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Cour de cassation, 16 décembre 2010, pourvois n°09-17.215 (établissement de santé - contrôle T2A - réclamation de l'indu)

La Cour de cassation retient qu'une caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) qui réclame à un établissement de santé le remboursement de prestations indues dans le cadre du contrôle de la tarification à l'activité (T2A) ne peut pas se contenter de s'appuyer sur le rapport de contrôle et doit prouver que la facturation de ces prestations était injustifiée, comme le dispose l'article 1315 du Code civil ("celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver").

La Cour de cassation rejette donc les deux pourvois déposés par la CPAM de Haute-Garonne contre deux décisions du Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de Toulouse qui la déboutaient de ses demandes en répétition de l'indu contre une clinique en considérant que "selon l'article 1315 du Code civil, auquel ne déroge pas l'article L. 133-4 du Code de la sécurité sociale, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; et attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, relevant notamment que la caisse ne produisait aucune pièce justificative autre que les conclusions d'un rapport de contrôle sur site ne comportant que des généralités, le tribunal a pu décider, sans inverser la charge de la preuve, que les actes litigieux ne justifiaient pas la facturation du forfait tarifaire retenu par la caisse au terme du contrôle de la clinique".

En revanche, un arrêt de la même cour en date du 18 novembre 2010 estime qu'une CPAM peut se contenter d'indiquer la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la date du ou des versements indus dans sa lettre de recouvrement, sans avoir à justifier précisément en quoi les prestations ne respectent pas la réglementation. Les juges observent en effet que "ayant relevé que la notification initiale de l'indu du 11 mars 2008 et la mise en demeure du 7 juillet suivant comportaient en annexe un tableau récapitulatif mentionnant, pour chacun des cinq dossiers dont la facturation était contestée, notamment, le numéro de l'assuré social, les nom et prénom du patient, les dates d'entrée et de sortie, le numéro de facture, le montant facturé, la date du paiement, le montant de l'indu et le motif de l'indu au regard des règles de la tarification, le tribunal en a exactement déduit que la polyclinique avait bien eu connaissance de la cause, de la nature et du montant de l'indu, ainsi que de celle de la date des paiements, de sorte que la motivation des deux lettres comportait l'ensemble des éléments exigés par l'article R. 133-9-1 du code de la sécurité sociale".

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE.
Formation de section.
SÉCURITÉ SOCIALE
16 décembre 2010.
Pourvoi n° 09-17.215.
Arrêt n° 2325.
Rejet.

Statuant sur le pourvoi formé par la caisse primaire d'assurance maladie du Lot, dont le siège est [...],
contre le jugement rendu le 18 septembre 2009 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse, dans le litige l'opposant à la société Clinique des Cèdres, société anonyme, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Moyen produit par la SCP Boutet, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Lot.

Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir annulé la décision de la Commission de Recours Amiable et d'avoir débouté la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE du LOT de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 1.375,39 € au titre de l'indu résultant de facturations erronées ;

