Par un arrêt en date du 8 juin 2022, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rappelé l’obligation de surveillance clinique continue d’un médecin anesthésiste-réanimateur lors d’une intervention chirurgicale sous anesthésie générale.
En l’espèce, au cours d’une néphrectomie sous anesthésie générale, l’anesthésie a constaté en début d’intervention une hypotension artérielle qui l’a conduit à suspendre momentanément l’arrivée de gaz anesthésiant. Ce geste a provoqué le réveil du patient lors de l’intervention qui a ressenti l’ensemble des actes opératoires sans pouvoir effectuer un mouvement. Alerté par une hypertension artérielle et une majoration des saignements, le chirurgien a constaté que le médecin anesthésiste s’était absenté sans prévenir et reste introuvable et injoignable.
Lors de l’enquête préliminaire, l’expertise conclut que le réveil du patient est la conséquence d’une faute du praticien et que celui-ci ne peut s’absenter du bloc opératoire que de manière brève, en avisant les autres soignants, et uniquement lorsque l’anesthésie est stable, conditions qui n’ont pas été respectées en l’espèce.
L’anesthésiste est reconnu coupable par le tribunal correctionnel, puis par la cour d’appel qui le condamne à six mois d’emprisonnement avec sursis et trois ans d’interdiction professionnelle. Le médecin se pourvoit alors en cassation.
Le praticien estime que les articles D. 6124-91 et suivants du code de la santé publique qui ne créent des obligations (notamment de surveillance anesthésiques continue pendant l’intervention), qu’à la charge des seuls établissements de santé, et non à la charge des médecins anesthésistes personnellement.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme les condamnations. Elle considère que :
- D’une part, l’article D. 6124-93 du code de la santé publique met à la charge des médecins anesthésistes l’obligation de participer à l’élaboration de la programmation des interventions ;
- D’autre part, l’anesthésie est mise en œuvre sous la responsabilité d’un médecin anesthésiste-réanimateur qui doit assurer une surveillance clinique continue à l’aide des moyens mis à disposition par l’établissement (article D. 6124-94 du code de la santé publique).
Elle ajoute enfin qu’il incombe au médecin anesthésiste, sous la responsabilité duquel l’anesthésie est pratiquée, d’assurer, directement ou par la fourniture de directives à ses assistants, un contrôle permanent des données fournies par les instruments afin d’adapter la stratégie anesthésique.
Par conséquent, en s’absentant de la salle d’opération sans prévenir les autres soignants, alors qu’il venait de constater une hypotension artérielle l’ayant conduit à décider une suspension momentanée de l’arrivée de gaz anesthésiant qu’il savait entrainer une situation précaire devant faire l’objet d’une vigilance constante, le praticien a violé de manière délibérée les obligations particulières de prudence qui lui incombaient.