du 14 février indique que la prise en charge en programme de soins inclut une hospitalisation à temps partiel, l'existence d'un traitement médicamenteux dans le cadre des soins psychiatriques. Il est précisé que le programme de soins se poursuit selon les modalités suivantes : des autorisations de sortie seule, une à deux journées, avec une nuit par semaine au domicile de sa mère.
Les modalités de l'hospitalisation, limitant les sorties à la journée, une à deux fois par semaine, et une nuit par semaine au domicile de sa mère, présentent manifestement les caractères non d'une hospitalisation à temps partiel, mais d'une hospitalisation complète assortie de sorties de courte durée ou de sorties non accompagnées d'une durée maximale de 48 heures, telles que prévues par l'article L 3211-11-1 du code de la santé publique.
Dès lors, c'est à juste titre que le juge des libertés et de la détention a considéré que l'hospitalisation complète de Mme Y... était maintenue malgré la décision du Premier Président y mettant fin, et a rendu la décision déférée.
Postérieurement à celle-ci, le programme de soins a été modifié par une nouvelle décision du directeur de l'établissement, en date 28 février 2014, selon des modalités qui se sont pas critiquées par l'appelante, et qui sont conformes aux caractères d'un programme de soins : suivi en ambulatoire avec consultation médicale au CMP C., une à deux fois par mois, l'existence de traitement médicamenteux prescrit dans le cadre de soins psychiatriques, et un retour à domicile le 28 février 2014.
PAR CES MOTIFS
En la forme
Déclarons recevable l'appel du directeur du groupe hospitalier X...
Au fond,
Confirmons l'ordonnance déférée
Disons que les dépens resteront à la charge du trésor public.
Prononcé pour mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.