AUX MOTIFS QU'en application des articles 1235, 1315 et 1376 du Code Civil et dans la mesure où il n'était pas contesté que la caisse primaire d'assurance maladie avait procédé aux paiements, il appartenait à cette dernière d'apporter la preuve de leur caractère indu ; que la caisse primaire d'assurance maladie s'appuyait sur le rapport établi à la suite du contrôle sur site effectué du 19 juin au 20 juillet 2006 ; que si en application de l'article L. 315-2, alinéa 1er, du Code de la Sécurité Sociale les avis rendus par le service du contrôle médical s'imposaient à l'organisme de prise en charge, il s'agissait en réalité d'une simple mesure d'instruction interne qui ne s'imposait pas à la juridiction de jugement ; qu'en l'espèce la CPAM du LOT ne produisait aucun autre document au débat que le rapport établi à l'issue du contrôle sur site et les tableaux annexés à la lettre de notification de l'indu en date du 21 décembre 2006 ; qu'il convenait de constater que sur ce tableau figuraient notamment les nom et prénoms des patients, la période d'hospitalisation, les valeurs initiales des GHS, la mention des faits reprochés et les valeurs finales des GHS ; que s'agissant des faits reprochés, les mentions suivantes étaient retenues "désaccord sur l'application d'une règle de codage énoncée dans le guide de production des résumés de sortie ; hospitalisation non médicalement justifiée" ; qu'il s'agissait de motifs généraux de non prise en charge repris pour l'ensemble des patients pour lesquels la facturation était contestée ; qu'aucun élément produit au débat ne permettait de dire à quelle situation réelle ces mentions faisaient référence ; que la CLINIQUE DES CEDRES contestait le contenu de ces affirmations et qu'il appartenait à la caisse primaire d'assurance maladie d'apporter des éléments de nature à confirmer les affirmations contenues dans le tableau joint à la mise en demeure ; qu'il appartenait en effet à la caisse primaire d'assurance maladie demanderesse à l'action en répétition de l'indu de démontrer et d'expliciter pour chaque dossier en quoi la situation du patient ne relevait pas de celle retenue par la clinique afin notamment de permettre au Tribunal d'apprécier le bien fondé de ses réclamations ; que la caisse primaire d'assurance maladie ne produisait à l'appui de ses demandes aucune pièce justificative notamment à caractère médical à l'exception des conclusions du rapport de contrôle sur site, document de deux pages ne contenant que des généralités ; qu'elle ne pouvait se contenter d'affirmations, la charge de la preuve lui incombant en application des dispositions de
l'article 1315 du Code Civil ; qu'elle ne pouvait non plus se contenter du caractère contradictoire dans lequel le contrôle s'était effectué ; que dans ces conditions, le Tribunal ne disposant pas des éléments suffisants pour apprécier la réalité des erreurs de tarification et la preuve de l'indu n'étant pas rapportée, il convenait de faire droit à la demande de la CLINIQUE DES CEDRES ; qu'au vu des éléments fournis au débat et notamment du tableau annexé à la lettre de notification de l'indu, aucun GHS facturé à la CPAM du LOT ne concernait la prise en charge des soins palliatifs, l'intervention de Longo ou les interventions chirurgicales avec un diagnostic principal de maladie mentale ; que les développements sur ce point étaient donc sans objet ;

ALORS D'UNE PART QUE les dispositions de l'article L. 315-1-I et de l'article L. 315-2, alinéa 1er, du Code de la Sécurité Sociale ne s'appliquent pas au contrôle a posteriori du respect par les établissements de santé des règles de facturation fixées par l'article L. 162-22-6 du Code de la Sécurité Sociale , contrôle diligenté par l'Agence Régionale de l'Hospitalisation, prévu et régi par les articles L. 162-22-17, L. 162-22-18, R. 162-32-3, R. 162-42-9 à R. 162-42-11 du Code de la Sécurité Sociale , à l'issue duquel un rapport mentionnant les résultats du contrôle est établi, les manquements aux règles de facturation, les erreurs de codage ou l'absence de réalisation d'une prestation facturée donnant alors lieu à l'établissement, par les caisses d'assurance maladie qui ont supporté l'indu correspondant, d'un état des sommes payées au titre des factures contrôlées et des sommes dues ; que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale qui, pour dénier toute valeur probante au rapport de contrôle établi en application des dispositions susvisées, a énoncé qu'en application de l'article L. 315-2, alinéa 1er, du Code de la Sécurité Sociale l'avis du service du contrôle médical s'imposait à l'organisme de prise en charge mais pas à la juridiction de jugement, a violé ce texte et les articles L. 162-22-6, L. 162-22-17, L. 162-22-18, R. 162-32-3 et R. 162-42-9 à R. 162-42-11 du Code de la Sécurité Sociale ;

