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Cour de cassation, première chambre civile, 12 janvier 2012, n° 10-24447 (Information – Patient – Préjudice - Indemnisation)

Cet arrêt rendu par la Cour de cassation rappelle que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci. Il a par ailleurs le mérite d’affirmer que le consentement du patient doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir, de sorte que le non-respect du devoir d'information qui en découle, cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation.

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 12 janvier 2012
N° de pourvoi: 10-24447

Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Charruault (président), président
Me Brouchot, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)

 


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Met hors de cause sur sa demande le centre hospitalier régional universitaire de la Guadeloupe ;

Sur le moyen unique :

Vu les articles 16 et 16-3 du code civil, ensemble l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ;

Attendu que, pour débouter M. X..., opéré, à la suite d'un traumatisme au genou droit, par M. Y..., chirurgien, de son action en responsabilité à l'égard de ce dernier, la cour d'appel, adoptant expressément les motifs des premiers juges, a constaté que les séquelles subies par le patient étaient une conséquence de l'évolution naturelle de son état et non des actes pratiqués et que, bien que ne soit pas contesté le fait qu'il n'avait reçu aucune information lors des interventions litigieuses, l'acte médical non consenti n'avait pas produit de conséquences dommageables autres que la simple méconnaissance de sa volonté ;

Qu'en statuant ainsi, alors que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci, et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir, de sorte que le non-respect du devoir d'information qui en découle, cause à celui auquel l'information était légalement due, un préjudice, que le juge ne peut laisser sans réparation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes envers M. Y..., l'arrêt rendu le 17 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne M. Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze janvier deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Brouchot, avocat aux Conseils pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté M. X... de l'ensemble de ses prétentions ;

AUX MOTIFS QUE le Dr Z..., commis en qualité d'expert, par décision du tribunal de grande instance de Pointe à Pitre, dans le cadre du présent litige, a conclu son rapport déposé le 10 avril 2003, en indiquant que « les lésions que M. X... impute aux interventions du Dr Y..., ne sont pas la conséquence de l'intervention du Dr Y..., l'évolution naturelle de son traumatisme au genou droit. Les soins du Dr Y... ont été effectués suivant les règles de l'art, on ne peut relever aucune faute à l'égard de ce praticien » ; que l'expert a précisé, aux termes de son rapport, que le traumatisme de la rotule peut évoluer sans raison vers une chondropathie de la rotule qui se manifeste surtout par des douleurs entraînant une impotence fonctionnelle du membre atteint et a conclu que dans le cas de M. X..., il s'agissait de l'évolution naturelle de cette forme d'affectation, son état n'ayant pas été aggravé lors des interventions subies ; que M. X..., qui ne formule aucune critique de ce rapport, ne produit aucun élément permettant de remettre en cause ces conclusions basées sur un examen attentif de la victime ainsi que des pièces médicales du dossier ; que s'agissant de l'obligation d'informer le patient sur la nature de l'acte médical envisagé, sur ses risques et d'éventuelles alternatives thérapeutiques, c'est par des motifs tout à fait pertinents qui méritent adoption que les juges du premier degré ont dit et jugé que l'acte médical non consenti n'a pas produit de conséquences dommageables au regard des conclusions de l'expert ; que la responsabilité du praticien ne saurait dès lors être engagée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le Dr Y... oppose que l'arthroscopie du 9 octobre 1990 consistait en un examen à but simplement diagnostique et que l'intervention du 9 mars 1994, une arthrotomie pratiquée dans le même temps qu'une arthroscopie, n'a consisté que dans une régularisation au bistouri et à la curette, intervention à laquelle M. X... a forcément donné implicitement son consentement ; qu'il est certain que selon les termes de l'article L. 1111-2 alinéa 2 du code de la santé publique, l'information du patient incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables ; que l'obligation pour le médecin d'informer son patient sur la nature de l'acte médical entrepris est acquise depuis un arrêt de principe de la chambre des requêtes de la Cour de cassation du 28 janvier 1942 ; qu'au terme d'une jurisprudence aujourd'hui constante, le patient doit ainsi être averti de la nature exacte de l'acte exécuté, de ses risques, ainsi que d'éventuelles alternatives thérapeutiques ; que dans cette dernière hypothèse, le devoir du médecin dépasse d'ailleurs la simple obligation d'information, pour se doubler d'un véritable devoir de conseil, le praticien devant ainsi exposer au patient les risques et avantages des différentes techniques envisageables, avant de conseiller celle qui lui paraît la plus adéquate ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté qu'aucune information n'a été donnée au patient par le praticien ; que cependant et conformément à un arrêt de principe de la première chambre civile de la Cour de cassation du 7 février 1990 (Cass. 1ère civ., 7 février 1990, Bull. civ. I n° 39), le médecin qui n'a pas recueilli le consentement libre et éclairé de son patient, n'a pas à être condamné à réparer l'entier préjudice corporel de ce dernier puisqu'il l'a seulement privé de la chance de refuser l'acte dommageable ; que M. X..., qui réclame réparation de son entier préjudice corporel, ne peut qu'être débouté de toute ses demandes indemnitaires ; que de surcroît, l'acte médical non consenti n'a pas produit de conséquences dommageables autres que la simple méconnaissance de la volonté de M. X... ; qu'en effet, l'expert a expliqué que le traumatisme de la rotule peut évoluer sans raison vers une chondropathie de la rotule chondropathie qui se manifeste surtout par des douleurs entraînant une impotence fonctionnelle du membre atteint et il a conclu que dans le cas de M. X..., il s'agissait donc de l'évolution naturelle de cette forme d'affectation et que son état n'a pas été aggravé lors des interventions subies ;

ALORS, D'UNE PART, QUE le manquement d'un médecin à son obligation légale et contractuelle d'information de son patient sur les risques et les conséquences d'une intervention chirurgicale cause nécessairement à celui-ci un préjudice que le juge est tenu de réparer ; que tout en retenant la faute du Dr Y... à raison de son manquement avéré à son obligation d'informer M. X..., la cour d'appel a considéré que cette faute n'avait causé aucun préjudice prouvé à ce patient qui a seulement été privé de la chance de refuser l'acte dommageable ; qu'en se déterminant de la sorte, la cour d'appel a méconnu le principe de la présomption d'existence d'un préjudice causé par le manquement du médecin à son obligation d'informer son patient, violant ainsi les articles 16, 16-3 et 1382 du code civil et L. 1111-6 du code de la santé publique pris ensemble ;

ALORS, D'AUTRE PART, QU'en toute hypothèse, à tout le moins, tout patient qui n'a pas été informé préalablement aux soins ou à l'intervention chirurgicale des risques et conséquences de ceux-ci, perd une chance, constitutive d'un préjudice, de refuser l'acte dommageable ; que tout en retenant que le Dr Y... avait fait perdre à M. X... la chance de refuser l'acte dommageable, la cour d'appel qui l'a cependant débouté de toute demande indemnitaire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait l'existence d'un préjudice indemnisable né de cette perte de chance au regard des articles 16, 16-3 et 1382 du code civil et L. 1111-6 du code de la santé publique qu'elle a ainsi violés.


Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre du 17 mai 2010