En l'espèce, Madame D, en couple depuis plusieurs années avec Madame W, a donné naissance à F en octobre 2018. Par un acte notarié d'octobre 2019, Madame D a consenti à l'adoption plénière de F par Madame W. Ce consentement a été rétracté un mois plus tard, après la séparation du couple.
Par ce pourvoi, Madame D fait grief à l'arrêt de la Cour d'appel d'avoir prononcé l'adoption plénière de F par Madame W.
En effet, selon l'article 6, IV alinéa premier de la loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, "lorsqu'un couple de femmes a eu recours à une AMP à l'étranger avant la publication de la présente loi, il peut faire, devant le notaire, une reconnaissance conjointe de l'enfant dont la filiation n'est établie qu'à l'égard de la femme qui a accouché. Cette reconnaissance établit la filiation à l'égard de l'autre femme".
L'article 9 de la loi nº 2022-219 du 21 février 2022 visant à réformer l'adoption dispose :
« À titre exceptionnel, pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi lorsque, sans motif légitime, la mère inscrite dans l'acte de naissance de l'enfant refuse la reconnaissance conjointe prévue au IV de l'article 6 de la loi nº 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, la femme qui n'a pas accouché peut demander à adopter l'enfant, sous réserve de rapporter la preuve du projet parental commun et de l'AMP réalisée à l'étranger avant la publication de la même loi, dans les conditions prévues par la loi étrangère, sans que puisse lui être opposée l'absence de lien conjugal ni la condition de durée d'accueil prévue au premier alinéa de l'article 345 du code civil. Le tribunal prononce l'adoption s'il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l'intérêt de l'enfant et si la protection de ce dernier l'exige. Il statue par une décision spécialement motivée.»
Le pourvoi pose la question de savoir si le législateur, en prévoyant que « Le tribunal prononce l'adoption s'il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l'intérêt de l'enfant et si la protection de ce dernier l'exige », a entendu subordonner le prononcé de l'adoption à une condition autonome tenant à l'exigence de protection de l'enfant.
Ce dispositif transitoire a été créé pour régler la situation des couples de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation à l'étranger avant la loi du 2 août 2021 et qui se sont séparées, de manière conflictuelle, depuis le projet parental commun. Il ressort de l'exposé des motifs de l'amendement à l'origine de l'article 9 précité que celui-ci a pour objectif de ne pas priver l'enfant issu de ce projet parental de la protection qu'offre un second lien de filiation, du seul fait de la séparation conflictuelle de ses parents et du refus consécutif de la femme inscrite dans l'acte de naissance d'établir la reconnaissance conjointe. L'adoption ne sera prononcée que si ce refus n'est pas légitime et si elle est conforme à l'intérêt de l'enfant.
La Cour de cassation en conclut donc : "il y a lieu de considérer qu'au regard du projet parental commun dont a procédé l'AMP réalisée, l'adoption de l'enfant peut être prononcée si, en dépit du refus, sans motif légitime, de la femme qui a accouché de procéder à la reconnaissante conjointe, elle est conforme à l'intérêt de l'enfant, souverainement apprécié par le juge en considération des exigences de sa protection."