La tierce opposition est une voie de recours extraordinaire, ouverte aux personnes qui n’ont été ni parties ni représentées lors du jugement qu’elles attaquent. Toutefois, “ les créanciers et autres ayants cause d’une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s’ils invoquent des moyens qui leur sont propres ” (article 583 du nouveau code de procédure civile).
L’article 582 du nouveau code de procédure civile énonce que “ la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque. Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ”. Ainsi, l’arrêt de la Cour de Cassation en date du 3 décembre 2002 est important en ce qu’il considère que la tierce opposition n’est pas exclue contre les décisions rendues par le juge des tutelles. Plus généralement, “ tout jugement est susceptible de tierce opposition ”, sauf dispositions législatives contraires (article 585 du nouveau code de procédure civile). |
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 583 et 585 du nouveau Code de procédure civile, ensemble les articles 1214 et 1215 du même code ;
Attendu que tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n'en dispose autrement ; que cette voie de recours n'est pas exclue par le dernier de ces textes qui n'ouvre un recours spécial devant le tribunal de grande instance qu'aux personnes dont les droits ou charges sont modifiés, lesquels s'entendent exclusivement de ceux qui résultent de l'organisation de la tutelle ;
Attendu que, le 11 mars 1996, Mme X..., veuve Y..., née le 26 janvier 1916, a signé un compromis de vente sous seing privé d'un immeuble ; que, par ordonnance du 3 juillet 1996, le juge des tutelles de Schiltigheim l'a placée sous la sauvegarde de justice, a désigné un mandataire spécial et a révoqué "en tant que de besoin toutes procurations antérieures qui auraient été données par la personne à protéger" ; que l'acte authentique de vente de l'immeuble a été reçu le 9 septembre 1996 par M. Z..., notaire, en vertu d'une procuration donnée le 20 avril 1996 par Mme Y... à l'un de ses clercs ; que, par jugement du 17 mars 1997, Mme Y... a été placée sous le régime de la curatelle, puis sous celui de la tutelle par jugement du 16 février 1998 ;
que, par acte du même jour, la SCI Villa Carmina, qui avait acquis l'immeuble, et M. Z... ont formé tierce opposition contre l'ordonnance du 3 juillet 1996 ; que, par jugement du 15 septembre 1998, le juge des tutelles a déclaré la tierce opposition recevable et dit que la révocation des procurations visait exclusivement les procurations entrant dans la compétence du mandataire spécial ; que l'UDAF du Bas-Rhin, agissant en qualité de tuteur de Mme Y..., a formé un recours contre cette décision ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable la tierce opposition, le jugement attaqué énonce que le régime général de cette voie de recours extraordinaire n'est pas applicable aux décisions du juge des tutelles qui relèvent des dispositions des articles 1214 et 1215 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'en statuant ainsi, le Tribunal a violé les articles 583 et 585 du nouveau Code de procédure civile par refus d'application et les articles 1214 et 1215 du même Code par fausse interprétation ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 11 septembre 2000, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Strasbourg ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Saverne ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'UDAF, ès qualités, et celle des demandeurs au pourvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille deux.