A l'occasion de 6 arrêts en date du 22 mai 2008, la Cour de cassation s’est prononcée sur le lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, ainsi que sur la définition du défaut d’un produit. En effet, la Cour de cassation rejette les pourvois n°06-18848 et n°05-10953, en considérant que l’absence de certitude scientifique sur l’innocuité du produit n’emporte pas présomption de défaut. En revanche, dans deux arrêts de cassation (pourvois n°06-10967 et n°05-20317), la Cour considère que le lien de causalité entre la pathologie et le dommage peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes. Enfin, dans deux autres arrêts (pourvoi n°06-14952 et n°07-17200), la Haute juridiction précise que le défaut du produit ne peut se déduire de la survenue d’un dommage et qu’un médicament n’est pas pour autant défectueux. Les juges doivent ainsi apprécier tant la présentation du produit que le moment de sa mise en circulation. Pour sa part, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 9 mars 2007, avait reconnu l’imputabilité de la sclérose en plaques à la vaccination contre l’hépatite B au regard d’une part, du bref délai entre la vaccination et les premiers symptômes, et d’autre part, de l’absence de tous antécédents à la pathologie. |
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 22 mai 2008
N° de pourvoi : 06-18848
Non publié au bulletin Rejet
M. Bargue (président), président
Me Foussard, SCP Defrenois et Levis, SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi principal de Mme X... et sur le moyen unique du pourvoi incident de la CPAM du Loiret qui sont identiques :
Attendu que Mme X... a reçu, les 8 novembre et 21 décembre 1995, deux injections du vaccin anti-hépatite B, Engerix B, fabriqué par le laboratoire pharmaceutique Smithkline Beecham ; qu' ayant appris, en mars 1996, qu'elle était atteinte de sclérose en plaques, elle a assigné la société Smithkline Beecham, devenue la société Glaxosmithkline, en responsabilité et indemnisation de son préjudice en imputant sa maladie à la vaccination ; que l'arrêt attaqué (Paris, 2 juin 2006), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 23 septembre 2003, P. n° 01-13.064) a débouté Mme X... et la CPAM de leurs demandes ;
Attendu que Mme X... et la CPAM du Loiret font grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen commun aux deux pourvois :
1°/ que la responsabilité du producteur est soumise à la condition préalable que le demandeur prouve la défectuosité du produit, avant d'établir le lien de causalité entre le défaut et le dommage ; qu'en considérant que Mme X... soutenait à tort ne devoir prouver que le défaut du produit, puis le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du code civil interprétés à la lumière de la directive CEE 85-374 du 24 juillet 1985 ;
2°/ que le producteur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat, est responsable de l'inexécution de cette obligation en cas de dommage causé par son produit lorsqu'au moment où il l'a mis en circulation, ce produit n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre compte tenu, notamment, de sa présentation, de l'usage qui pouvait en être raisonnablement attendu ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y avait été invitée, si le vaccin n'était pas défectueux au regard du rapport bénéfice/risque résultant de la présentation du produit et des risques connus à la date de mise en circulation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1382 du code civil interprétés à la lumière de la directive CEE 85-374 du 24 juillet 1985 ;
3°/ qu'en application du principe de précaution, l'absence de certitude scientifique sur l'innocuité d'un vaccin établit une présomption de défaut ; qu'ayant constaté que des incertitudes scientifiques ressortent des informations et avis recueillis, la cour d'appel, en considérant néanmoins que les présomptions examinées ne suffisent pas à établir la causalité, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1353 du code civil ;
Mais attendu, sur les deux premières branches, que la cour d'appel, ayant souverainement apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a estimé que Mme X... ne rapportait pas la preuve d'un lien causal entre l'injection qu'elle a reçue et l'apparition de la sclérose en plaques, excluant ainsi l'imputabilité de la maladie à la vaccination ; que par ces motifs l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Attendu, enfin, que contrairement aux allégation de la troisième branche, l'absence de certitude scientifique sur l'innocuité du vaccin n'emporte pas de présomption de défaut ; que le grief n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal de Mme X..., et provoqué de la CPAM du Loiret ;
Laisse à Mme X... et à la CPAM du Loiret la charge des dépens afférents à leur pourvoi respectif ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille huit.