ALORS D'AUTRE PART QUE lorsque le contrôle a posteriori du respect, par les établissements de santé, des règles de facturation fixées par l'article L. 162-22-6 du Code de la Sécurité Sociale
, contrôle mené contradictoirement et en concertation avec l'établissement de santé, à l'issue duquel un rapport détaille pour chacun des séjours contrôlés les éléments de la facturation et leur rectification éventuelle, fait apparaître des manquements à ces règles, des erreurs de codage ou l'absence de réalisation d'une prestation facturée, les caisses d'assurance maladie qui ont supporté l'indu correspondant transmettent à l'unité de coordination régionale un état des sommes payées au titre des factures contrôlées et des sommes dues et procèdent à la récupération de l'indu auprès de l'établissement de santé auquel il appartient alors de démontrer que la facturation qu'il a appliquée était celle prévue par les textes pour la prestation en cause ; qu'ayant relevé que la CPAM du LOT avait produit aux débats le rapport du contrôle externe auquel la CLINIQUE DES CEDRES avait été soumise, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale qui, pour faire partiellement droit au recours de l'établissement de santé, a énoncé que la CPAM du LOT ne rapportait pas la preuve de l'indu notifié, a inversé la charge de la preuve et a violé
l'article 1315 du Code Civil , ensemble les articles L. 133-4, L. 162-22-6, L. 162-22-17, L. 162-22-18, R. 162-32-3 et R. 162-42-9 à R. 162-42-11 du Code de la Sécurité Sociale .
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire , en l'audience publique du 25 novembre 2010, où étaient présents : M. Mazars, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Prétot, conseiller rapporteur, MM. Laurans, Barthélemy, Héderer, Feydeau, Cadiot, conseillers, Mmes Coutou, Martinel, M. Chaumont, Mme Fouchard-Tessier, M. Salomon, conseillers référendaires, Mme Genevey, greffier de chambre ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal des affaires de sécurité sociale de Toulouse, 18 septembre 2009), rendu en dernier ressort, que la société Clinique des Cèdres (la clinique) a fait l'objet d'un contrôle de son activité par l'agence régionale d'hospitalisation Midi-Pyrénées ; qu'à la suite des irrégularités relevées dans la tarification et la facturation de certains actes, la caisse primaire d'assurance maladie du Lot (la caisse) a notifié à la clinique un indu pour un montant de 1 375,39 euros ; que la clinique a saisi d'un recours une juridiction de la sécurité sociale ;
Attendu que la caisse fait grief au jugement d'annuler la décision de la commission de recours amiable et de la débouter de sa demande reconventionnelle en paiement de l'indu, alors, selon le moyen, que lorsque le contrôle a posteriori du respect, par les établissements de santé, des règles de facturation fixées par l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale , contrôle mené contradictoirement et en concertation avec l'établissement de santé, à l'issue duquel un rapport détaille pour chacun des séjours contrôlés les éléments de la facturation et leur rectification éventuelle, fait apparaître des manquements à ces règles, des erreurs de codage ou l'absence de réalisation d'une prestation facturée, les caisses d'assurance maladie qui ont supporté l'indu correspondant transmettent à l'unité de coordination régionale un état des sommes payées au titre des factures contrôlées et des sommes dues et procèdent à la récupération de l'indu auprès de l'établissement de santé auquel il appartient alors de démontrer que la facturation qu'il a appliquée était celle prévue par les textes pour la prestation en cause ; qu'ayant relevé que la caisse avait produit aux débats le rapport du contrôle externe auquel la Clinique des Cèdres avait été soumise, le tribunal des affaires de sécurité sociale qui, pour faire partiellement droit au recours de l'établissement de santé, a énoncé que la caisse ne rapportait pas la preuve de l'indu notifié, a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil , ensemble les
articles L. 133-4, L. 162-22-6, L. 162-22-17, L. 162-22-18, R. 162-32-3 et R. 162-42-9 à R. 162-42-11 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu que, selon l'article 1315 du code civil , auquel ne déroge pas l'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale , celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ;

Et attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, relevant notamment que la caisse ne produisait aucune pièce justificative autre que les conclusions d'un rapport de contrôle sur site ne comportant que des généralités, le tribunal a pu décider, sans inverser la charge de la preuve, que les actes litigieux ne justifiaient pas la facturation du forfait tarifaire retenu par la caisse au terme du contrôle de la clinique ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que la première branche du moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d’assurance maladie du Lot aux dépens ;

Vu l’ article 700 du code de procédure civile , rejette les demandes respectives des parties ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille dix.

Sur le rapport de M. Prétot, conseiller, les observations de la SCP Boutet, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Lot, de la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de la société Clinique des Cèdres, l’avis de M. Lautru, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

M. MAZARS, conseiller doyen faisant fonction de président.