En l’espèce, une patiente d’un centre hospitalier universitaire a fait une tentative de suicide. Il résulte de l’information qu’un médecin sénior du service des urgences de cet établissement de santé a commis une faute en ne s’inquiétant pas du dosage de lithémie qui avait été demandé par le responsable du service dont il avait assuré la relève alors qu’il savait, par les pièces du dossier médical, que la patiente avait fait une tentative de suicide à l’aide de médicaments qui lui étaient prescrits dont l’une à base de lithium. Par cet arrêt, la chambre criminelle considère qu’il n’existait pas, contre ce professionnel de santé ou contre quiconque, des charges d’avoir commis le délit d’homicide involontaire suffisantes pour justifier un renvoi devant le tribunal correctionnel. Elle estime ainsi qu’il n'existait pas de loi ou de règlement prévoyant une obligation particulière de prudence ou de sécurité qui aurait de façon délibérée été violée par ce médecin et qu’il y a lieu de replacer la faute, imputable à ce dernier, dans le contexte du service des urgences avec un nombre important de patients et un effectif allégé en raison du week-end. De plus, la Cour ajoute que les symptômes alors présentés par la patiente n'étaient nullement alarmants et qu’il a pu présumer que les résultats des analyses de toxicologie et de biochimie seraient proches de la normale et, en tout cas, pas inquiétants. Dans ces conditions, il n’apparaît pas que la faute d'inattention puisse revêtir les traits d'une faute caractérisée au sens de la loi Fauchon du 10 juillet 2000 dans la mesure où elle ne saurait être considérée comme un manquement caractérisé à des obligations professionnelles essentielles ou comme le résultat d'imprudences ou de négligences révélatrices d'un comportement blâmable et inadmissible. Au surplus, la faute n'est pas avec le décès dans un lien de causalité directe, certaine et exclusive. |
Cour de cassation
Chambre criminelle
27 Janvier 2009
Irrecevabilité
N° 08-84.502
Inédit
M. Farge (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), Président
SCP Monod et Colin, Avocat
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Christine, épouse Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de RIOM, en date du 20 mai 2008, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, du chef d'homicide involontaire, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 janvier 2009 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Farge conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Blondet conseiller rapporteur, M. Palisse conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle MONOD et COLIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRÉCHÈDE ;
Vu le mémoire produit et les observations complémentaires développées à l'audience par Me Z... ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a décidé n'y avoir lieu à suivre du chef d'homicide involontaire contre quiconque ;
"aux motifs que, saisi de nouveau par le juge d'instruction pour préciser ses conclusions, le professeur A... indiquait que tous les auteurs français ou étrangers s'accordaient pour affirmer la gravité d'une intoxication au lithium du fait de sa neurotoxicité ; que, malgré la mise en place rapide des soins et traitements, en particulier le traitement épurateur et symptomatique, une telle intoxication connaît un taux de mortalité de 1% chez certains auteurs à 2% chez d'autres, une publication plus ancienne parlant d'un taux de 15% ;
"et aux motifs qu'il résulte de l'information et qu'il est reconnu par le docteur B..., médecin senior du service des urgences au CHU, qu'il a commis une faute en ne s'inquiétant pas du dosage de lithémie qui avait été demandé par le responsable du service dont il avait assuré la relève le 20 juillet 2002 à 13 heures, alors qu'il savait par les pièces du dossier que la patiente avait fait une tentative de suicide à l'aide des médicaments qui lui étaient prescrits, dont l'un à base de sel de lithium ;
qu'au terme de l'article 121-3 du code pénal, les personnes physiques, qui n'ont pas causé directement le dommage mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer ; qu'en l'espèce, il n'existait pas de loi ou de règlement prévoyant une obligation particulière de prudence ou de sécurité qui aurait de façon délibérée été violée par le docteur B... ;
