A l'occasion de 6 arrêts en date du 22 mai 2008, la Cour de cassation s’est prononcée sur le lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, ainsi que sur la définition du défaut d’un produit. En effet, la Cour de cassation rejette les pourvois n°06-18848 et n°05-10953, en considérant que l’absence de certitude scientifique sur l’innocuité du produit n’emporte pas présomption de défaut. En revanche, dans deux arrêts de cassation (pourvois n°06-10967 et n°05-20317), la Cour considère que le lien de causalité entre la pathologie et le dommage peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes. Enfin, dans deux autres arrêts (pourvoi n°06-14952 et n°07-17200), la Haute juridiction précise que le défaut du produit ne peut se déduire de la survenue d’un dommage et qu’un médicament n’est pas pour autant défectueux. Les juges doivent ainsi apprécier tant la présentation du produit que le moment de sa mise en circulation. Pour sa part, le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 9 mars 2007, avait reconnu l’imputabilité de la sclérose en plaques à la vaccination contre l’hépatite B au regard d’une part, du bref délai entre la vaccination et les premiers symptômes, et d’autre part, de l’absence de tous antécédents à la pathologie. |
Cour de cassation
1re chambre civile
Audience publique du jeudi 22 mai 2008
N° de pourvoi : 07-17200
Non publié au bulletin
Rejet
M. Bargue (président), président
Me Odent, SCP Thomas-Raquin et Bénabent, avocat(s)
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X... a été atteint en octobre 1994 d'un syndrome de Lyell ; qu'imputant cette maladie à la prise de deux médicaments qui lui avaient été prescrits pour une crise de goutte, le "zyloric" et le "colchimax" fabriqués, respectivement, par la société Laboratoire Wellcome, aux droits de laquelle est venue la société Laboratoire Glaxosmithkline, et par la société Laboratoire Hoechst Houde, aux droits de laquelle est venue la société Laboratoire Aventis, M. X... a recherché la responsabilité de ces deux sociétés ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Angers, 16 juin 2006) rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1, 5 avril 2005, Bull. Civ. 2005, I, n° 173) de l'avoir débouté de ses demandes formées contre le laboratoire fabriquant le Zyloric à l'origine de son affection cutanée, alors, selon le moyen :
1°/ que tout laboratoire pharmaceutique engage sa responsabilité pour manquement à son obligation générale de vigilance lorsqu'existent des présomptions graves, précises et concordantes permettant d'établir un lien causal entre le médicament mis sur le marché et l'affection grave de la victime qui l'a absorbé ; que pour infirmer le jugement qui avait retenu la responsabilité contractuelle de la société Glaxosmithkline pour avoir fabriqué et commercialisé le Zyloric, à l'origine certaine du syndrome de Lyell dont M. X... a été atteint, la cour d'appel s'est bornée à écarter toute responsabilité à raison de produits défectueux ; qu'en s'abstenant de rechercher si, indépendamment de toute considération de dangerosité, la société Glaxosmithkline n'avait pas engagé sa responsabilité pour manquement à son devoir de vigilance, à l'instar de la société Aventis, définitivement condamnée pour des faits identiques, la cour d'appel a privé son arrêt infirmatif de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'en cause d'appel, M. X... avait régulièrement produit de nombreux ouvrages médicaux en extraits certifiant que les syndromes, diversement dénommés, causés par le Zyloric n'étaient pas rares ni isolés, mais représentaient un pourcentage suffisamment important d'affections graves pour que ce produit soit sinon retiré du marché tout au moins fasse l'objet d'une information spécifique attirant particulièrement l'attention du patient sur les risques graves encourus et la nécessité de n'y recourir qu'en cas de crises de gouttes très sévères ; qu'en affirmant que les publications antérieures à 1994 auraient uniquement recensé des problèmes mais n'auraient pas démontré des fréquences importantes dissimulées, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de M. X..., en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que dans ses conclusions d'appel, M. X... avait longuement expliqué, avec extraits d'ouvrages médicaux à l'appui, la disproportion entre la gravité du risque encouru et le bénéfice pouvant être attendu du Zyloric, compte tenu de surcroît de la maladie sans gravité réelle, la goutte, qu'il était censé guérir sans lui faire supporter un risque de survenance du syndrome de Lyell qui s'est ainsi réalisé ; qu'en s'abstenant de répondre à ces moyens pertinents de nature à démontrer que la société Glaxosmithkline avait fabriqué et commercialisé, sans information complète et loyale suffisante, un médicament dangereux, la cour d'appel n'a pas satisfait à son obligation de motivation de son arrêt, au regard de l'article 455 du code de procédure civile qu'elle a violé ;
4°/ que nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ; qu'en se fondant sur les assertions de la société Glaxosmithkline qui aurait certifié que les effets indésirables de son médicament auraient été rares, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé et privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de l'article 6 de la directive n° 95/374 du conseil des communautés européennes du 25 juillet 1985, alors non encore transposée en droit français ;
5°/ qu'est défectueux le produit lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, cette sécurité étant appréciée selon les circonstances, et notamment selon la présentation du produit ; qu'en se prononçant par des motifs erronés, insuffisants ou inopérants, liés à l'absence de fréquence de pathologies engendrées par l'administration du médicament, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de l'article 6 de la directive n° 95/374 du conseil des communautés européennes du 25 juillet 1985, alors non encore transposée en droit français ;
Mais attendu que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, ne tend, dans ses quatre dernières branches, qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel de la portée et de la valeur des éléments de preuve qui lui étaient soumis ; qu'il ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande de Me Odent, avocat de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille huit.