A l’occasion d’une décision du 14 novembre 2024, la première Chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée quant à la conformité à l’ordre public substantiel d’une décision étrangère ayant établi la filiation d’un enfant né d’une gestation pour autrui à l’égard de la mère d’intention.
En l’espèce, une femme a conclu une convention de gestation pour autrui avec une mère porteuse résidant en Colombie-Britannique (Canada). Un enfant, conçu à partir des gamètes de deux tiers donneurs, est né le 8 décembre 2019. Le 1er février 2021, la Cour suprême de Colombie-Britannique a jugé que la femme ayant conclu la convention de gestation pour autrui avec la mère porteuse était le seul parent de cet enfant et qu’elle disposait de sa garde exclusive ainsi que de l’ensemble des droits et responsabilité parentaux à son égard. Cette femme, mère d’intention, a alors assigné le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris afin de voir prononcer l’exéquatur du jugement canadien et juger que celui-ci produirait les effets d’une adoption plénière. Le 18 avril 2023, la cour d’appel de Paris a confirmé la décision des juges canadiens et accédé aux demandes de la mère d’intention.
Le procureur général près la cour d’appel de Paris s’est pourvu en cassation contre cette décision. Il a en effet estimé qu’eu égard à l’article 16-7 du Code civil, lequel prohibe la gestation pour autrui en droit français, une décision étrangère établissant la filiation d’un enfant né d’une gestation pour autrui à l’égard de la mère d’intention, qui n’est pas la mère biologique, n’est pas conforme à l’ordre public international français. Il a par ailleurs estimé qu’en considérant que l’exéquatur de l’ordonnance canadienne produirait les effets d’une adoption plénière en France, la cour d’appel de Paris avait procédé à une révision prohibée dans la décision étrangère et violé l’article 509 du Code de procédure civile.
La première Chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé la décision de la cour d’appel de Paris, mais seulement en ce qu’elle disait que l’ordonnance canadienne produirait les effets d’une adoption plénière en France. Elle a, pour ce faire, rappelé que pour accorder l’exéquatur, le juge français doit s’assurer de la compétence indirecte du juge étranger, de la conformité à l’ordre public international de fond et de procédure, ainsi que de l’absence de fraude. Elle a en revanche rappelé qu’eu égard à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’Homme, la circonstance que la naissance d'un enfant à l'étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui ne peut, à elle seule, faire obstacle à la reconnaissance en France des liens de filiation établis à l'étranger tant à l'égard du parent biologique qu'à l'égard du parent d'intention. Elle a également démontré qu’aucun principe essentiel du droit français n’interdit la reconnaissance en France d’une filiation établie à l’étranger qui ne correspondrait pas à la réalité biologique.
Si la gestation pour autrui est explicitement condamnée dans son principe depuis l’arrêt de l’Assemblée Plénière de la Cour de cassation du 31 mai 1991, la loi du 29 juillet 1994 ayant par la suite prohibé toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui (art 16-7 du code civil), il ressort de la présente décision qu’une décision étrangère établissant la filiation d’un enfant né d’une gestation pour autrui à l’égard de la mère d’intention, laquelle n’est pas la mère biologique, n’est pas pour autant contraire à l’ordre public.