que, s'agissant de la faute imputable au docteur B..., il y a lieu de la replacer dans le contexte du service des urgences avec un nombre important de patients et un effectif allégé en raison du week-end ; que les symptômes alors présentés par la patiente n'étaient nullement alarmants et que le docteur B... a pu présumer, comme il l'a déclaré, que les résultats des analyses de toxicologie et de biochimie seraient proches de la normale et, en tout cas, pas inquiétants ; qu'il n'apparaît pas dans ces conditions que la faute d'inattention puisse revêtir les traits d'une faute caractérisée au sens de la loi du 10 juillet 2000 dans la mesure où elle ne saurait être considérée comme un manquement caractérisé à des obligations professionnelles essentielles ou comme le résultat d'imprudences ou de négligences révélatrices d'un comportement blâmable et inadmissible ;
qu'au surplus, la faute n'est pas avec le décès dans un lien de causalité directe, certaine et exclusive dans la mesure où, selon l'expert, même dans l'hypothèse où le docteur B... se serait inquiété, où il aurait fait communiquer le plus rapidement les dosages de lithémie et où il aurait entrepris immédiatement les soins et traitements appropriés, il n'est pas certain que la patiente aurait survécu, le taux de mortalité, dans cette hypothèse, restant, selon les auteurs, de 98 à 99% ; que c'est par une exacte analyse des faits et par une juste application de la loi que le juge d'instruction a considéré qu'il n'existait pas contre le docteur B... ou contre quiconque des charges d'avoir commis le délit d'homicide involontaire suffisantes pour justifier un renvoi devant le tribunal correctionnel ; que l'ordonnance de non-lieu sera en conséquence confirmée ;
"1°) alors que la chambre de l'instruction a constaté que le professeur A..., désigné comme expert, avait indiqué que tous les auteurs s'accordaient pour affirmer la gravité d'une intoxication au lithium du fait de sa neurotoxicité et que, malgré la mise en place rapide des soins et traitements, en particulier le traitement épurateur et symptomatique, une telle intoxication connaît un taux de mortalité de 1% chez certains auteurs à 2% chez d'autres, une publication plus ancienne parlant d'un taux de 15% ; qu'elle a, par ailleurs, retenu qu'à supposer même que le docteur B... se soit inquiété, qu'il se soit fait communiquer le plus rapidement les dosages de lithémie et qu'il ait entrepris immédiatement les soins et traitements appropriés, il n'est pas certain que la patiente aurait survécu, le taux de mortalité dans cette hypothèse restant, selon les auteurs, de 98 à 99 % ; qu'en retenant à la fois que le taux de mortalité en cas d'intoxication par le lithium était de 1 à 2% et qu'il était de 98 à 99%, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs contradictoires ; que, ce faisant, son arrêt ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;
"2°) alors que la faute caractérisée engage la responsabilité de son auteur, peu important à cet égard que lien de causalité entre la faute et le dommage soit indirect ; que constitue la faute caractérisée le médecin qui n'accomplit pas les diligences normales qui lui incombent eu égard à la pathologie du patient dont il a connaissance et aux risques encourus ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a constaté que le docteur B..., médecin senior au service des urgences du CHU, a commis une faute en ne s'inquiétant pas du dosage de lithémie qui avait été demandé par le responsable du service dont il avait assuré la relève, alors qu'il savait par les pièces du dossier que la patiente avait fait une tentative de suicide à l'aide des médicaments qui lui étaient prescrits, dont l'un à base de sel de lithium ; qu'elle ne pouvait, sans se contredire, et sauf à considérer que le fait, pour un médecin, de ne pas se soucier du taux de lithémie d'un patient hospitalisé pour avoir ingéré des sels de lithium - quant la toxicité du produit est létale à partir d'un certain taux mais qu'elle peut être combattue par une hémodialyse, laquelle, comme l'a constaté la chambre de l'instruction ramène le risque de mortalité à 1% à 2% suivant les auteurs - en déduire que cette faute ne revêtait pas les traits d'une faute caractérisée car elle n'aurait pas constitué un manquement caractérisé aux diligences normales qui lui incombent et, partant, à une obligation professionnelle essentielle ; que cette déduction inexacte des conséquences légales ne permet pas à l'arrêt de satisfaire, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article 575 du code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
DÉCLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept janvier deux mille neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;