A la suite d'une chute de sa terrasse, une jeune femme décède le 12 février 2003 des conséquences d'un hémopneumothorax à l'hôpital Saint Roch à Nice. L'enquête pénale révèle que la patiente n'a été suivie que par deux internes, en l'absence du médecin sénior qui avait été autorisé à quitter son poste pour raison de santé. Sont renvoyés devant le Tribunal correctionnel le médecin des pompiers, deux internes de l'hôpital et une infirmière appartenant au service d'accueil des urgences ainsi que le CHU de Nice dont dépendait l'hôpital Saint Roch. Relaxé en première instance, le CHU de Nice (ainsi que l'un des internes) est condamné en appel pour homicide involontaire, la cour retenant l'existence d'une défaillance manifeste du service des urgences, à savoir l'absence de remplacement d'un médecin senior et ce, en infraction avec le règlement intérieur de l'établissement. Pour la cour, cette faute est la cause indirecte mais certaine du décès de la patiente. La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d'appel et sa jurisprudence selon laquelle une faute simple suffit à engager la responsabilité pénale d'une personne morale, que cette dernière soit l'auteur direct ou indirect de l'infraction.
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE.
Formation restreinte.
9 mars 2010.
Pourvoi n° 09-80.543.
Arrêt n° 1576.
BULLETIN CRIMINEL - BULLETIN D'INFORMATION.
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE NICE,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 8 décembre 2008, qui, pour homicide involontaire, l'a condamné à 20 000 euros d'amende ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 221-6 du code pénal , 591 et 593 du code de procédure pénale
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le centre hospitalier universitaire de Nice coupable du délit d'homicide involontaire dont Valérie X... a été victime ;
"aux motifs qu'à tort les premiers juges ont soumis comme préalable à la déclaration de culpabilité du centre hospitalier universitaire de Nice, personne morale, la condamnation de personne(s) physique(s) agissant pour son compte comme organe ou représentant ; que l'enquête et les débats ont révélé une défaillance manifeste du service de l'accueil de l'hôpital Saint-Roch qui relève du centre hospitalier universitaire de Nice ; que cette défaillance consiste en l'absence de médecin senior dans ce service alors que le titulaire était autorisé à s'absenter par son supérieur hiérarchique, le docteur Y..., responsable de toutes les unités des services des urgences, et ce, en infraction au règlement intérieur qui impose la seniorisation dans chaque unité sectorisée de ces services ainsi que l'accueil par un médecin senior de chaque patient à charge pour lui, éventuellement, sous sa responsabilité d'attribuer le suivi de ce patient à un interne ou faisant fonction, et non comme semblait être à l'époque la pratique énoncée par le docteur Y... selon laquelle le médecin senior ne se déplaçait que sur demande du service ; que cette désorganisation fautive n'a pas permis de prendre, dès l'arrivée de Valérie X..., les mesures appropriées qu'un médecin senior aurait dû mettre en oeuvre mais surtout dès le retour de cette patiente du service des radiographies puisque c'est à ce moment là que le processus vital s'est enclenché pour défaut de mise en place d'un protocole adéquat qui aurait permis d'éviter l'arrêt cardiocirculatoire alors que l'existence de la pathologie majeure était révélée ; que cette faute patente est la cause indirecte et certaine du décès de Valérie X... ;
"1°) alors que la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu'ainsi, en imputant au centre hospitalier universitaire de Nice une défaillance fautive dans la gestion du service, tenant à l'absence d'un médecin senior, lequel aurait pu, selon les termes de l'arrêt, prendre les mesures qui s'imposaient au regard de la pathologie révélée par les radiographies pratiquées sur Valérie X..., cependant que, dans le même temps, il a été reproché à l'interne de service, le docteur Z..., de n'avoir pas fait appel, au vue des radiographies faisant apparaître une pathologie majeure chez cette patiente, à un médecin senior dont la présence a été expressément constatée à proximité, lequel aurait pu décider de la procédure à suivre, ce dont il ressortait dès lors qu'aucune défaillance en la matière ne pouvait valablement être reprochée au centre hospitalier universitaire de Nice, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement, privant sa décision de base légale ;
"2°) alors qu'en imputant ainsi au centre hospitalier de Nice une faute d'organisation consistant à n'avoir pas assuré la présence d'un médecin senior dans l'unité du service des urgences ayant accueilli Valérie X..., cependant qu'elle a elle-même constaté que le médecin senior du service ainsi concerné, le docteur A..., avait prématurément quitté son poste pour raison de santé, ce dont il ressortait que la défaillance qui en découlait ne résultait pas d'un choix délibéré du centre hospitalier concernant l'organisation de ce service, mais d'une cause imprévisible à laquelle il est demeuré étranger, la cour d'appel n'a une fois encore pas tiré les conséquences légales qui s'imposaient à elle au regard de ses propres constatations, privant sa décision de base légale" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Valérie X... est décédée, le 12 février 2003, à l'âge de trente-cinq ans, des conséquences d'un hémopneumothorax à l'hôpital Saint Roch à Nice, où elle avait été admise en urgence le 10 février à la suite d'une chute de sa terrasse la veille au soir ; qu'à l'issue de l'information ouverte sur réquisitoire du procureur de la République, le médecin des pompiers, deux internes de l'hôpital et une infirmière appartenant au service d'accueil des urgences ainsi que le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Nice dont dépendait l'hôpital Saint Roch ont été renvoyés du chef d'homicide involontaire devant le tribunal correctionnel qui les a relaxés ; que les parties civiles et le procureur de la République ont interjeté appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer ce jugement et déclarer le CHU coupable, l'arrêt retient que Valérie X... n'a pu, en raison du départ du médecin senior de la zone de chirurgie autorisé par le chef de service, être examinée par un médecin senior tant lors de son arrivée au service des urgences qu'à son retour du service de radiologie, alors que le pronostic vital était engagé ; que la cour d'appel ajoute que cette défaillance manifeste du service d'accueil des urgences, en infraction au règlement intérieur de l'hôpital qui impose la présence d'un médecin senior dans chaque unité fonctionnelle de ce service, entretient un lien de causalité certain avec le décès de la victime ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel à justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que le CHU de Nice devra payer à B..., Charles X..., Claudette C..., épouse D..., Bénédicte D..., épouse E... et Stéphanie D..., épouse F..., au titre de l'
article 618-1 du code de procédure pénale
;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de Me Le PRADO, de Me de NERVO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;
M. LOUVEL président.