A la suite de l'attentat kamikaze commis par X. en Tunisie ayant, du fait de l'explosion d'un camion-citerne, provoqué la mort de plus de vingt personnes et occasionné des blessures très graves à plusieurs autres victimes, MM. Y. et Z. ont été condamnés par la cour d'assises spéciale de Paris pour complicité d'assassinats et de tentatives d'assassinats et pour participation à des actes de terrorisme, faits commis en France s’agissant de M. Y. Les victimes ont saisi le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) d'une demande d'indemnisation. En raison de son refus, elles l'ont assigné devant un tribunal de grande instance. La Cour d’appel a confirmé ce refus, estimant que l'acte de terrorisme dont les requérants avaient été victimes avait été commis à l'étranger, à Tunis, lieu de l'attentat suicide. Les requérants se sont pourvu en cassation et ont argué qu’ils avaient « été victimes en réalité de plusieurs actes de terrorisme dont certains, qui ont contribué à la réalisation de leurs préjudices, ont été commis sur le territoire national, ce qui fondait leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre du FGTI ». Dans cet arrêt, la Cour de Cassation reconnaît, « qu'il résulte des articles L. 126-1, L. 422-1 et R. 422-6 du code des assurances que le FGTI assure, hors de toute recherche de responsabilité, la réparation intégrale des dommages résultant d'une atteinte à la personne des victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national, quelle que soit leur nationalité, et des victimes de ces mêmes actes commis à l'étranger, lorsqu'elles sont de nationalité française ». Dès lors, « le lieu de commission de ces actes est celui où survient l'atteinte à la personne de la victime ». C’est pourquoi la Cour de Cassation décide que « c'est à bon droit qu'ayant constaté que les victimes avaient été blessées en Tunisie et étaient de nationalité allemande, la cour d'appel, […] a décidé qu'elles ne pouvaient bénéficier de l'indemnisation prévue aux textes précités ». |
Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 24 mars 2016
N° de pourvoi: 15-13737
Mme Flise (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Spinosi et Sureau, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2014), que, le 11 avril 2002, en Tunisie, X. a commis un attentat terroriste, en provoquant l'explosion d'un camion, qui a entraîné la mort ou causé des blessures à de nombreuses personnes ; qu'à la suite de ces faits M. Y. et M. Z. ont été condamnés par la cour d'assises spéciale de Paris pour complicité d'assassinats et complicité de tentatives d'assassinats ainsi que pour participation à un groupe terroriste, faits commis en France s'agissant de M. Y ; que M. A, M. B, M. C, Mme D, M. E, M. F, Mme G, M. H, Mme I, M. J, représenté par son père M. K, M. L, M. M., victimes de nationalité allemande (les victimes), ont saisi d'une demande d'indemnisation le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (le FGTI) ; qu'en raison de son refus, les victimes l'ont assigné devant un tribunal de grande instance ;
Attendu que les victimes font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes d'indemnisation, alors, selon le moyen :
1°/ que les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national sont indemnisées dans les conditions définies aux articles L. 422-1 à L. 422-3 du Code des assurances par le FGTI ; qu'en l'espèce, plusieurs actes de terrorisme, qui ont chacun contribué à la réalisation des préjudices des victimes, ont été imputés à MM. Y. et Z. condamnés définitivement par la cour d'assises spéciale de Paris par un arrêt du 18 mai 2010 ; que s'agissant des actes de terrorisme commis par M. Y. - d'une part, avoir sciemment, par aide ou assistance, facilité la préparation ou la consommation d'assassinats et de tentatives d'assassinats avec cette circonstance que les faits ont été commis intentionnellement en relation avec une entreprise ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intermédiaire de la terreur et, d'autre part, avoir sciemment participé à un groupement formé ou à une entente établie, en vue de la préparation caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'actes de terrorisme-ils ont été commis en France, en l'occurrence à Saint-Priest, à Lyon et à Paris ; qu'en jugeant, pour débouter les exposants de leur action, que l'acte de terrorisme dont ils ont été victimes a été commis à l'étranger, à Tunis, lieu de l'attentat suicide, quand ils ont été victimes en réalité de plusieurs actes de terrorisme dont certains, qui ont contribué à la réalisation de leurs préjudices, ont été commis sur le territoire national, ce qui fondait leurs demandes indemnitaires formulées à l'encontre du FGTI, la cour d'appel a violé les articles L. 126-1 du code des assurances et les articles 421-1 et 421-2-1 du code pénal ;
2°/ que, en retenant, pour débouter les victimes de leur action, que l'acte de terrorisme dont ils ont été victimes a été commis à l'étranger, à Tunis, lieu de l'attentat-suicide, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si, sans tenir compte du lieu de l'attentat, des actes de terrorisme n'avaient pas été commis en France et s'ils ne fondaient pas à eux seuls, au regard des textes applicables, leur action indemnitaire dirigée à l'endroit du FGTI, la cour d'appel a violé les articles L. 126-1 du code des assurances et les articles 421-1 et 421-2-1 du code pénal ;
3°/ que les coauteurs d'un même dommage, ayant concouru à le causer en entier par leurs actes respectifs, doivent être condamnés envers la victime à en assurer l'entière réparation ; qu'en estimant néanmoins, pour débouter les exposants de leur action, que l'acte de terrorisme dont ils ont été victimes ne peut être que l'acte générateur du dommage, lequel a été commis sur le territoire tunisien, quand d'autres actes de terrorisme, commis par M. Y. sur le territoire français, ont pourtant également concouru à ce même dommage, ce dont il résultait que les victimes avaient bien souffert d'un préjudice causé notamment par des actes de terrorisme commis en France, la cour d'appel a violé articles L. 126-1 du code des assurances et les articles 421-1 et 421-2-1 du code pénal, ensemble l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'il résulte des articles L. 126-1, L. 422-1 et R. 422-6 du code des assurances que le FGTI assure, hors de toute recherche de responsabilité, la réparation intégrale des dommages résultant d'une atteinte à la personne des victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national, quelle que soit leur nationalité, et des victimes de ces mêmes actes commis à l'étranger, lorsqu'elles sont de nationalité française ; qu'au sens de ces textes, le lieu de commission de ces actes est celui où survient l'atteinte à la personne de la victime ;
Que, dès lors, c'est à bon droit qu'ayant constaté que les victimes avaient été blessées en Tunisie et étaient de nationalité allemande, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise visée à la deuxième branche, a décidé qu'elles ne pouvaient bénéficier de l'indemnisation prévue aux textes précités ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;